Daniel Buren à Pistoia : une occasion de repenser l'ensemble de sa carrière. Comment se présente l'exposition


L'exposition de Daniel Buren à Pistoia retrace près de soixante ans de carrière de l'artiste français, et ce n'est pas un mince défi, car synthétiser son univers créatif dans une revue qui envisage les aspects diachroniques et contextuels n'est pas chose aisée. Mais la Fondazione Pistoia Musei répond à l'appel. Voici comment : le compte-rendu d'Emanuela Zanon.

La figure de Daniel Buren (Boulogne-Billancourt, 1938) émerge sur la scène contemporaine avec une autorité qui dépasse la simple reconnaissance historique pour incarner une pratique artistique qui continue à renouveler son langage après plus de cinquante ans de recherche. Figure emblématique de l’art conceptuel depuis les années 1960, il a d’emblée inscrit sa pratique dans un processus continu de reconfiguration de l’espace à travers un langage capable de combiner une rigoureuse cohérence logique et visuelle avec un potentiel génératif inépuisable dans une dimension architecturale et immersive. Son approche est guidée par une sensibilité aiguë aux éléments constitutifs de l’espace urbain, architectural et naturel, qui sont décryptés, réinterprétés et retravaillés par son intervention dans une clé géométrique. Symétries et oppositions, alternances chromatiques, jeu entre extérieur et intérieur, rapport entre lumière naturelle et artificielle, transparence et réflexion sont les principaux matériaux conceptuels avec lesquels l’artiste construit ses œuvres, toujours conçues comme un continuum visuel par rapport à l’environnement qui les accueille. Les éléments géométriques projetés ou superposés sur les murs d’intérieurs ou d’extérieurs se transforment ainsi en portes ou fenêtres imaginaires qui ouvrent de nouvelles visions de l’espace architectural, ou en diaphragmes qui segmentent ce même espace de manière illusionniste, en l’écrasant au point d’en déformer les connotations. L ’utilisation de l’eau et des miroirs, introduits dans son vocabulaire expressif au début des années 1970, joue également un rôle important dans l’amplification de cette dimension transformatrice, générant des multiplications de perspectives qui déstabilisent le regard en proposant, selon le point de vue, différentes facettes d’un espace abordé comme une matière malléable.

Au cours de six décennies, Buren a consolidé un répertoire visuel apparemment limité, mais d’une extraordinaire polyvalence, en enracinant sa pratique dans l’utilisation d’un dispositif perceptif qui est devenu sa signature stylistique : le motif de l’alternance de bandes verticales blanches et colorées, toujours d’une largeur exacte de 8,7 centimètres, dérivé d’un tissu industriel que Buren a découvert par hasard sur un marché parisien en 1965. Ce qui constitue une véritable “épiphanie” pour l’artiste (qui sera suivie en 1967 par l’abandon définitif de l’atelier au profit d’interventions environnementales, relevant à la fois de la peinture, de la sculpture et de l’architecture) représente moins une marque distinctive qu’un outil visuel, lui permettant d’interroger les conditions de visibilité et d’existence de l’œuvre d’art. Ce dispositif visuel d’une rigoureuse simplicité, d’abord adopté comme point d’atterrissage extrême d’une recherche sur le degré zéro de la peinture, est ensuite devenu le véhicule par lequel l’artiste dirige l’attention de l’observateur de l’œuvre elle-même à l’ensemble de l’environnement physique et social dans lequel elle s’insère. Dans ce déplacement et dans l’efficacité de ses installations à révéler des aspects inédits des espaces dans lesquels elles sont placées, la dimension politique qui sous-tend l’ensemble de l’œuvre de Buren émerge de manière subtile mais efficace. Buren a déclaré à plusieurs reprises que “l’art est toujours hautement politique, même quand on ne le voit pas”. Ses interventions dans l’espace public, en effet, ne visent pas à transmettre des messages explicites, mais à reconfigurer la perception et l’expérience des lieux, invitant l’observateur à une prise de conscience critique de sa propre relation avec son environnement. Un témoignage exemplaire du potentiel subversif de cet art “interventionniste” par rapport à la réalité et tout sauf retranché derrière les canons conceptuels habituellement associés à l’abstraction géométrique est la controverse suscitée en 1986 par l’installation dans la cour d’honneur du Palais-Royal à Paris de l’œuvre Les Deux Plateaux. L’œuvre, composée de 260 colonnes octogonales à bandes verticales noires et blanches, identiques à l’exception de leur hauteur, aujourd’hui l’un des monuments les plus emblématiques de la capitale française, avant d’être reconnue comme un chef-d’œuvre de l’art public, risquait d’être démantelée en raison de son caractère hérétique par rapport aux conventions urbanistiques établies, pour être finalement réhabilitée en vertu de l’approbation manifestée par les citoyens, qui ont immédiatement commencé à habiter le site auparavant ignoré.

