Le vrai visage de Giovanni Segantini, entre nature et idée. À quoi ressemble l'exposition à Bassano del Grappa ?


Cent œuvres de Giovanni Segantini à Bassano del Grappa pour restituer au public un peintre complexe, entre naturalisme, divisionnisme et symbolisme, actuel et profondément inséré dans le débat artistique international. Critique de Federico Giannini.

Nous avons tendance à associer la peinture de Giovanni Segantini aux paysages alpins, à la neige, aux montagnes. Angelo Conti, dans Beata Riva, traité fondamental d’esthétique, disait que Segantini était “le révélateur de la montagne”, car “personne comme lui n’a jamais eu le sens de la montagne, personne n’a su représenter ce que la montagne exprime avec son auguste immobilité, personne comme lui n’a senti le silence qui l’entoure, n’a connu le silence qui l’entoure, n’a su ce que la montagne exprime avec son auguste immobilité”. L’artiste est l’être humain qui voit et voit ce que la montagne exprime avec son auguste immobilité, personne comme lui n’a senti le silence qui l’entoure, n’a connu l’aspiration de ses sommets, n’a entendu chaque mot de ses conversations avec le vent, avec la nuit, avec les aubes, avec les nuages féconds et avec les fleuves fertilisants“. L’artiste est un être humain qui voit la réalité d’une manière différente de celle des autres : indépendamment de ce que l’on peut dire de Segantini, on pourrait partir de ce constat pour commencer à relire tout ce qui a été dit sur lui, et souvent avec des interprétations opposées. Pour un Angelo Conti qui voyait dans ses montagnes une forme capable de fixer ”le contour idéal de ce que l’art de Giovanni Segantini a arrêté dans la ligne définitive du style“, et donc une sorte d’émanation tangible d’une idée absolue et éternelle, il y avait des légions d’autres critiques qui, au contraire, ne voyaient pas en lui un objet d’art, mais un objet d’art.d’autres critiques qui, au contraire, pensaient que ces montagnes, même si elles étaient en quelque sorte transfigurées, transformées à travers le prisme du symbolisme que Segantini pratiquera dans la dernière partie de son existence, restaient l’expression d’un vérisme franc qui n’oubliait jamais les fondements lombards sur lesquels l’artiste avait construit sa peinture. En présentant la grande exposition que le Musée Civique de Bassano del Grappa consacre cette année à Segantini, sous la direction de Niccolò D’Agati, la directrice Barbara Guidi fait de la montagne l’élément peut-être central de l’interprétation de cette nouvelle occasion d’exposition, en faisant sienne une réflexion de Francesco Arcangeli qui avait souligné l’importance de l’isolement du peintre trentin : Selon lui, l’isolement de Segantini doit être considéré comme une tentative ”d’échapper à la civilisation longuement élaborée dans les villes et de retrouver une innocence perdue", en suivant un appel similaire à celui qui avait amené Van Gogh en Provence et Gauguin à Tahiti. En réalité, si Segantini ne peut être considéré comme un peintre naïf, son isolement montagnard (qui, en réalité, n’avait rien de naïf) n’en a pas moins été une source d’inspiration pour lui : Jusqu’à la fin, Segantini a continué à exposer, à obtenir des succès critiques et publics, à entretenir des relations avec les critiques et les galeristes) peut être lu comme l’aboutissement de ce renouveau des arts qui avait été pour Segantini, pour ce rebut de la réforme devenu l’un des plus grands peintres d’Europe, et reconnu comme tel par ses contemporains, une conquête longue et ardue.

