Un dialogue moderne entre l'Italie et l'Espagne exposé dans les salles des Offices


Compte rendu de l'exposition " Espagne et Italie en dialogue dans l'Europe du XVIe siècle ", à Florence, Galerie des Offices (Aula Magliabechiana), du 27 février au 27 mai 2018.

Dans un essai fondamental publié en 1985, le grand spécialiste anglais Michael Baxandall a déclaré que le problème de ce que l’on appelle l’“influence” est une sorte de malédiction pour l’historien de l’art. Il s’agit d’une malédiction, selon Baxandall (la traduction suivante est de l’auteur), en raison de ses “préjugés grammaticaux erronés sur qui est l’agent et qui est le patient [...]. Si quelqu’un dit que X a influencé Y, il semble dire que X a fait quelque chose pour Y, et non pas que Y a fait quelque chose pour X. Mais si nous pensons aux grandes œuvres et aux grands artistes, c’est toujours le contraire qui est vrai. Il est très étrange qu’un terme aussi incongru joue un rôle aussi fondamental, car il va à l’encontre de la force réelle du lexique. Si l’on considère Y au lieu de X comme l’agent, le vocabulaire est bien plus riche et bien plus agréablement diversifié: s’inspirer, recourir, utiliser, s’approprier, adapter, équivoquer, se référer, reprendre, assumer, se rapporter à, avoir recours à, réagir à, citer, se différencier de, s’assimiler à, s’aligner sur, copier, adresser, paraphraser, absorber, faire une variation à partir de, faire revivre, continuer, remodeler, singer, émuler, imiter, parodier, extraire, déformer, traiter, résister, simplifier, reconstituer, élaborer, développer, faire face, maîtriser, subvertir, perpétuer, réduire, promouvoir, répondre, transformer, contrecarrer.... et ainsi de suite. Et nombre de ces relations ne peuvent pas être envisagées en termes de X ayant fait quelque chose sur Y, mais en termes inverses. Penser en termes abrupts d’”influences" revient à appauvrir ces différences.

Il a été décidé de partir de Baxandall parce que le terrain labouré par le grand historien de l’art il y a plus de trente ans (et qui fait encore aujourd’hui l’objet de controverses) est celui sur lequel a été semée l’exposition L’Espagne et l’Italie en dialogue dans l’Europe du XVIe siècle. Gallori et Tommaso Mozzati. À la base de l’exposition se trouve l’idée qu’au XVIe siècle, et plus précisément dans la période qui commence avec les guerres d’Italie et se poursuit au moins jusqu’à la fin de l’ère de Philippe II d’Espagne (c’est la période couverte par l’exposition), la Méditerranée a été le lieu d’échanges fructueux entre l’Italie et l’Espagne qui ne se sont pas déroulés selon une perspective unidirectionnelle (ou, au mieux, ont produit des résultats qui pouvaient être encadrés de manière rigide dans des compartiments étanches), mais de manière réciproque, ouverte et continue. Par conséquent, un premier problème est de s’assurer que le design des artistes espagnols et italiens de l’époque, mais aussi de ceux d’ailleurs, est correctement placé. Il convient toutefois de rappeler que L’Espagne et l’Italie en dialogue est avant tout une exposition de dessins, provenant en grande partie du noyau de dessins espagnols des Offices, qui remonte à la donation de 1866 d’Emilio Santarelli, le sculpteur florentin qui a légué au musée des milliers de feuilles d’artistes de tous les lieux et de toutes les époques. Traiter de ces sujets signifie, écrit Marzia Faietti, “élargir constamment les horizons de la recherche, en s’approchant du point de rupture de la notion d’école [...] sans pour autant renoncer à la récupération philologique du tissu artistique d’un lieu spécifique et à l’analyse de la transmission des savoirs dans les différents ateliers”. Sachant donc que l’histoire de l’art moderne peut également reconsidérer le concept d’“école nationale” à la lumière du “réexamen de la notion d’État-nation actuellement en cours dans l’historiographie” (poursuit Marzia Faietti en se référant aux études de Hobsbawm), il est possible d’envisager les thèmes de la revue florentine dans une perspective plus large et plus profonde.

