La Madone du repas de Gérard David: une mère nourrissant son enfant


La Madonna della Pappa de Gérard David, dont on connaît sept versions (l'une d'elles se trouve à Gênes, au Palazzo Bianco), est un tableau plein de références théologiques complexes, mais qui nous surprend d'abord par l'immédiateté de son sujet: une mère nourrissant son enfant.

On ne pense pas forcément à un romantisme enfantin lorsque, dans la première salle des Flamands du Palazzo Bianco de Gênes, on lit la légende accompagnant le splendide panneau de Gérard David sur le mur de droite, et que l’on remarque que quelqu’un a choisi de l’appeler Madonna della pappa. Au XVIIIe siècle déjà, en Toscane, une Madone du Siennois Francesco Vanni était connue sous ce nom, car, explique l ’historien Giovanni Gori Gandellini dans ses Notizie istoriche degli intagliatori, “avec une cuillère, elle administre de la nourriture à l’Enfant Jésus”. Le terme “pappa” désigne ici simplement l’alimentation donnée aux enfants: dans l’Antiquité, il n’y avait pas d’autre utilisation pour cet aliment à base de pain cuit dans du lait qui nourrissait les petits juste après le sevrage, à tel point qu’en Toscane, il a fini par désigner communément toute soupe préparée de la même manière (pensez à la pappa al pomodoro).

Ainsi, voir une œuvre comme celle de David s’appeler Madonna della pappa n’avait certainement rien d’enfantin. Il est vrai aussi que cette nuance est totalement absente dans le titrage en anglais: en dehors de l’Italie, on parle d’une Vierge à l’Enfant avec la soupe au lait, une dénomination nettement moins expressive. Il faut préciser que l’on connaît sept versions de la Madone à l’Enfant de David, dont la meilleure est celle conservée à l’Aurora Trust de New York, qui a été mieux conservée que les autres et se distingue en tout cas par une rédaction picturale plus précise et de meilleure qualité. Le schéma de base reste cependant inchangé, tout comme les modèles: Gérard David s’est tourné vers l’Italie, il a regardé les peintures de Léonard de Vinci, par exemple la Madone du lait de Bernardino de’ Conti, conservée à l’Accademia Carrara de Bergame, indiquée par l’historienne de l’art Maryan Ainsworth comme le précédent le plus probable, bien que tous les chemins mènent inévitablement à la Madone Benoïs de Léonard de Vinci.

Gerard David, Madonna della pappa (vers 1515 ; huile sur panneau, 41 x 32 cm ; Gênes, musées de la Strada Nuova, Palazzo Bianco) Gerard
David, Madonna della pappa (vers 1515 ; huile sur panneau, 41 x 32 cm ; Gênes, musées de la Strada Nuova, Palazzo Bianco)
Gerard David, Madone du repas (vers 1515 ; huile sur panneau, 33 x 27,5 cm ; New York, Aurora Trust) Gérard David, Madonna
della
pappa
(vers 1515 ; huile sur panneau, 33 x 27,5 cm ; New York, Aurora Trust)

Pour les Anglais et les Américains, l’œuvre de Gerard David est donc la “Madone et l’enfant à la soupe au lait”. Mais avec ce titre, on est automatiquement amené à se demander ce qu’est la soupe au lait, à quoi elle sert, quel est son rapport avec la Vierge à l’Enfant. Soupe“, en revanche, est un mot infiniment plus savoureux que la ”soupe au lait“ aseptisée des anglophones. C’est ainsi que les enfants appellent le pain depuis l’Antiquité, avec la répétition de la première syllabe typique de la lallazione. Il y a donc dans ”gruel" une référence sémantique au pain, présent d’ailleurs sur la table que David place au premier plan, avec une référence supplémentaire au sacrifice du Christ, que la soupe au lait ne parvient pas à exprimer. De même que la “soupe” transmet plus immédiatement l’idée de la Vierge qui nourrit l’Enfant, une image qui pourrait également être lue comme une allusion à l’Église qui soutient ses fidèles, non pas selon le concept de Marie mater E., mais selon le concept de la Vierge qui nourrit l’Enfant. selon le concept de Marie mater Ecclesiae, dont la documentation liturgique de l’époque n’offre que de rares témoignages (on parlera d’ailleurs beaucoup de Marie comme mère de l’Église à partir du XIXe siècle, et le titre de Marie mater Ecclesiae ne sera plus utilisé qu’à partir de la fin du XIXe siècle, mais à partir du début du XXe siècle).siècle, et le titre ne sera proclamé qu’en 1964, par Paul VI), mais simplement sur la base de l’analogie entre le rôle maternel de Marie et celui de l’Église, analogie dont on trouve de nombreuses preuves dans la patristique. Dans la lettre de saint Augustin à Léto, par exemple, nous lisons que “l’Église est ta mère. [...] c’est elle qui vous a nourris du lait de la foi, et tandis qu’elle vous prépare une nourriture plus solide, elle voit avec horreur que vous voulez rester à gémir comme des nourrissons édentés”. Et puis, observe encore Ainsworth dans sa monographie sur Gérard David, Notre-Dame de la Gorge Nourricière pourrait être liée aux écrits de certains théologiens médiévaux, comme Hildegarde de Bingen, Élisabeth de Schoennau, Catherine de Sienne et Juliana de Norwich, qui, dans leurs œuvres, se réfèrent aux femmes pour signifier l’humanité tout entière, et à la maternité comme symbole de l’amour et de la nourriture que l’âme reçoit de Dieu. “Nous devons faire, écrivait par exemple Catherine de Sienne, comme l’enfant qui, voulant téter le lait, prend le sein de sa mère et le met dans sa bouche, de sorte que, par le moyen de la chair, il attire le lait à lui. Il en est de même pour nous, si nous voulons nourrir nos âmes, car nous devons nous attacher au sein du Christ crucifié”.