Le public de passionnés qui ira voir Giovanni Segantini, c’est le titre laconique de l’exposition qui a rassemblé une centaine d’œuvres dans les deux grandes salles d’expositions temporaires du Museo Civico di Bassano rénové, trouvera un parcours ordonné, agréable, peigné, une exposition à la coupe sensiblement classique qui suit toute l’existence du peintre trentin depuis ses premières expositions à Brera jusqu’en 1899, année de sa mort à seulement quarante et un ans sur le mont Schafberg, en Suisse. Certes, quelques chefs-d’œuvre manquent à l’appel, comme Les mauvaises mères , qui n’ont pu être déplacées du Belvédère de Vienne pour des raisons de conservation (il en va de même pour Le châtiment des femmes lascives à Liverpool), ou Alla stanga, le Pétale de rose, les Deux mères du GAM de Milan et le Triptyque de la montagne, mais on se réjouit de la vue de l’Ave Maria a trasbordo sur le Mont Schafberg.Ave Maria a trasbordo, un chef-d’œuvre qui ne sera probablement pas prêté par le musée Segantini de Sankt Moritz, on apprécie la vue du Soleil d’automne, un tableau important acquis il y a quelques mois par la Galleria Civica d’Arco, ou encore la Ninetta de Verzée, qui a ressurgi après soixante-dix ans d’oubli. En revanche, ceux qui connaissent un peu mieux l’art italien et européen de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle verront une exposition qui ne manque pas de nouveautés et d’inédits.Celles-ci peuvent être regroupées autour de trois raisons, trois éléments qui peuvent être identifiés comme les piliers sur lesquels s’est construite cette occasion d’exposition, certainement pas rare en termes de quantité (les expositions sur Segantini se succèdent presque annuellement), mais plutôt en termes de qualité. Premièrement : réaffirmer le caractère européen de l’art du peintre d’Arcense. Deuxièmement : retracer, également à la lumière des nouvelles acquisitions technico-scientifiques, les origines de son divisionnisme si particulier. Troisièmement : démolir les derniers stéréotypes et défaire les mythographies qui ont fait s’installer dans la perception collective l’image d’un Segantini naïf, quand ce n’est pas celle d’une sorte de saint homme perdu dans les montagnes et réfractaire à tout contact avec la civilisation. Pour atteindre ces objectifs, les organisateurs sont intervenus avec une contextualisation radicale, qui est peut-être l’opération la plus intéressante et la plus digne de cette exposition, notamment parce qu’elle n’a pas été confiée, comme c’est souvent le cas, au seul catalogue, mais qu’elle constitue l’une des charnières autour desquelles tourne tout le parcours de l’exposition, du début à la fin, voire le tissu même de l’exposition, si l’on peut dire.

Montage de l'exposition Giovanni Segantini
Plan de l’exposition Giovanni Segantini. Photo : Musées civiques de Bassano del Grappa
Montage de l'exposition Giovanni Segantini
Installation de l’exposition Giovanni Segantini. Photo : Musées municipaux de Bassano del Grappa
Montage de l'exposition Giovanni Segantini
Installation de l’exposition Giovanni Segantini. Photo : Musées municipaux de Bassano del Grappa
Montage de l'exposition Giovanni Segantini
Installation de l’exposition Giovanni Segantini. Photo : Musées municipaux de Bassano del Grappa
Montage de l'exposition Giovanni Segantini
Installation de l’exposition Giovanni Segantini. Photo : Musées municipaux de Bassano del Grappa

En revanche, on insiste sainement sur la période de ses débuts, sur Segantini qui, après une enfance marquée par les difficultés, les privations, le vagabondage et les arrestations, fut pris en charge par son frère Napoleone, qui avait un atelier de photographie à Borgo Valsugana, et commença ainsi à mûrir sa conscience artistique, à tel point qu’à l’âge de dix-sept ans il décida de partir à Milan pour étudier l’art. Il commence ainsi à mûrir sa conscience artistique, à tel point qu’à l’âge de dix-sept ans, il décide de partir à Milan pour étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Brera, tout en subvenant à ses besoins en travaillant comme apprenti dans l’atelier d’un décorateur, Luigi Tettamanzi. Le Segantini de ses