Un deuxième problème, de taille, consiste à circonscrire l’adjectif “espagnol” aux œuvres des artistes de la Renaissance ibérique: une question bien soulignée, dans son essai de catalogue, par Benito Navarrete Prieto, qui se demande s’il n’est pas plus correct de parler de “dessin en Espagne” plutôt que de “dessin espagnol”. En effet, au XVIe siècle, souligne Navarrete Prieto, “dans les différents ateliers artistiques actifs dans la péninsule ibérique au XVIe siècle, on ne détecte pas une véritable évolution ni une continuité des pratiques”, contrairement à ce qui se passera au XVIIe siècle, mais pas seulement: le XVIe siècle est une période de grandes transformations et de changements radicaux en Espagne. Les couronnes de Castille et d’Aragon sont unies de facto en 1479, mais ce n’est que bien plus tard, avec le déplacement de la capitale à Madrid, voulu par Philippe II, que se forme une cour capable de garantir l’homogénéité artistique du royaume d’Espagne (et il faudra beaucoup de temps pour atteindre cet objectif, tant les régionalismes et les localismes sont encore clairement distinguables tout au long du XVIe siècle). À cela s’ajoutent deux autres éléments qui donnent forme à un tableau extrêmement composite: la forte présence d’artistes étrangers, notamment italiens et flamands, et les séjours que les artistes espagnols eux-mêmes ont effectués en Italie, rapportant des indices et des suggestions dans leur pays d’origine.

L'exposition L'Espagne et l'Italie en dialogue dans l'Europe du XVIe siècle
L’exposition L’Espagne et l’Italie en dialogue dans l’Europe du XVIe siècle


L'exposition L'Espagne et l'Italie en dialogue dans l'Europe du XVIe siècle
L’exposition L’Espagne et l’Italie en dialogue dans l’Europe du XVIe siècle

L’exposition commence par un voyage en Italie: celui qu’Alonso Berruguete (Paredes de Nava, vers 1488 - Tolède, 1561), fils du grand Pedro, peintre de la cour d’Urbino de Federico da Montefeltro, a effectué très jeune, entre 1506 et 1518, principalement à Florence, sans négliger une parenthèse à Rome. Les expériences accumulées au cours de son séjour toscan culminent dans ce que l’on appelle le Loeser Tondo, une œuvre qui combine une fascination pour les figures vigoureuses de Michel-Ange (déduite d’une étude passionnée de la Bataille de Cascina de Michel-Ange) avec des influences évidentes de Donatello, comme l’atteste une feuille attribuée à Berruguete (bien que douteuse) qui copie la Vierge aux nuages de Donatello: En effet, on pourrait presque dire que le Tondo de Loeser représente une sorte d’actualisation maniériste de l’anti-classicisme de la Madone “de Vérone” de Donatello, se plaçant, comme l’a noté Giuliano Briganti en développant une baguette de Longhi, “dans une claire anticipation de certains effets de sorcière de Rosso”. Berruguete lui-même fut l’un des premiers (et l’un des rares) artistes espagnols à utiliser le dessin comme moyen de fixer ce qu’il avait appris en étudiant ses grands contemporains, comme le montre une copie du Prophète Daniel de la Chapelle Sixtine (et notez comment le peintre castillan, en tant que grand connaisseur de l’anatomie humaine Il en va de même pour l’un de ses contemporains, d’une génération plus tardive mais tout aussi animé par le désir d’utiliser largement le support graphique, Gaspar Becerra (Baeza, 1520 - Madrid, 1568), dont la copie du Jugement dernier Disma de Michel-Ange est exposée dans le cadre de l’exposition.

Les recherches de Pedro Machuca (Tolède, vers 1490 - Grenade, 1550) se sont orientées vers Rome. Dans sa Vierge à l’enfant avec saint Jean et saint Joseph de la Národní Galerie de Prague, exposée pour la première fois en Italie à cette occasion, il semble presque vouloir combiner l’énergie de Michel-Ange avec la grâce de Raphaël “dans un empâtement pictural de coups de pinceau larges et liquides, de corps doux comme la cire” (comme le dit Anna Bisceglia dans le catalogue), démontrant qu’il a saisi la “trame” qui caractérise, par exemple, la Madone de la Chaise, mais révélant également des impulsions maniéristes (la référence proposée est Domenico Beccafumi) pour l’agitation des personnages, en particulier l’Enfant qui, avec sa pose difficile et contorsionnée, semble se désintéresser de sa mère. Rome est devenue la ville préférée des peintres espagnols de passage en Italie au moins à partir du milieu du XVIe siècle, et il est toutefois intéressant de noter que Raphaël et Michel-Ange n’étaient pas les seuls artistes auxquels les peintres arrivant de la péninsule ibérique s’adressaient. L’exposition florentine met bien en évidence la dette des artistes espagnols envers Sebatiano del Piombo (Venise, vers 1485 - Rome, 1547): sa dévotion idéalisée, qui trouve l’un de ses sommets dans la célèbre Pietà de Viterbe (une étude pour le Christ déchu, peu affecté par les souffrances de la croix, est exposée), a inspiré plus d’un jeune artiste ibérique, comme en témoigne le Christ portant la croix de l’atelier de Luis de Morales, dérivé d’un prototype du maître, rappelant les scènes de souffrance du peintre vénitien, mais plus destinées à impressionner le spectateur qu’à le faire méditer, comme le suggèrent certains détails que Sebastiano del Piombo n’aurait jamais imaginés pour l’un de ses Christs (l’exemple de la corde autour du cou, d’une lourdeur totalement inconnue dans l’art du grand Vénitien).

