Un Crémonais parmi les Vénitiens. La Madone d'Altobello Melone à l'Académie de Carrare


La salle des Veneti de l'Académie Carrara de Bergame abrite un sommet de jeunesse d'Altobello Melone de Crémone: la Vierge à l'Enfant avec saint Jean. C'est pourquoi il s'agit d'une œuvre singulière.

Dès que l’on arrive dans la salle Vénétie de l’Académie Carrara de Bergame, après avoir posé son regard sur la Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste d’Altobello Melone, on se rend compte que la légende qui accompagne le tableau tend à souligner la provenance de l’artiste, anticipant ainsi une éventuelle question du public: pourquoi un Crémonais parmi les Vénitiens ? Dans le cartouche, on découvre ensuite la situation particulière de Crémone au début du XVIe siècle: la ville est vénitienne pendant dix ans (de 1499 à 1509), puis revient au duché de Milan, est à nouveau disputée, puis est définitivement attribuée à Milan en 1526, malgré une tentative ultérieure et infructueuse des Vénitiens de la ramener sous leur domination. Dans cette situation, les peintres crémonais regardent autour d’eux: Giulio Campi, par exemple, a probablement été formé à Mantoue, Gian Francesco Bembo montre une certaine proximité avec la culture romaine, et Altobello Melone s’intéresse à ce qui est peint à Venise. Et sa Vierge à l’Enfant avec saint Jean est, selon l’auteur du court texte qui l’illustre pour les visiteurs du musée, un tableau qui raconte très bien le moment historique, puisqu’il combine à la fois les expériences lombardes sur lesquelles Altobello a vraisemblablement été formé (il faut dire que l’on sait très peu de choses sur sa vie) et l’écho de la culture artistique vénitienne.

Le panneau de l’Académie de Carrare est, selon toute probabilité, l’œuvre la plus ancienne que l’on puisse attribuer à Altobello Melone. Sa Vierge a un visage doux, ovale et expressif. Elle est très naturaliste, signe le plus évident de la culture lombarde du peintre. Elle est assise sur un trône partiellement recouvert d’un tissu de soie damassée irisée et rougeâtre, qui surprend par son tissage inhabituel avec des figures d’angelots. La Vierge tient l’Enfant dans ses bras: de la main droite elle le tient derrière ses épaules, d’un geste délicat de la main gauche elle lui soutient les pieds. Il touche de sa petite main son sein découvert et regarde vers nous en serrant de l’autre un chardonneret, allusion à la Passion: l’œuvre surprend les visiteurs de Carrare également par le naturel, la spontanéité de ces regards. Tout aussi spontané est l’ennui du petit saint Jean, qui ne participe pas à la scène, se contentant de caresser son agneau. Comme le ferait n’importe quel enfant. Au-delà du trône, sur la gauche, nous voyons un paysage de montagne: un village construit sur un rocher, un bosquet, la falaise qui s’ouvre au loin et laisse voir d’autres collines à perte de vue, des ruines classiques sur les flancs de la montagne, deux personnages qui se rencontrent et discutent, l’un d’entre eux accompagné d’un chien lévrier.

Altobello Melone, Madone et enfant avec saint Jean (vers 1510 ; huile sur panneau, 53,8 x 66,4 cm ; Bergame, Accademia Carrara)
Altobello Melone, Vierge à l’enfant avec saint Jean (vers 1510 ; huile sur panneau, 53,8 x 66,4 cm ; Bergame, Accademia Carrara)

La composition avec la Vierge prise à partir des genoux, assise aux trois quarts sur un trône qui occupe la moitié de la composition et surplombe un vaste paysage qui n’apparaît que dans une partie du tableau, ne peut que nous rappeler les idées de Giovanni Bellini et de Cima da Conegliano. La Madone d’Altobello, en particulier, a été comparée à celles de Cima: le décor est assez proche des panneaux de Cima conservés au Museo Atestino d’Este et aux Uffizi, sans parler du groupe de Madones toutes issues du même dessin animé et aujourd’hui conservées dans différents musées, de la National Gallery de Londres au Louvre en passant par le LACMA de Los Angeles. Cima avait aussi l’habitude de se laisser un espace ouvert à explorer en profondeur, comme le fait Altobello à gauche.