débuts est le jeune homme que l’on peut admirer dans l’autoportrait prêté par la Galleria Civica in Arco (qui, avec le musée Sankt Moritz, est le principal dépositaire de l’héritage de Segantini) et qui se représente à la manière typique des peintres scapigliati, avec cette insistance sur la couleur utilisée avant tout pour exprimer une vérité psychologique : Si l’on voulait signaler un moment particulièrement heureux dans cette partie de l’exposition, on pourrait le trouver dans la juxtaposition entre le Faucon de Tranquillo Cremona au GAM de Milan et le Faucon de Segantini, qui, encore jeune, a peint en suivant l’exemple de son maître idéal, mais en ne produisant pas une peinture imitative et pédestre. dans une œuvre imitative et piétonnière, mais plutôt dans ce que l’on peut considérer comme un chef-d’œuvre de jeunesse, original parce que plus solide et en même temps plus lâche que son prédécesseur, et déjà orienté vers une utilisation entièrement personnelle de la couleur comme moyen d’expression. Parallèlement, Segantini explore les possibilités du portrait en expérimentant des coupes et des compositions inhabituelles (voir le Ritratto di donna in via san Marco, avec le visage mélancolique de la jeune fille titubant devant les bâtiments de Milan, peint à contre-jour sous un ciel dégagé, ou encore le Portrait inédit de Bice Segantini, réapparu sur le marché il y a seulement trois ans, dans lequel le peintre construit une sorte de spirale qui part des yeux de sa compagne et suit le mouvement de son bras et du châle qui couvre ses cheveux, en mettant l’accent sur tous les tons de blanc qui animent la composition) et a approfondi sa capacité à représenter la réalité en s’attaquant à des natures mortes : La comparaison de ses œuvres, à commencer par le tableau connu sous le nom de Joie de la couleur, une nature morte avec des œufs et des volailles qui met l’accent sur le plumage des pauvres canards abattus (l’un d’entre eux a encore du sang figé sur la tête) et, encore une fois, sur les différentes gradations de blanc, est éclairante à cet égard, ainsi qu’une œuvre comme Emilio Longoni.une œuvre comme le Pigeon d’Emilio Longoni qui, cependant, malgré son indiscutable, rustique et passionnée adhésion à la réalité, n’a pas la symphonie des modulations d’un Segantini qui semble déjà pleinement intéressé par tous les développements que la couleur peut lui suggérer, même lorsqu’il travaille sur les sujets les plus humbles et les plus modestes.

Segantini est déjà là. Il a plongé sans hésitation dans ce contexte artistique marqué, écrit le jeune commissaire D’Agati, "par une réflexion radicale sur le langage représenté, d’une part, par l’héritage vital de la saison combative de la scapigliatura lombarde [...] et, d’autre part, par l’imposition écrasante de la culture de la couleur de la région lombarde [...].l’imposition écrasante de la culture coloriste qui a marqué les aboutissements les plus modernes du naturalisme“, et émerge des tempêtes du Milan romantique tardif avec l’apparition d’”une ligne directrice fondamentale qui soutiendra intégralement sa recherche au-delà des solutions apparentes de continuité : porter la couleur, la lumière, la ligne et tous les éléments de composition de l’œuvre entendue comme surface au plus haut degré de tension expressive“, même avec des ”œuvres apparemment opposées en termes de résultats". Il était normal qu’un marchand d’art avisé comme Vittore Grubicy, qui avait déjà rencontré Segantini en 1879 et décidé d’investir dans son œuvre, remarque une telle promesse : C’est le début d’une relation qui durera jusqu’à la mort de l’artiste et qui se retrouve tout au long de l’exposition et de l’ensemble du catalogue, sachant par ailleurs qu’une étude approfondie de l’œuvre de Segantini n’a été réalisée que récemment. une étude approfondie des documents de Grubicy conservés dans la collection du Mart à Rovereto, une étude qui a commencé il y a quelques années et qui a abouti à la grande exposition que Livourne a consacrée à Grubicy en 2022, et qui, à cette occasion, a également permis de réinterpréter leur relation et, par conséquent, l’art de Segantini lui-même.