Alonso Berruguete, Vierge à l'enfant connue sous le nom de Loeser Tondo
Alonso Berruguete, Vierge à l’enfant dite Tondo Loeser (1513-1514 ; huile sur panneau, diamètre 83 cm ; Florence, Palazzo Vecchio, Collection Loeser)


Alonso Berruguete, Vierge à l'enfant
Alonso Berruguete (?), Vierge à l’enfant, de Donatello (vers 1508-1510 ; pierre rouge sur papier, 364 x 268 mm ; Florence, Galeries des Offices, Cabinet des estampes)


Gaspar Becerra, Disma
Gaspar Becerra, Disma, de Michel-Ange (avant 1533 ; pierre noire sur papier, 340 x 210 mm ; Florence, Galeries des Offices, Cabinet des estampes)


Alonso Berruguete (attribué), Le prophète Daniel
Alonso Berruguete (attribué), Le prophète Daniel, de Michel-Ange (vers 1512-1517 ; pierre rouge sur papier, 399 x 281 mm ; Valence, Museo de Bellas Artes)


Pedro Machuca, Sainte Famille
Pedro Machuca, Sainte Famille (vers 1520 ; huile sur panneau, diamètre 72 cm ; Prague, Národní Galerie)


Sebastiano del Piombo, Le Christ déchu
Sebastiano del Piombo ou cercle, Christ déposé (vers 1512 ; pierre rouge sur papier, 120 x 290 cm ; Florence, Galerie des Offices, Cabinet des dessins et des estampes)


Atelier de Luis de Morales, Christ portant la croix
Atelier de Luis de Morales, Christ portant la croix (vers 1550-1560 ; huile sur panneau, 59,5 x 56 cm ; Florence, Galerie des Offices)

La deuxième partie de L’Espagne et l’Italie en dialogue, qui correspond aux sections allant de la quatrième à la sixième, aborde plutôt le parcours inverse, celui des artistes qui ont voyagé de l’Italie (et souvent d’autres parties de l’Europe) vers l’Espagne. La quatrième section, en particulier, se concentre sur l’Espagne en tant que centre capable d’attirer des peintres étrangers grâce surtout à l’action de Philippe II qui, comme nous l’avons mentionné au début, après avoir déplacé la capitale de Tolède à Madrid, a voulu former autour de lui une cour culturellement et artistiquement avancée. De plus, l’accession au trône de Philippe II, qui succède à son père Charles V de Habsbourg en 1556 après l’abdication de ce dernier, a donné lieu à une série de commandes qui ont attiré en Espagne de nombreux artistes, séduits par la possibilité de relancer leur carrière. Un exemple singulier est celui d’un peintre comme El Greco (de son vrai nom Domínikos Theotokópoulos, Iraklion, 1541 - Tolède, 1614), un artiste aux origines helléniques jamais oubliées, “qui semblait assimiler l’essence même des lieux où il avait passé sa vie et mûri ses connaissances, en l’exprimant dans un langage artistique qui ne pouvait pas être précisément localisé dans un pays en particulier” (Marzia Faietti). L’exposition comprend La guérison de l’aveugle né sur commande de Farnèse (et donc avant son départ pour l’Espagne), qui montre comment le Greco s’est approprié la culture figurative vénitienne (en particulier le dynamisme, les éclairs et les ouvertures spatiales du Tintoret), en l’associant au plasticisme de Michel-Ange après un séjour à Rome: ce sont les expériences qu’il a emportées avec lui en Espagne. Il n’y a pas d’autres œuvres de Theotokópoulos dans l’exposition, mais il convient de noter que la production graphique espagnole du Greco est plutôt rare et en mauvais état, et que l’ajout d’autres peintures pour une présentation plus complète de sa carrière artistique était probablement hors de portée de l’exposition. Dans le catalogue, Almudena Pérez de Tudela rappelle toutefois qu’en 1580, le Greco fut chargé de réaliser une œuvre pour l’un des autels de l’Escurial, mais que le résultat final ne plut pas à Philippe II, si bien que l’artiste crétois ne put plus obtenir de commandes pour la prestigieuse entreprise que le souverain avait entamée quelques années auparavant.

