Par Redazione | 29/04/2025 13:05
Sienne est peut-être la ville italienne la plus aimée de Vittorio Alfieri qui, dans son Autobiographie, publiée en 1806, n'a pas manqué de faire l'éloge de sonélégance, une qualité particulière de cette ville. La force du beau et du vrai est telle", écrit Alfieri à propos de Sienne, "que j'ai senti comme un rayon lumineux éclairer soudain mon esprit, et une flatterie des plus douces à mes yeux et à mon cœur, en entendant les plus vils habitants de Sienne parler avec tant de douceur et d'élégance, de bienséance et de brièveté". Même les guides du XIXe siècle ont remarqué l'esprit, la franchise et l'élégance de tous les Siennois. Aujourd'hui encore, Sienne s'offre au regard de ceux qui la visitent comme une ville gardienne d'une beauté ancienne, mesurée et profondément enracinée dans son histoire. Une élégance intrinsèque traverse chaque pierre de ses rues médiévales, chaque ligne de ses anciens palais, chaque silence qui se glisse entre les collines qui l'entourent. Il ne s'agit pas seulement d'une question d'esthétique : la beauté et l'élégance sont des principes fondateurs qui guident la vie et l'esprit de cette terre depuis des siècles.
Dès le XIVe siècle, la République de Sienne avait pris conscience de la valeur de la beauté en tant que bien public : dans le Constituto de 1309, la charte fondamentale de l'État, la République demandait à ceux qui gouvernaient la ville d'avoir à cœur "la beauté de la ville dans toute sa mesure, pour le plaisir et la joie des étrangers, pour l'honneur, la prospérité et la croissance de la ville et de ses citoyens". Sienne, parmi les communes italiennes de l'époque, s'est distinguée en introduisant dans sa Constitution le principe de la sauvegarde du paysage et de l'harmonie urbaine. Un geste politique et culturel à la fois, qui témoigne de la prise de conscience par la ville de son patrimoine et de la nécessité de le préserver, pour elle-même, pour ceux qui la visitent, et même pour les générations futures ("accresccimento"). Il s'agit en fait d'une forme d'élégance morale : reconnaître à la beauté le droit d'exister et d'être protégée.
Cette vision se reflète dans la grande saison artistique qui a fait de Sienne un phare dans le paysage culturel européen. L'école siennoise, qui s'est épanouie entre le XIIIe et le XVe siècle, a exprimé une sensibilité formelle raffinée, se positionnant comme une alternative stylistique à la Florence contemporaine. Si Florence était le domaine de la plasticité, de l'ordre, Sienne était le domaine de l'élégance formelle. Simone Martini, Ambrogio et Pietro Lorenzetti, Duccio di Buoninsegna : leurs noms sont devenus synonymes d'un art de la grâce, de la mesure et de la préciosité chromatique. Il n'y a pas la solidité plastique de l'art florentin, mais un calme lyrique qui élève le récit pictural à une vision spirituelle. Les retables, les fresques civiques et religieuses témoignent d'un monde où l'élégance est un signe de représentation et de vie. L'utilisation de l'or dans l'art siennois de l'époque n'est que décorative, car elle revêt également une fonction narrative et spirituelle : elle crée un arrière-plan éternel et intemporel où le sacré se manifeste dans la lumière. Les draperies des robes, avec leurs lignes fluides et régulières, que l'on retrouve surtout dans l'art de Simone Martini, témoignent d'une sensibilité de miniaturiste, presque d'orfèvre, qui confère à la composition un caractère précieux, presque intangible. Il suffit de regarder la splendide Maestà du Palazzo Pubblico ou la non moins spectaculaire Maestà peinte par Duccio di Buoninsegna pour la cathédrale de Sienne, aujourd'hui conservée au Museo dell'Opera del Duomo.