Giovanni Segantini, Le Fauconnier (1880 ; huile sur toile, 144 × 102 cm ; Pavie, Musei Civici)
Giovanni Segantini, La fille au faucon (1880 ; huile sur toile, 144 × 102 cm ; Pavie, Musei Civici)
Tranquillo Cremona, Le Fauconnier (1863 ; huile sur toile, 77 × 90 cm ; Milan, Galleria d'Arte Moderna)
Tranquillo Cremona, Le Fauconnier (1863 ; huile sur toile, 77 × 90 cm ; Milan, Galleria d’Arte Moderna)
Giovanni Segantini, Portrait d'une femme dans la Via San Marco (1880 ; huile sur toile, 52 × 34 cm ; collection privée)
Giovanni Segantini, Portrait d’une femme dans la Via San Marco (1880 ; huile sur toile, 52 × 34 cm ; collection privée)
Giovanni Segantini, Aller au théâtre. Portrait de Bice Segantini (1880 ; huile sur toile, 46 × 36 cm ; collection privée)
Giovanni Segantini, Aller au théâtre. Portrait de Bice Segantini (1880 ; huile sur toile, 46 × 36 cm ; collection privée)
Giovanni Segantini, Nature morte à la volaille (1886 ; huile sur toile, 56 × 110 cm ; collection Gaetano Marzotto)
Giovanni Segantini, Nature morte à la volaille (1886 ; huile sur toile, 56 × 110 cm ; collection Gaetano Marzotto)

Le rapport avec Grubicy est retracé, tout d’abord, avec les portraits des proches du marchand d’art, qui plus tard “deviendra peintre” pour Segantini, écrit Primo Levi l’Italico à l’occasion de la mort de l’artiste dans le Trentin, pour souligner à quel point le lien entre les deux était ferme, solide, sérieux et étroit, une fraternité si forte qu’elle avait conduit Grubicy à apprendre à peindre, en autodidacte, pour mieux dialoguer avec l’artiste (on peut en effet imaginer qu’il s’agit d’une relation d’amitié entre les deux artistes), mais aussi d’une relation d’amitié entre les deux artistes.(en fait, on peut imaginer que sa décision a aussi été induite par le désir de poursuivre une recherche autonome qui, d’une certaine manière, divergeait de celle de Segantini, notamment sur la manière dont une œuvre devait exprimer le symbole : on pourrait dire, en banalisant certes, que pour Grubicy l’idée devait prévaloir alors que pour Segantini la nature était plus importante, mais la lecture est un peu plus complexe et cela est démontré par la propre interprétation de Conti des montagnes de Segantini). Ensuite, la relation Grubicy-Segantini est approfondie avec des peintures de la période briançonnaise : Segantini s’était déjà installé en Brianza en 1880 et y est resté jusqu’en 1886, année où il a déménagé à Savognin, dans le canton des Grisons. Entre les deux, il y a le début de la relation de travail entre le peintre et Vittore et Alberto Grubicy (plus tard, en 1890, année de la rupture entre les deux frères, Segantini restera avec Alberto mais maintiendra des relations cordiales avec Vittore), il y a la première obtention d’un prix international (à Amsterdam, en 1883), il y a la première exposition personnelle à la Permanente de Milan. Et, surtout, une nouvelle orientation dans ses recherches qui, au début de la période de la Brianza, ne s’étaient pas écartées d’un iota des recherches sur les scapigliats du début (la Ninetta del Verzé, redécouverte, d’une date incertaine, probablement peinte entre 18 et 20 ans).de date incertaine , probablement peinte entre 1880 et 1883, en est un exemple, mais déjà une œuvre comme le Baiser à la Croix, un peu plus tardive, montre une aptitude à sonder les potentialités de la lumière.une aptitude à sonder les potentialités de la lumière tout à fait nouvelle et déjà empreinte d’une sensibilité inédite), à partir du milieu des années 1880, ils commencent à être confrontés à la peinture internationale, toujours à l’instigation de Vittore Grubicy qui était devenu une sorte de mentor pour Segantini, capable de le mettre au courant de tout ce qui se passait en dehors de l’Italie. L’un des mérites de l’exposition de Bassano est d’avoir réuni dans les salles du Museo Civico un certain nombre de tableaux d’artistes internationaux avec lesquels Segantini s’est mesuré, ou qui, sans en avoir conscience, ont partagé des éléments de sa recherche. Un premier moment de confrontation a lieu avec les peintres de l’école de La Haye et conduit Segantini, d’une part, à éclaircir sa palette et, d’autre part, à se concentrer sur des thèmes pastoraux : la comparaison très dense de Propaganda de Segantini, bien que tardive (elle a été peinte en 1897 pour un album de thèmes socialistes, mais elle a été comparée avec le thème des semailles longtemps fréquenté par les peintres hollandais : après tout, l’étymologie de “propagande” renvoie précisément aux travaux des champs), la Semeuse de Matthijs Maris, la Semeuse de Vincent van Gogh (oui, le public de Bassano pourra aussi