S’il est clair, à partir de ces prémisses, que Buren, une fois l’axe de sa recherche fixé, ne s’intéressait plus à la création d’objets autonomes mais à la production d’expériences, il est tout aussi clair que synthétiser son univers créatif dans une exposition qui contemple à la fois les aspects diachroniques et contextuels représente un défi de taille. Et c’est précisément à ce défi que la Fondazione Pistoia Musei répond avec l’exposition DANIEL BUREN. Fare, Disfare, Rifare. Works in situ and located 1968-2025, organisée au Palazzo Buontalenti de Pistoia et co-commandée par l’artiste lui-même et par Monica Preti, directrice de la fondation. Le parcours de l’exposition, articulé dans les salles du palais du XVIe siècle, dans la cour centrale et dans deux interventions in situ dans la ville, à travers un dialogue étroit entre des œuvres historiques et des œuvres récentes, dont beaucoup ont été créées ou recréées pour l’occasion, vise à retracer la carrière et les projets de l’artiste. L’exposition vise à documenter sa capacité à transformer radicalement les lieux sans les dénaturer et à étudier sa relation privilégiée avec la Toscane, une région qui compte un nombre important de ses œuvres permanentes.

Vue de l'exposition Daniel Buren. Faire, défaire, refaire. Œuvres in situ et sur site 1968-2025. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma
Vue de l’exposition Daniel Buren. Fare, Disfare, Rifare. Œuvres in situ et sur site 1968-2025. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Rome

Le titre de l’exposition identifie l’essence de la démarche de Buren dans l’intersection entre le geste de faire, celui de défaire et celui de refaire, conséquence de son questionnement systématique sur l’union indissoluble de l’œuvre avec l’espace à travers un processus toujours en cours, où l’action de l’artiste est sans cesse renouvelée par le regard du spectateur, lui aussi en symbiose avec l’environnement. Les œuvres exposées, et plus généralement l’ensemble de la production de l’artiste, se divisent (selon sa propre définition) en deux types : les œuvres in situ, c’est-à-dire réalisées dans les rues, les galeries, les musées, les paysages et les bâtiments, basées sur le contexte et non transférables ailleurs, et les œuvres situées, idéalement transportables dans d’autres lieux. Dans les deux cas, cependant, l’œuvre n’est jamais un objet autosuffisant, mais n’existe que dans la relation qu’elle entretient avec le monde extérieur. Lors d’une conversation intéressante avec Hans Ulrich Obrist pour Art Basel 2021, Buren a développé la première notion, qu’il a élaborée en réfléchissant à certains éléments particuliers ressemblant à des cadres qui, dans les jardins japonais, encadrent scénographiquement des parties du paysage, désignés dans la langue locale comme des “instruments empruntant le paysage”. C’est sur une intuition similaire que repose le concept des œuvres in situ de l’artiste, qui ne veulent pas s’approprier l’espace en le forçant de manière autoritaire, mais seulement l’emprunter en l’incorporant dans une œuvre qu’il est impossible d’embrasser d’un seul regard, où chacun des différents angles visuels possibles fait partie d’une composition plus vaste. En suivant la même suggestion, l’exposition au Palazzo Buontalenti, après les premières salles consacrées aux peintures les plus anciennes (indispensables pour comprendre la genèse de son langage), peut également être considérée comme une sorte d’œuvre articulée in situ, où la direction de l’artiste dans l’orchestration, le camouflage, la réinterprétation ou la réinterprétation des espaces en fonction de leurs caractéristiques architecturales est évidente.

L’incipit de l’exposition est donc consacré aux recherches picturales du milieu des années 60, représentées par une sélection de grandes peintures sur toile de coton et de collages dans lesquels l’artiste, ayant complètement abandonné l’art figuratif qu’il pratiquait auparavant, recherche des combinaisons de formes de plus en plus essentielles. Certaines œuvres sont réalisées à partir de draps sur lesquels apparaissent des motifs rayés appliqués sur le fond avec du ruban adhésif, anticipation des tissus industriels à rayures verticales qui apparaîtront peu de temps après. Ces premières œuvres sont passionnantes car elles révèlent la tension de l’artiste entre l’aspiration à la pureté géométrique (déjà prépondérante) et l’héritage organique de sa peinture, décelable dans les voiles rendus imparfaits par les coulures et les irrégularités de la surface, dans les intonations chromatiques d’une matrice organique et dans la prédominance de la forme courbe. Dans la salle suivante, la relation est inversée : le motif rayé caractéristique commence à dominer, parfois recouvert ou interrompu par des formes fluides qui agissent comme un contrepoint harmonieux à l’orthogonalité rigoureuse du motif.