C’est précisément la construction (et la décoration ultérieure) du monastère de l’Escurial qui a catalysé les énergies de toute l’Europe et attiré de grands esprits à Madrid. Après la première vague d’artistes italiens qui ont rempli la cour de Philippe II dès que le jeune monarque est monté sur le trône d’Espagne (parmi eux Pompeo Leoni, Romolo Cincinnato, Giampaolo Poggini), il y a eu une deuxième vague, beaucoup plus importante, qui a participé à l’entreprise qui a commencé en 1563. Il est nécessaire de souligner que, plus que les événements qui ont conduit à la construction de l’imposant édifice destiné à devenir non seulement un monastère mais aussi la résidence de Philippe II et la sépulture des souverains espagnols, l’exposition se concentre sur le rôle du dessin et de l’imprimerie dans l’aventure de l’Escurial. D’une part, le dessin représentait pour Philippe II un moyen de contrôler l’avancement des travaux. En effet, il semble que le roi avait une grande expertise en matière d’architecture et que les projets devaient obtenir son accord personnel pour être approuvés. En ce sens, l’esquisse préparatoire de Gregorio Pagani (Florence, 1556 - 1605) pour les décorations funéraires du souverain, représentant Philippe II approuvant le modèle de l’Escurial, offre un exemple intéressant. D’autre part, le dessin était un moyen efficace pour favoriser la circulation des idées. L’imprimerie, en revanche, était utile pour diffuser la notoriété de l’entreprise, un objectif à atteindre de manière programmatique avec des gravures comme celle de Pedro Perret (Anvers, 1549? - Madrid, 1625) montrant la perspective générale de l’ensemble du complexe de San Lorenzo de El Escorial, sur la base d’un dessin de Juan de Herrera.

Les artistes italiens ont surtout participé à la décoration. Le nom le plus célèbre est celui du grand Luca Cambiaso (Moneglia, 1527 - El Escorial, 1585), qui fut appelé en Espagne en 1583 et y resta deux ans jusqu’à sa mort: il fut le premier Italien appelé à l’Escurial. Il ne faut pas manquer ses dessins stéréométriques, à commencer par celui de la Gloire des Bienheureux (dont une copie est présentée dans l’exposition), la grande fresque destinée à la voûte du chœur de l’église de l’Escorial, que l’exposition florentine présente dans sa première version, celle qui, selon Raffaele Soprani, fut rejetée par Philippe II parce que la composition était contraire à la logique selon laquelle “les saints du ciel ne se trouvaient pas dans le même lieu [....] mais que, récompensés selon leurs mérites, ils étaient répartis en diverses hiérarchies, parmi lesquelles certains étaient supérieurs et plus nobles, et beaucoup d’autres inférieurs”: cette motivation, “plus pieuse que pittoresque”, selon Soprani, eut pour effet d’anéantir ce qui, selon lui, était le projet le plus ingénieux jamais sorti de la plume de Luca Cambiaso. Loin de la réduction de Cambiaso aux formes géométriques, son contemporain Pellegrino Tibaldi (Puria di Valsolda, 1527 - Milan, 1596) ne manquait pas, même dans ses dessins, d’imprégner ses figures du sens de la monumentalité qu’il tenait de son long contact avec les œuvres de Michel-Ange. Son travail eut un tel succès qu’après la mort de Luca Cambiaso, c’est lui qui fut chargé d’exécuter la plupart des décorations du complexe.