voir un dessin de Van Gogh, un élément à souligner étant donné la difficulté de voir son œuvre dans une exposition dont il n’est pas l’acteur principal) et la Semeuse de Jean-François Millet. Sans Millet, qui est également présent dans l’exposition avec une Bergère avec son troupeau prêtée par le Musée d’Orsay, il serait impossible d’expliquer le Segantini qui se situe quelque part entre la phase précoce et la phase divisionniste, le Segantini capable de produire des œuvres appréciées même par ses contemporains, telles que le Retour au pâturage ou le fondamental L’Averse (également connu sous le nom d’Après la mort). Averse (également connu sous le nom de Après l’orage), une toile, cette dernière, d’investigation minutieuse de la réalité, mais aussi une œuvre d’inspiration poétique, dans laquelle le contraste entre les grands monticules qui passent au-dessus de la bergère et de ses moutons et l’éclat du soleil à l’horizon anticipe les résultats symbolistes du Segantini de l’âge mûr. La comparaison avec Millet est l’un des points fondamentaux de l’exposition, bien que le peintre d’Arcense n’en ait pas fait mention dans le matériel autobiographique qu’il a produit après son succès (matériel qu’il faut prendre avec toutes les précautions nécessaires, car Segantini a raconté son passé non pas pour donner une image véridique de lui-même, mais pour se construire une mythographie très personnelle) : Cependant, certains de ses contemporains avaient déjà pris conscience de ce dialogue, qui se déroulait principalement à travers des photographies en noir et blanc, et qui est essentiel pour comprendre, écrit Servane Dargnies-De Vitry dans le catalogue, dans une contribution entièrement consacrée à l’exploration des relations entre les deux artistes, comment Segantini en est venu à concevoir “ [...] un symbolisme qui ne tend ni vers l’abstraction, ni vers la réalité ”.un symbolisme qui ne tend ni à l’abstraction ni à l’idéalisation éthérée“ mais qui se fonde, comme l’avait déjà noté Julius Meier-Graefe, ”sur la rude concrétude alpine“, sur l’observation de la réalité comme ”porte d’accès au spirituel".

Le premier résultat de ce paradigme, le plus élevé, est précisément l’Ave Maria a trasbordo qui, dans l’exposition, est relu non pas comme la première œuvre divisionniste de Segantini (comme on l’a souvent fait dans le passé), mais comme une œuvre fondamentale de transition, notamment parce qu’elle a été peinte en deux versions, l’une en 1882 et l’autre en 1886, de surcroît en plusieurs phases, et à une époque où Vitoria avait déjà commencé à s’intéresser à l’œuvre de Segantini et à l’œuvre de l’artiste. phases, et à une époque où Vittore Grubicy avait commencé à approfondir la théorie de la couleur qui fascinait les peintres français, surtout Georges Seurat et Paul Signac, les fondateurs du pointillisme, que Grubicy lui-même regardait avec beaucoup d’intérêt, au point de suggérer à Segantini une autre transformation de sa peinture. La première version a disparu, mais la seconde, peinte alors que Segantini s’était déjà installé à Savognin (et presque entièrement repeinte par la suite, comme l’ont confirmé les recherches techniques effectuées pour l’exposition), est un tableau qui commence à se confronter aux idées venues de France, même si le “pointillisme” que le peintre aurait développé à Grazia n’a pas encore été mis en œuvre. que le peintre aurait développé dans les Grisons, et qu’il faut comprendre comme l’utilisation de touches de couleur, de minuscules taches de pigment pur (c’est-à-dire non mélangé sur la palette) juxtaposées afin de donner au spectateur l’effet de couleur qui se crée comme une somme de lumière lorsqu’on observe le tableau de loin, est ici limité à quelques éléments (le soleil à l’horizon, quelques voiles sur les moutons) : l’importance de l’Ave Maria à la croisée des chemins doit être considérée, sans tenir compte naturellement de la portée symbolique du tableau qui a contribué au succès de Segantini et de l’évocation d’une image qui se grave dans l’esprit de ceux qui la voient (c’est peut-être le tableau le plus mémorable de Segantini), en raison de son caractère de tableau de passage, qui avec “ le rendu de la lumière de la croisée des chemins ”, est un tableau de passage.le rendu de la lumière du ciel [...] et sa décomposition sur l’eau et sur les poutres courbes du bateau, ainsi que les subtils coups de pinceau colorés [...] du rivage“ constitue ”un premier pas, encore timide, vers une compréhension plus complète des instances optiques néo-impressionnistes ou plus exactement divisionnistes" (Anna Galli, Simone Caglio et Gianluca Poldi dans le catalogue).