L’artiste crémonais ne veut cependant pas se contenter de suivre les modèles des maîtres vénitiens, notamment parce que d’autres de ses compatriotes l’ont fait avant lui: il suffit de regarder certaines Madones de Boccaccio Boccaccino, qui s’inspirent des mêmes expériences. Altobello Melone manifeste certes l’intention de s’inscrire dans le sillage d’un modèle réussi, mais il pose d’emblée le problème de son renouvellement. Alessandro Ballarin, reprenant les propos de Federico Zeri qui a publié pour la première fois la Madone d’Altobello Melone, l’a qualifiée de “premier essai dans une tonalité exclusivement vénitienne”, entendant toutefois par “Venise” non seulement “la ville de Bellini, de Cima et de Giorgione, mais aussi celle de Dürer”: et ainsi, selon lui, nous nous trouvons face à “l’un des reflets les plus vivants de l’activité vénitienne de Dürer entre 1505 et 1507”. Les reflets de Dürer se retrouvent surtout dans la dureté de la draperie, avec ces plis aigus (regardez par exemple celui du voile qui est parallèle au visage, en diagonale: il semble amidonné), les transitions nettes de l’ombre et de la lumière, les revers qui semblent presque artificiels, les rabats rigides qui semblent presque avoir un noyau métallique. Pour un terme de comparaison efficace, on pourrait prendre la Madone du Lucherino de Dürer conservée à la Gemäldegalerie de Berlin: les preuves sculpturales qui étayent l’œuvre de l’artiste de Nuremberg parviennent au jeune Crémonais presque intactes. Il s’agit donc d’une des œuvres les plus septentrionales de la Lombardie du début du XVIe siècle: plus tard, au fil de sa carrière, la peinture d’Altobello Melone suivra d’autres modèles de référence, mais ses débuts se situent sous la bannière de la Venise plus germanique.

Ce sont ces singularités qui captivent le plus ceux qui voient le tableau d’Altobello Melone dans la salle vénitienne de l’Accademia Carrara. L’originalité avec laquelle Altobello Melone aborde un schéma qui s’était alors inscrit dans une tradition, la simplicité et la sincérité des attitudes des personnages, qui apparaissent aussi proches que ne l’étaient peut-être jamais ceux des Vénitiens, la minutie que l’artiste met dans la description du paysage. Ceux qui s’attardent devant la Madone d’Altobello ne peuvent cependant s’empêcher de remarquer une dernière particularité, à savoir les couleurs avec lesquelles la Vierge est vêtue. On s’attendrait à ce qu’elle porte une robe rouge et un manteau bleu, selon l’iconographie traditionnelle: ici, au contraire, en plus du voile blanc, elle porte une robe de velours vert et un manteau rouge. Il est probable que l’artiste connaissait bien le Retable de Castelfranco de Giorgione: le grand peintre, pour le grand panneau destiné à la chapelle de Tuzio Costanzo dans la cathédrale de sa ville natale, avait peint la Vierge dans les mêmes couleurs, identiques et inhabituelles, qu’Altobello, quelque cinq ans plus tard, choisirait pour la sienne. Pour comprendre la raison du choix inhabituel de Giorgione, Argan avait imaginé une palette “liée aux symboles alchimiques de la ’viriditas’ et du ’rubedo’, sommets de l’opération amoureuse de la ’coniunctio’, emblèmes de la lumière ardente de la révélation et de la vitalité végétale”. De ce code singulier découlerait le choix de la couleur qui sort complètement de l’ordinaire. Cependant, le cas de Giorgione n’est pas un hapax: ils sont rares, mais dans la Vénétie du début du XVIe siècle, on trouve des madones vêtues de la même manière. Il est peut-être possible d’expliquer l’anomalie iconographique, au moins pour Altobello Melone, d’une manière plus simple: il voulait habiller la Vierge avec les couleurs associées aux trois vertus théologales. Le blanc pour la foi, le rouge pour la charité et le vert pour l’espérance. Une raison supplémentaire pour la distinction d’une peinture qui aura certainement plu à son commanditaire.


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