El Greco, Guérison de l'aveugle-né
El Greco, Guérison de l’aveugle-né (vers 1570-1576 ; huile sur toile, 50 x 61 cm ; Parme, Galleria Nazionale)


Gregorio Pagani, Philippe II approuve la conception de l'Escurial
Gregorio Pagani, Philippe II approuve le projet de l’Escurial (1589 ; plume et encre, pierre noire, pierre noire quadrillée, papier, taches d’encre bleue, 260 x 366 mm ; Florence, Galerie des Offices, Cabinet des dessins et des estampes)


Pedro Perret, El Escorial
Pedro Perret, El Escorial, séptimo diseño, perspectiva general de todo el edificio d’après un dessin de Juan de Herrera (1587 ; burin, 562 x 857 mm ; Madrid, Biblioteca Nacional de España)


Luca Cambiaso, Gloire des bienheureux
Luca Cambiaso (copie de), Gloire des bienheureux, détail (1584-1585, plume et encre, pinceau et encre diliuito, traces de pierre noire, papier, 495 x 412 mm ; Palerme, Galerie régionale du Palazzo Abatellis)


Luca Cambiaso, Sermon du Baptiste
Luca Cambiaso, Prédication du Baptiste (1583-1584 ; pierre noire, plume et encre, pinceau et encre dilués, papier, 346 x 199 mm ; Florence, Galeries des Offices, Cabinet des estampes)


Pellegrino Tibaldi, Massacre des Innocents
Pellegrino Tibaldi, Massacre des Innocents (vers 1587 ; pierre noire, plume et encre, pinceau et encre diluée, papier, 402 x 237 mm ; Florence, Galeries des Offices, Cabinet des estampes)

Enfin, quelles ont été les conséquences de tous les échanges vus jusqu’à présent? La réponse se trouve dans les deux dernières sections de l’exposition. Dans la septième, nous passons en revue quelques artistes qui, sur la base des résultats obtenus sur le chantier de l’Escurial, ont commencé à actualiser les milieux artistiques espagnols: le dessin de Luis de Velasco (Tolède?, v. 1530 - Tolède, 1606) avec Fernando de Antequera devant la Vierge de Gracia montre comment l’artiste a bien assimilé les “pratiques des peintres alors actifs à l’Escorial”, notamment dans la conception de la scène “selon un espace continu qui ne tient pas compte de la division finale du triptyque, bien que l’ordonnancement des masses mette clairement en évidence sa structure subdivisée” (Roberto Alonso Moral). L’œuvre est en fait le dessin préparatoire du triptyque de la Vierge des Grâces de la cathédrale de Tolède, où, dans la scène centrale, saint Antoine présente à la Vierge l’enfant Ferdinand d’Antequera, qui deviendra en 1412 le roi Ferdinand Ier d’Aragon. Il en va de même pour Blas de Prado (Camarena, vers 1545-1546 - Madrid, 1599) qui, avec son trait délié et rapide, comme celui de la Vierge à l’Enfant avec les saints, est proche des dessins de Federico Zuccari (Sant’Angelo in Vado, 1539 - Ancône, 1609): l’artiste des Marches s’est rendu à l’Escurial en 1585 et a également séjourné brièvement à Tolède entre 1586 et 1587, mais on suppose également que Blas de Prado s’est rendu à Rome (et si cela s’est réellement produit, il est possible que les deux se soient rencontrés à cette occasion).

L’héritage de Federico Zuccari a également été repris par un peintre italien naturalisé espagnol, Vicente Car ducho (né Vincenzo Carducci, Florence, vers 1576 - Madrid, 1638), qui est arrivé en Espagne alors qu’il était enfant, avec son frère Bartolomeo (également hiberné plus tard sous le nom de Bartolomé Carducho), qui avait suivi Zuccari lorsqu’il avait été appelé à l’Escurial. L’exposition se termine en présentant au visiteur les histoires de la famille Carducho et celles d’une autre famille d’Italiens émigrés en Espagne, les Cascese (ou Cajés), à savoir Patricio Cajés (Arezzo, vers 1540 - Madrid, 1612) et son fils Eugenio Cajés (Madrid, 1574 - 1634). Patricio et Bartolomé, peintres de formation zuccaresca, ont transmis leur héritage essentiellement toscano-romain à Vicente et Eugenio, qui ont su le modifier, le moderniser et l’utiliser pour donner à l’école madrilène un développement remarquable. Particulièrement intéressante est la feuille des Études d’anges, qui suggère efficacement la finalité du dessin selon l’artiste italo-espagnol, qui le concevait comme un moyen de créer de vastes répertoires à réutiliser dans des compositions ultérieures et de fournir des modèles aux élèves de son atelier, qui copiaient et reproduisaient ses dessins afin de progresser dans la maîtrise de la technique artistique. Moins “pratique” est le seul exemple graphique d’Eugenio Cajés de l’exposition, une Visitation qui, contrairement aux feuilles de Carducho, recherche l’effet pictural: une démonstration claire que, à la fin du XVIe siècle, le dessin était devenu un outil créatif en Espagne aussi, dont on explorait tout le potentiel, et que, pour cette raison, les feuilles ont été soigneusement conservées.