Une expérimentation divisionniste plus aboutie commencera plus tard, et l’un des premiers résultats de cette nouvelle recherche est le Soleil d’automne déjà mentionné, une autre œuvre centrale dans la carrière de Segantini, une œuvre qui marque le début de la phase la plus intense de son activité, immédiatement après l’Ave Maria de transborder: c’est à partir de ce tableau, dans lequel les coups de pinceau commencent à devenir plus doux et plus longs et l’étude de la lumière plus attentive à rendre la variété chromatique des lueurs qui se réfractent sur les objets, que Segantini entame un parcours plus marqué de définition de son divisionnisme, que l’on peut qualifier de “divisionnisme”. de définir son divisionnisme qui culminera dans des œuvres comme le Contrasto di luce (Contraste de lumière) de 1888, que le peintre lui-même indique comme un exemple de sa recherche (“Si l’art moderne a un caractère, ce sera celui de la recherche de la lumière dans la couleur...”). celui de la recherche de la lumière dans la couleur", écrit-il fin 1887 à propos de ce tableau), l’Alpe di maggio, étude du crépuscule sous la forme d’une scène pastorale placide de haute montagne, la Vacca bruna all’abreuvoir qui célèbre le travail de l’artiste sur l’ eau .qui célèbre la poésie de la nature, ou dans des œuvres radicales comme le Repos à l’ombre, l’Heure triste et le Retour de la forêt où l’on perçoit les premiers signes de l’inspiration symboliste qui caractérisera l’œuvre ultérieure de Segantini. A la lecture de ces œuvres, Domenico Tumiati, qui écrit sur elles entre 1897 et 1898, va jusqu’à affirmer que dans les œuvres de Segantini se trouve “enfermé un Nirvana : l’esprit semble dormir dans les choses”. C’est sur la base de l’accord harmonieux entre la technique et l’idée que l’exposition propose une interprétation des dernières années de Segantini : la vision du peintre du Trentin, qui part déjà des scènes mélancoliques de montagne de l’Ora mesta et du Ritorno dal bosco, évolue entre nature et symbole, en trouvant cette voie personnelle qui fera de lui un artiste central pour le symbolisme européen. Même lorsqu’il peignait la nature, par exemple la Vache brune à l’abreuvoir déjà citée et d’autres œuvres que le visiteur rencontre en se dirigeant vers la fin de l’exposition (les Pâturages de printemps, par exemple, ou la Branche de pin en pierre), Segantini avait en tête une idée sacrée, transfigurée, éthérée du paysage, et il le déclarait lui-même, lui qui était devenu entre-temps un lecteur passionné : il n’est plus l’alpiniste sans grammaire qui écrit des lettres pleines de railleries à Grubicy, mais un artiste moderne et conscient de ce qu’il fait. Le but de l’étude continue, écrit Segantini dans une lettre à son amie écrivain Anna Maria Zuccari Radius, qui signait ses romans sous le nom de Neera, est de prendre possession “absolument, franchement de toute la Nature, dans toutes ses gradations, du lever au coucher du soleil, du coucher au lever du soleil, avec la structure relative et la forme de toutes les choses ; afin de créer ensuite énergiquement, divinement, l’œuvre qui sera toute idéale”. Segantini avait développé une idée grandiose, spirituelle et panthéiste de la nature, souvent soutenue par des œuvres visionnaires et ouvertement allégoriques (par exemple, l’Ange de la vie et la Vanité, qui ne s’éloignent cependant pas de la technique que Segantini avait commencé à développer avec ses œuvres dix ans plus tôt).L’originalité de l’œuvre est exprimée par une peinture qui, avec ses variations chromatiques, avec sa tentative de capter la lumière et ses éclats infinis, ne doit pas se limiter à reproduire la réalité, mais doit pouvoir faire coexister l’idée et la nature, l’une étant le miroir de l’autre. Toute l’originalité, toute la nouveauté de la peinture de Segantini réside dans cette vision profondément consciente.

