Après la confirmation de la nomination par le ministre des Biens culturels Dario Franceschini des directeurs de trois des plus importantes collections du pays (le musée de Capodimonte à Naples, la Galleria Nazionale d’Art moderne et contemporain à Rome et les Galeries des Offices à Florence, des musées autonomes qui ont fortement centralisé la plupart des recettes privées et publiques ces dernières années) ainsi que la publication du Top 30 des musées italiens qui ont accueilli pas moins de 55 millions de visiteurs en 2019, on ne peut s’empêcher de réfléchir et d’essayer de faire la lumière sur la rhétorique de la valorisation et du rôle éducatif des musées.
Rome, Galerie nationale d’art moderne et contemporain. Ph. Crédit Finestre Sull’Arte |
L’une des tendances de l’époque contemporaine, à laquelle les politiques muséales ne devraient en aucun cas se plier, est de promouvoir une vision du public comme un groupe plus ou moins homogène et passif de personnes qui remplissent des espaces vides sans vraiment développer leur propre sens critique et une vision plus profonde de ce qu’ils ont vu. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que les différentes figures professionnelles impliquées dans le secteur de la culture deviennent presque irrévocablement les porteurs d’une pratique managériale abstraite souvent accompagnée d’une pensée de la culture centrée sur le profit. Il est clair que les aspects critiques de cette approche ne découlent pas du modèle “commercial” en soi (dont il serait pratiquement impossible de se séparer complètement aujourd’hui étant donné l’absence quasi totale de financements et d’investissements publics), mais de ses objectifs et de ses politiques, qui changent complètement à partir du moment où la gestion se concentre sur le marketing en tant que fin en soi. Tout simplement parce que la réflexion sur le visiteur change. Mais quand on parle de “mettre l’homme au centre”, dans quelle mesure risque-t-on de l’approcher en grand nombre mais de manière superficielle? En quoi est-ce un motif de “développement” pour le territoire? Comment cela est-il mesuré?
Salvatore Settis(Italia S.p.A, Little Einaudi Library 2007) retrace un point de départ dans la naissance même du Ministère des Biens Culturels en 1974. Dès le début, il a été le serviteur d’autres ministères (comme le ministère du travail), puis en 1998 (avec Veltroni), il a changé de nom en ajoutant “activités culturelles” et en commençant à s’ouvrir aux entreprises pour les services muséaux ; plus tard, en 1999, les compétences en matière de sport et de divertissement ont été incorporées. Puis, avec le trio Urbani-Tremonti-Berlusconi, le bradage du patrimoine s’est accéléré à l’extrême, par la vente de services et la mise en concession des biens eux-mêmes. Aujourd’hui, les politiques néolibérales se poursuivent avec l’actuel ministre, y compris le Bonus Art critique (2014) et la dévaluation des surintendances, qui a conduit, entre autres, à l’invention du statut de “musée autonome” (loi 83/2014), le tout dans l’ombre de l’absence douloureuse de financements d’envergure pour les écoles, la culture et la recherche (parmi lesquels nous rappelons la réduction d’un milliard du budget du ministère en 2008). Cette inquiétante dévalorisation de la réalité culturelle et de la connaissance, de tout ce qui est en somme savoir immatériel et besoin humain, a d’une part provoqué négligence et dégradation, et d’autre part trouve une échappatoire trompeuse en devenant un objet de consommation vidé de son contenu.
Si nous voulons établir de nouveaux modèles pour le musée dans le monde contemporain, il ne suffit donc pas de parler d’innovation, ni de faire appel à son “rôle éducatif”. Il faut plutôt que le musée devienne une institution politique, qu’il critique profondément son propre contenu et qu’il se reconnaisse comme un bien commun (au même titre que l’histoire et la science). En fait, nous devons réfléchir au mot “valoriser” et comprendre ce qu’il signifie lorsque nous parlons du patrimoine culturel, tant matériel qu’immatériel. Tout d’abord, il ne s’agit pas de “donner” de la valeur, mais de la reconnaître, de la récupérer. Deuxièmement, qu’est-ce qui doit être valorisé? Certainement pas (seulement) l’emballage de l’objet d’art, qui fait des musées des décors attrayants. En effet, c’est précisément cette stratégie superficielle qui a fait perdre cette “valeur” aux œuvres d’art et qui, aujourd’hui, nous fait courir le risque de tomber dans un cercle vicieux où, même si le public est stimulé à court terme, il est complètement perdu à long terme. C’est autre chose qui rend le public actif et intéressé par son patrimoine. Et cela vient sans doute d’une longue relation silencieuse, mais riche, que les institutions culturelles (les écoles en premier lieu) doivent commencer à établir avec les gens.