Différente, mais non moins élégante, est la vision d'Ambrogio Lorenzetti, auteur entre 1338 et 1339 du cycle Allegoria ed Effetti del Buono e del Cattivo Governo (Allégorie et effets du bon et du mauvais gouvernement), que l'on peut également admirer au Palazzo Pubblico de Sienne. Ici, l'élégance devient aussi éthique, civique. Dans l'une des premières représentations laïques et civiques de l'histoire de l'art occidental, Lorenzetti illustre les effets d'un gouvernement juste et harmonieux sur la ville et la campagne. Les scènes urbaines, avec leurs palais parfaitement ordonnés, les personnages qui dansent et travaillent en paix, montrent une Sienne idéale, gouvernée par un sens de l'équilibre et de la mesure, par opposition à une ville au contraire mal administrée, en ruines à cause d'une mauvaise gouvernance. Même dans les représentations les plus complexes et les plus denses politiquement, l'artiste ne renonce jamais à un raffinement de composition qui distingue clairement l'école siennoise. Les proportions, l'architecture, les gestes des personnages : tout contribue à restaurer une vision de la coexistence civile fondée sur la beauté partagée. L'élégance devient ici un paradigme du bien commun.
L'élégance qui imprègne la culture siennoise ne s'exprime pas seulement dans la grande peinture du XIVe siècle et ses maîtres les plus célèbres. Elle se manifeste avec la même intensité dans la suite de l'histoire de l'art (du XVIe siècle avec des artistes comme Domenico Beccafumi ou Sodoma jusqu'au XIXe siècle avec Luigi Mussini, qui a décoré la salle du Risorgimento du Palazzo Pubblico avec ses scènes historiques raffinées), dans les arts appliqués et dans l'architecture, aussi bien religieuse que civile. Dans ces formes artistiques, Sienne a su allier le raffinement formel, l'équilibre de la composition et un profond respect de la tradition et de l'harmonie avec le contexte naturel. Cette élégance se traduit par des objets quotidiens, des espaces de vie, des solutions décoratives qui témoignent d'une culture visuelle extrêmement cultivée, mais enracinée dans une forte identité civique.
Les arts appliqués siennois du Moyen Âge et de la Renaissance reflètent la même tension vers la grâce et la perfection que la peinture. Il suffit de penser à l'orfèvrerie et à la miniature, deux domaines dans lesquels Sienne excelle depuis le XIIIe siècle. Les ateliers siennois produisaient des croix astyles, des reliquaires, des calices et des pyxides dans lesquels l'utilisation habile de l'or, de l'argent et des pierres précieuses ne visait jamais à l'ostentation, mais à la sacralisation de l'objet, à son élection en tant que symbole d'une beauté d'un autre monde.
Sienne a su, au fil des siècles, conserver cet esprit intact. La Piazza del Campo, avec sa forme de coquillage, reste l'un des espaces urbains les plus harmonieux au monde. Le Palazzo Pubblico et la Torre del Mangia dominent la ville avec une autorité discrète, tandis que le Duomo, avec ses marbres bicolores et sa géométrie gothique, incarne un rare équilibre entre solennité et légèreté. En parcourant les rues étroites du centre historique, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, on perçoit une sérénité urbaine qui semble répondre à des règles non écrites, mais intériorisées au fil des siècles : chaque coin de rue, chaque regard semble conçu pour accompagner le regard, et non pour s'imposer à lui.
Hors des murs, la province de Sienne étend le principe d'élégance à la nature elle-même, modelée au fil des siècles par une présence humaine respectueuse et consciente, qui a façonné le territoire pour créer l'un des paysages les plus appréciés d'Italie (et qui continue de le faire aujourd'hui, en soulignant, même à travers l'art contemporain , la fusion entre l'homme et la nature : il suffit de penser à des projets tels que le Parc de sculptures du Chianti ou le Site Transitoire de Jean-Paul Philippe à Asciano). Les fermes en pierre des Crete Senesi ou du Val d'Orcia, avec leurs volumes compacts et leurs toits de tuiles, sont construites avec un sens des proportions qui semble répondre aux lignes des collines. Les Crete Senesi, au sud-est de la ville, sont l'un des exemples les plus emblématiques de cette élégance territoriale. Un paysage presque lunaire, fait de collines dénudées, de ravins, de biancane, mais qui n'a rien de sauvage : c'est un paysage travaillé, médité, façonné au fil des siècles par une agriculture sobre qui n'a jamais violé la morphologie du terrain mais s'y est adaptée, en la respectant. Les chemins de terre qui serpentent à travers les collines, les rangées de cyprès qui accompagnent les courbes naturelles, les fermes au sommet des collines : tout semble répondre à une logique non seulement fonctionnelle, mais aussi esthétique.