Giovanni Segantini, Portrait de Vittore Grubicy De Dragon (1887 ; huile sur toile, 152 × 92 cm ; Leipzig, Museum der bildenden Künste)
Giovanni Segantini, Portrait de Vittore Grubicy De Dragon (1887 ; huile sur toile, 152 × 92 cm ; Leipzig, Museum der bildenden Künste)
Giovanni Segantini, Baiser à la croix (1881-1882 ; huile sur toile, 85,5 × 48 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, Dépôt de la Fondation Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Baiser à la croix (1881-1882 ; huile sur toile, 85,5 × 48 cm ; St. Moritz, musée Segantini, dépôt de la fondation Fischbacher Giovanni Segantini)
Jean-François Millet, Bergère avec son troupeau (1863 ; huile sur toile, 81 × 101 cm ; Paris, musée d'Orsay)
Jean-François Millet, Bergère avec son troupeau (1863 ; huile sur toile, 81 × 101 cm ; Paris, musée d’Orsay)
Giovanni Segantini, Après l'orage (1884 ; huile et tempera sur toile, 180 × 123 cm ; collection privée, avec l'aimable autorisation du METS, Novara - Gallerie Maspes, Milan)
Giovanni Segantini, Après l’orage (1884 ; huile et tempera sur toile, 180 × 123 cm ; collection privée, avec l’autorisation du METS, Novara - Gallerie Maspes, Milan)
Giovanni Segantini, Bergère au printemps (1886-1888 ; huile et pastel sur toile, appliqué sur carton, 450 × 335 mm Collection privée)
Giovanni Segantini, Pastorella alla fonte (1886-1888 ; huile et pastel sur toile, appliqués sur carton, 450 × 335 mm Collection privée)
Giovanni Segantini, Ave Maria au transbordement (1886-1888 ; huile sur toile, 121,2 × 92,2 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Ave Maria à la croisée (1886-1888 ; huile sur toile, 121,2 × 92,2 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Soleil d'automne (1887 ; huile sur toile, 90 × 192 cm ; Arco, Galleria Civica G. Segantini)
Giovanni Segantini, Soleil d’automne (1887 ; huile sur toile, 90 × 192 cm ; Arco, Galleria Civica G. Segantini)
Giovanni Segantini, Repos à l'ombre (1892 ; huile sur toile, 45 × 68 cm ; collection Christoph Blocher)
Giovanni Segantini, Repos à l’ombre (1892 ; huile sur toile, 45 × 68 cm ; collection Christoph Blocher)
Giovanni Segantini, L'ora mesta (1892 ; huile sur toile, 45,5 × 83 cm ; collection privée, en dépôt à la Galleria Civica G. Segantini, Arco)
Giovanni Segantini, L’heure du deuil (1892 ; huile sur toile, 45,5 × 83 cm ; collection privée, en dépôt à la Galleria Civica G. Segantini, Arco)
Giovanni Segantini, Retour des bois (1889-1890 ; huile sur toile, 60 × 95,5 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Retour des bois (1889-1890 ; huile sur toile, 60 × 95,5 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, en dépôt à la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Vache brune à l'abreuvoir (1892 ; huile sur toile, 74,4 × 61,5 cm ; St. Moritz, musée Segantini, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Vache brune à l’auge (1892 ; huile sur toile, 74,4 × 61,5 cm ; St. Moritz, Musée Segantini, dépôt de la Fondation Otto Fischbacher Giovanni Segantini)
Giovanni Segantini, Pâturages de printemps (1895 ; huile sur toile, 97,5 × 155,5 cm ; Milan, Pinacothèque de Brera)
Giovanni Segantini, Pâturages de printemps (1895 ; huile sur toile, 97,5 × 155,5 cm ; Milan, Pinacothèque de Brera)
Giovanni Segantini, Ange de vie (1896 ; crayon de couleur, pastel, crayon doré sur papier, crayon Conté, 650 × 480 mm ; St. Moritz, Musée Segantini)
Giovanni Segantini, Ange de vie (1896 ; crayon de couleur, pastel, crayon doré sur papier, crayon Conté, 650 × 480 mm ; Saint-Moritz, Musée Segantini)