Bien entendu, la Madone de la Cène de Gérard David doit également être interprétée de manière littérale, comme l’image tendre et affectueuse d’une mère essayant de nourrir l’Enfant: nous la voyons le tenir doucement sur ses genoux, en le tenant de la main gauche pour qu’il ne tombe pas, et en prenant une cuillerée dans le bol de la main droite. On peut imaginer qu’elle commence bientôt à nourrir l’enfant, qui semble curieux, presque amusé, tandis qu’à son tour, pour imiter sa mère, elle tient une petite cuillère dans sa main droite. La scène se déroule dans un intérieur domestique flamand: en haut à gauche, une nature morte avec une cruche en étain, une pomme et un vase de fleurs. Derrière, des objets que l’on pouvait trouver dans une maison de l’époque: un panier, un livre, un sac. Derrière la Vierge et Jésus-Christ, une fenêtre s’ouvre sur une ville divisée en deux par un fleuve qui la traverse, avec un arbre en toile de fond sur la gauche.

Au premier abord, on pourrait donc presque penser à une sorte d’esquisse de genre, capable de répondre aux attentes d’une clientèle privée désireuse de voir dans l’icône sacrée une image familière, spontanée, engageante. Il n’est cependant pas concevable que Gérard David se soit abstenu de toute tentative de greffer des allusions symboliques à chaque élément de la scène: chaque détail de sa composition laisse entrevoir une dimension supplémentaire. Dans le tableau de New York, par exemple, on peut voir sur la porte du buffet la représentation d’Adam, absente de la version génoise: David nous présente ainsi la Vierge comme la nouvelle Ève et le Christ comme le nouvel Adam, car ils réparent ensemble la désobéissance des géniteurs, d’autant plus que dans le tableau de l’Aurora Trust, l’Enfant, au lieu de la cuillère, tient un brin de cerises dans la main, une référence supplémentaire au fruit du péché originel. Les fleurs derrière la Vierge font référence à la mort du Christ et à la douleur de sa mère, tandis que la cruche pourrait être interprétée comme un symbole eucharistique évoquant le vin et donc le sang du Christ. Le panier avec les linges rappelle le linceul avec lequel le corps de Jésus a été enveloppé dans le tombeau, et peut-être aussi pour rendre cette référence plus immédiate, Gérard David a peut-être décidé d’habiller l’Enfant d’un sarrau dans le tableau génois, alors qu’il est nu dans le tableau new-yorkais. Le livre nous renvoie aux pratiques de dévotion de l’époque, tandis que les objets posés sur la table révèlent le sens global du tableau, une allégorie de l’incarnation et de la rédemption: le fruit au premier plan est une allusion directe au péché originel racheté par le Christ avec sa mort sur la croix, auquel le couteau fait plutôt référence.

La version de Gênes, où le tableau est présent depuis 1874, acheté à Paris par la famille Brignole Sale pour sa collection, puis transmis à la ville par legs, est moins chargée de sous-entendus allégoriques que celle de New York, et était certainement destinée à un mécène moins exigeant. Un mécène qui a su reconnaître les implications théologiques de la Madonna della pappa, et qui a naturellement vu en cette mère un modèle de vertu qui signalait la valeur de la famille dans la Flandre du début du XVIe siècle, dans une société qui abandonnait ses anciens modèles fondés sur le respect de la dignité humaine et de l’intégrité physique. qui abandonnait ses anciens modèles basés sur l’agriculture et la dimension collective de la vie sociale, et qui commençait à développer un nouveau paradigme bourgeois et capitaliste dans lequel le rôle de la famille et de l’individu prenait des mérites entièrement différents. Mais le commissaire était probablement aussi désireux de voir une Vierge plus proche, plus humaine, plus terrestre. Il cherchait peut-être une dimension plus immédiate, celle-là même qui fascine la plupart de ceux qui voient aujourd’hui la Madone de la momie de Gérard David au Palazzo Bianco. En un mot: une mère. Une mère aimante, prise dans un geste intime et naturel qui touche le cœur et émeut les hommes du XXIe siècle comme ceux du XVIe.


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