Que faut-il donc mettre en valeur? Tout d’abord, même en prenant le risque d’être un peu abstrait, la connaissance. Il faut reconnaître la connaissance comme un besoin humain, cet espace “commun” dont parle l’anthropologue François Jullien, qui permet d’espérer une confrontation ouverte entre les différentes subjectivités culturelles, car “si l’universel relève de la logique et l’uniforme de la sphère économique, le commun, en revanche, a une dimension politique: le commun est ce qui est partagé”(L’identita culturale non esiste, Turin, Einaudi, 2018, p. 9).
Deuxièmement, la transmission de ce savoir, qui doit se faire non seulement entre la collection et le visiteur,mais aussi entre le patrimoine et la communauté. Comment y parvenir? Il est évident qu’il n’existe pas de protocole ou de norme muséale valable pour toutes les réalités (de nombreux muséologues et spécialistes du patrimoine critiquent le concept de norme, de Giovanni Pinna à Salvatore Settis). Si le seul objectif est de “rapprocher” le public et l’œuvre, on crée d’une part la séparation habituelle entre “haute” et “basse” culture, qui conduit inévitablement à l’exclusivité (et donc à l’exclusion), et d’autre part une culture de la surface qui aplatit tout. Les musées et les politiques culturelles en général doivent élargir leur spectre et leur champ d’action. Ils doivent (revenons à notre sujet) retrouver une fonction sociale et une fonction politique.
La mission du musée d’art, longtemps privée de soutien économique, a peut-être perdu la notion de la qualité pédagogique, culturelle et humanisante des visites. On n’entre pas seulement en contact avec des artefacts mais avec leur histoire et leur nature de proposer une pensée, une réaction plus ou moins créative à ce que l’on vit tous les jours. Le musée doit veiller à raconter l’histoire des œuvres et des collections en promouvant une recherche de qualité (sur laquelle aucun investissement à long terme n’a jamais été fait en Italie) et en encourageant le débat. C’est pourquoi, en tant qu’institution, le musée doit garantir la certitude scientifique du patrimoine qu’il conserve et commencer à en discuter après avoir fourni toutes les formes possibles de connaissance de sa collection. Autant d’histoires, unies par un langage créatif propre à l’homme. Ainsi disparaît le paradoxe selon lequel les musées ne doivent pas se faire les porteurs d’une “identité culturelle”, mais incarner à toutes fins utiles cette possibilité de transformation et d’hybridation en tant qu’acte politique. Politique dans la mesure où il propose une coexistence qui est un vivre ensemble de personnes différentes.
Quand on parle trop souvent d ’“identité culturelle”, aussi bien chez les muséologues locaux que comme précepte pour identifier un bien culturel ou paysager (Code du patrimoine culturel, décret législatif 42/2004) comme un ensemble de “valeurs culturelles”, tous deux signifiant une relation réactionnaire d’identification et d’appartenance à une culture localiste, on ne donne pas au territoire la valeur qu’il mérite. Le territoire a toujours été, et sera toujours, l’espace de la coexistence entre des personnes différentes, de la capacité de transformation et de l’art en tant que manifestation historique, civique et humaine. Cependant, si les objectifs éducatifs et les investissements dans la formation (à l’extérieur et à l’intérieur du musée) restent à l’arrière-plan, ou pire, constituent un fardeau, comment peut-on espérer devenir un point de référence pour le débat culturel?
Le musée d’art doit politiser et non idéologiser: proposer plus que l’abstraction d’un concept, l’intimité d’une suggestion. Redevenir une muse. Un principe inspirant qui nous dit de voir l’universalité du langage de l’art, de comprendre comment la beauté et l’histoire ne sont pas des canons esthétiques mais des besoins et des quêtes humaines. Si nous ne reconnaissons pas cette forme d’universalisme, nous ne pourrons pas entamer de discours pédagogique, et encore moins parler du pouvoir émancipateur de la culture, car nous finirons par accepter un “pluralisme” qui ne voit pas l’invisible, qui ne voit pas des images, mais des “figures” différentes à cataloguer. Ce que le musée doit devenir, comme l’a suggéré le muséologue Peter Vergo, sera plutôt une symphonie, dans laquelle les différents langages, codes (mots, couleurs, sons et textes) et moments (contemplation, étude) s’alternent et se laissent de l’espace. Le musée doit être l’espace où l’on initie la recherche, où l’on découvre la diversité non seulement entre les cultures, mais aussi entre les individus, et où l’on réalise que la créativité à travers les arts visuels n’est qu’une possibilité parmi d’autres et qu’elle a une capacité de transformation. Les implications sociales sont énormes. Donner un contenu aux images. C’est ce à quoi doivent tendre les nouvelles politiques culturelles.
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