Luis de Velasco, Fernando de Antequera devant la Vierge de Gracia
Luis de Velasco, Fernando de Antequera devant la Vierge de Gracia (vers 1583-1584 ; plume et encre, pinceau et encre diluée, pierre noire, papier, 176 x 345 mm ; Florence, Galerie des Offices, Cabinet des dessins et des estampes).


Blas de Prado, Vierge à l'enfant
Blas de Prado, Vierge à l’enfant (v. 1593-1599 ; plume et encre, pierre noire, papier, 100 x 80 mm ; Florence, Galerie des Offices, Cabinet des dessins et des estampes)


Vicente Carducho, Études d'anges
Vicente Carducho, Études d’anges (vers 1600-1606 ; plume et encre, papier, 186 x 149 mm ; Florence, Galeries des Offices, Cabinet des dessins et des estampes)

La section sur les Cajés et les Carduchos prend la forme d’une petite exposition à l’intérieur de l’exposition qui vient clore un parcours passionnant, mais peut-être pas pour tout le monde, notamment parce que l’exposition des Offices aborde (avec mérite et qualité) un domaine, celui des relations entre l’Italie et l’Espagne à la Renaissance, qui n’a commencé à être exploré que récemment, qui n’a commencé à être exploré en profondeur que récemment (une étape fondamentale a été l’exposition Norma e capriccio, tenue en 2013 aux Offices) et qui est donc encore loin de la sensibilité du grand public, et d’autre part parce qu’il s’agit d’une exposition qu’il vaut mieux aborder avec une certaine connaissance, même basique, de l’art de l’époque. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une exposition axée sur la vulgarisation (ce qui se manifeste, par exemple, par l’absence de légendes pour décrire les œuvres individuelles ou par l’idée de ne pas utiliser autant de panneaux qu’il y a de sections, mais de regrouper les informations dans des panneaux individuels qui desservent plusieurs parties de l’exposition), bien que les vidéos d’introduction et de conclusion constituent un soutien précieux pour le visiteur: dans celle que le public découvre au début du parcours, des vues de la Méditerranée véhiculent immédiatement l’idée d’échange et de voyage, plongeant le visiteur dans toute l’étendue des thèmes abordés par L’Espagne et l’Italie en dialogue, tandis que le film de conclusion montre certaines des œuvres nées des dessins préparatoires exposés.

Espagne et Italie en Dialogue se concentre sur son aspect d’exposition de recherche: une recherche qui, selon les intentions des commissaires, implique également des aspects méthodologiques importants tels que, citant à nouveau la commissaire Marzia Faietti, “l’opportunité de concevoir des catalogues ouverts” qui visent à surmonter les arrangements trop rigides basés sur des schémas régionalistes ou sur les concepts de l’école nationale (“des conséquences de moments historiques spécifiques et non des critères ayant une validité universelle”), mais aussi l’ouverture du musée à une “circulation globale de la culture” en accord avec “les échanges ininterrompus entre pays européens et non européens favorisés par les événements historiques, économiques et sociaux”, la construction d’une perspective plus large autour d’un auteur ou d’un contexte artistique. En d’autres termes, la mise au point d’une nouvelle géographie artistique: c’est ce que semble suggérer entre les lignes une revue qui non seulement atteint efficacement et avec la qualité garantie par une solide structure scientifique l’objectif de mener une enquête approfondie sur les folios espagnols conservés aux Offices, mais aussi de contextualiser la pratique du dessin dans l’Espagne du XVIe siècle (et en ce sens, le catalogue devient un outil précieux): Il est à noter que les descriptions manquent dans les dossiers des œuvres, bien que des descriptions détaillées existent pour de nombreux dessins sur le site web du projet Euploos) et d’esquisser les développements des arts dans la même région et les dialogues qui ont surgi dans ces années, mais il insiste pour indiquer un chemin précis à la recherche en histoire de l’art. À cet égard, on peut dire que l’ouvrage Spain and Italy in Dialogue est animé d’une vision moderne et clairvoyante. Un autre mérite, enfin, pour l’aménagement qui a permis à l’Aula Magliabechiana de se libérer pour la première fois des panneaux de séparation et des murs provisoires qui l’avaient occupée lors des expositions précédentes, offrant ainsi au public un espace ouvert encore plus en accord avec le nom même du lieu d’exposition.


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