Giovanni Segantini, La Vanité (1897 ; huile sur toile, 77 × 124 cm ; Zurich, Kunsthaus, acquis grâce à une subvention de la Schweizerischen Bankgesellschaft, 1996)
Giovanni Segantini, La Vanité (1897 ; huile sur toile, 77 × 124 cm ; Zurich, Kunsthaus, acquis grâce à une subvention de la Schweizerischen Bankgesellschaft, 1996)

L’exposition, comme nous l’avons dit, n’oublie pas la dimension internationale de l’art de Segantini, qui est contextualisée non seulement par la comparaison continue avec ses contemporains, mais aussi par des références constantes aux succès qui ont ponctué toute sa carrière d’artiste, succès qui ont également été obtenus grâce à la promotion efficace et durable des frères Grubicy, en particulier de Vittore : expositions à Venise, à Londres, à l’Exposition universelle de Paris en 1889, au Salon des Vingts en Belgique, participation avec pas moins de 29 œuvres à l’exposition inaugurale de la Sécession viennoise en 1898 (où il est admiré par de nombreux peintres autrichiens qui le considèrent comme l’une de leurs références, parmi lesquels on peut également compter Gustav Klimt) : les rapports entre Segantini et les artistes autrichiens sont suffisamment étudiés dans le catalogue dans l’essai d’Alessandra Tiddia), l’envoi d’œuvres à Zurich, en Allemagne, aux États-Unis et même au Guatemala, puis le projet d’un énorme Panorama de l’Engadine pour le Pavillon suisse à l’Expo de Paris en 1900 (qui n’a pas été réalisé par la suite), l’envoi d’œuvres à l’étranger et l’envoi d’œuvres à l’étranger.Expo de Paris en 1900 (non réalisé par la suite faute de moyens financiers), un déluge d’articles critiques, pour la plupart favorables, souvent divisés sur l’interprétation de ses œuvres, sur le sens à donner à ses visions (la contribution de Francesco Parisi dans le catalogue est révélatrice à cet égard). Lorsque Segantini meurt sur le Schafberg en 1899, il est probablement l’artiste italien le plus célèbre au monde et l’un des plus importants et des plus reconnus en Europe.

L’un des succès les plus notables de Segantini est d’ailleurs la vente à l’État, en 1892, pour la Galerie nationale de Rome, de son chef-d’œuvre Alla stanga , adjugé pour la somme de 18 000 lires, contre 25 000 initialement. Une somme très importante : on parle en gros d’une transaction finale d’une valeur de 87 000 euros aujourd’hui (ce serait Vittore Grubicy qui aurait convaincu le peintre de renoncer à une partie du bénéfice pour voir une de ses œuvres entrer dans le principal musée national d’art contemporain, et Segantini ne le lui aurait jamais pardonné, car il avait l’impression que son ami avait pris de l’argent dans sa poche : quel peintre naïf !) La même année, Segantini avait participé à une exposition à Turin où l’un de ses tableaux, leLabourage qui se trouve aujourd’hui à la Neue Pinakothek de Munich, avait suscité la perplexité d’Umberto Ier qui, selon une anecdote rapportée dans la littérature et rappelée par Niccolò D’Agati, était perplexe face à l’œuvre : il ne comprenait pas pourquoi Segantini avait fait les chevaux bleus. Et il avait préféré les paysages de Carlo Follini, plus âgé, un artiste talentueux mais plus lié à un réalisme assez léger. Par chance, au ministère de l’Éducation, responsable des achats pour les musées nationaux, il y a quelqu’un qui a une vision un peu plus fine que le roi.


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