Un peu plus au sud, le Val d'Orcia, aujourd'hui classé au patrimoine de l'UNESCO, est un vaste espace ouvert où chaque élément - des églises paroissiales médiévales aux villages fortifiés, des vignobles géométriques aux champs de blé - participe à une idée unifiée du paysage. L'élégance réside ici dans la synthèse de l'art et de la nature : des centres historiques tels que San Quirico d'Orcia, Castiglione d'Orcia, Pienza ou Montalcino se détachent dans le paysage comme des joyaux qui ne surplombent pas, mais dialoguent avec la terre. Le regard passe sans interruption de l'architecture à l'environnement, et l'effet est celui d'un équilibre qui semble éternel. Le Chianti siennois, au nord de la province, exprime une autre déclinaison de l'élégance du territoire. Ici, au milieu de forêts denses et de collines ondulantes, s'insèrent discrètement des châteaux, des églises paroissiales romanes et des villages tels que Radda, Castellina et Gaiole. L'architecture viticole - caves historiques et modernes - s'inscrit aujourd'hui dans la continuité de cette tradition, où même l'innovation se plie à un principe d'harmonie avec le paysage. L'élégance, ici, c'est l'art de ne pas déranger.
Les églises paroissiales romanes disséminées sur le territoire, comme celle de Corsignano à Pienza ou la Pieve di San Giovanni Battista à Monteroni, sont autant d'exemples de la façon dont la spiritualité peut prendre forme dans des structures simples mais précisément calibrées. Les fortifications et les villages, comme Monteriggioni ou San Quirico d'Orcia, montrent également comment la défense et la vie quotidienne peuvent se traduire par une architecture harmonieuse. La ville idéale projetée par Pie II à Pienza - un exemple de la Renaissance, mais un enfant de la même culture siennoise - est l'un des témoignages les plus importants de cette volonté de faire du territoire une œuvre d'art vivante, en équilibre entre l'urbanisme, l'architecture et le paysage.
L'élégance du territoire siennois est peut-être sa qualité la plus subtile et en même temps la plus profonde, parce qu'elle ne s'impose pas avec grandiloquence, mais se manifeste précisément dans la cohérence entre nature et culture, dans la mesure des paysages, dans la continuité entre ville et campagne. Il ne s'agit pas seulement de la beauté du paysage au sens romantique du terme, mais d'une forme d'ordre, de respect, d'harmonie ancienne entre l'homme et son environnement. En ce sens, le territoire siennois peut être considéré comme une véritable "architecture du paysage", construite au fil des siècles avec la même attention esthétique et spirituelle que celle qui a présidé à l'édification des palais ou à la peinture des retables.
Sur le territoire siennois, l'intervention humaine s'est toujours faite avec un sens de la mesure que l'on pourrait aujourd'hui définir comme "durable" mais qui, en réalité, s'enracine dans une éthique de vie ancienne et profondément civique. Le paysage agricole n'est pas seulement productif, mais aussi expressif. Les champs cultivés alternent avec les bois, les vignobles, les oliveraies et les pâturages dans une trame dense qui dessine l'espace comme un tissu. Les fermes, souvent construites en pierre locale, sont des exemples d'architecture spontanée qui répondent non seulement à des besoins pratiques, mais aussi à une culture du décorum et de la dignité rurale.
On pourrait dire que chaque recoin du territoire, du centre historique de Sienne à la dernière ferme sur les collines de la Montagnola ou du Val di Merse, participe à une idée de l'élégance comme harmonie entre l'humain et le naturel. Une esthétique qui ne s'impose pas par l'ostentation, mais qui s'affirme dans le silence, dans la continuité, dans la grâce d'une simplicité bien faite. Aujourd'hui comme hier, Sienne reste un rare exemple de civilisation visuelle. Elle l'est dans ses rites anciens, comme le Palio, qui n'est pas seulement une course, mais une représentation codifiée de l'appartenance, de la fierté et de la théâtralité collective. Elle l'est dans ses institutions culturelles, ses universités, ses artisans. Sienne est et reste la patrie de l'élégance. Non pas celle, éphémère, des modes, mais celle, permanente, des valeurs. Et dans un monde qui change à un rythme de plus en plus accéléré, sa leçon de beauté mesurée et consciente est une précieuse invitation à la lenteur, à la profondeur, à l'authenticité.