Daniel Buren, Découpé / Etiré, œuvre in situ, Palazzo Buontalenti, Pistoia 1985-2025. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma
Daniel Buren, Découpé / Etiré, œuvre in situ, Palazzo Buontalenti, Pistoia 1985-2025. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma

Elle se poursuit par un environnement enveloppant, dans lequel les murs de la pièce sont baignés d’une douce lumière qui s’échappe de deux tissus rayés rendus translucides par l’éclairage situé derrière, l’un dans un ton neutre, l’autre dans une dominante orangée. Cette installation illustre parfaitement la manière dont Buren utilise la lumière comme matériau sculptural pour créer des environnements qui engagent le spectateur dans une expérience sensorielle globale. Nous passons ensuite à la cour intérieure du Palazzo Buontalenti, animée par deux systèmes de portiques à loggia avec un double ordre de colonnes de diamètre décroissant. C’est là que l’une des œuvres les plus significatives de l’exposition, Découpé / Étiré (1985-2025), naît de la refonte d’une œuvre réalisée pour la galerie Tucci Russo. Il s’agit d’une structure qui s’étend en accordéon dans l’espace, comme un jeu de perspective, composée d’une série de portiques qui s’emboîtent les uns dans les autres, du plus grand au plus petit, avec certains profils recouverts de surfaces en miroir. L’installation est emblématique d’une approche de l’art qui fait de la modularité et de la recontextualisation ses principes de fonctionnement : une fois coupé en morceaux, le plan unique théorique formé par la série de portiques peut se déployer et s’étendre dans d’innombrables variations, dans un processus de recombinaison potentiellement infini. Le parcours se poursuit avec une salle consacrée aux nombreux dessins de l’artiste pour des œuvres publiques réalisées en Italie (souvent en Toscane), telles que La Cabane èclatée aux quatre salles (2005) dans le parc de la Fattoria di Celle, le Pavillon d’hémodialyse de l’hôpital de Pistoia, Concave / Convexe : deaux places en une avec fontaine (2011) sur la Piazza Arnolfo à Colle di Val d’Elsa et Muri Fontane a tre colori per un esagono à la Villa Medicea La Magia à Quarrata. Nous arrivons ensuite à l’une des installations les plus spectaculaires de l’exposition, Arlequin à l’infini (2003-2025), un environnement immersif composé de colonnes en bois surmontées d’un plafond de panneaux carrés de différentes couleurs, dont la transparence laisse entrevoir le motif des rayures comme une sous-piste. Dans ce labyrinthe ordonné de structures verticales, multipliées par l’insertion de miroirs, la lumière filtre par le haut, se répandant dans l’espace inférieur et créant un effet kaléidoscopique évocateur et désorientant.

Dans cette dialectique entre la nature statique d’une forme standardisée par la disposition géométrique et le dynamisme déclenché par la lumière, se réalise ce que l’on pourrait appeler la stratégie de subversion perceptive de l’artiste, où l’apparente simplicité de l’appareil parvient à catalyser une réorganisation complexe du regard. La visite se termine par une salle consacrée à trois hauts-reliefs de la série Prismes et miroirs (2022), compositions de panneaux anguleux se détachant sur des fonds miroirs rythmés par des bandes noires, roses et bleues alternant avec le blanc canonique. L’effet global est celui d’un espace dynamique qui semble se plier et s’étirer, invitant le spectateur à se déplacer dans la pièce pour expérimenter les différentes perspectives et les relations changeantes entre les couleurs, les formes et les reflets dans les miroirs.

Daniel Buren, Arlequin à l'infini, œuvre in situ, Palazzo Buontalenti, Pistoia, 2003-2005. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma
Daniel Buren, Arlequin à l’infini, œuvre in situ, Palazzo Buontalenti, Pistoia, 2003-2005. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma
Daniel Buren, La facciata ai venti, œuvre in situ sur deux étages, Antico Palazzo dei Vescovi, Pistoia, mars 2025. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Rome
Daniel Buren, La facciata ai venti, œuvre in situ sur deux étages, Antico Palazzo dei Vescovi, Pistoia, mars 2025. Détail. Par concession de la Fondazione Pistoia Musei, photo OKNOstudio, Ela Bialkowska © DB - SIAE Roma

Cette conception relationnelle de l’œuvre d’art trouve son expression la plus aboutie dans les interventions hors du périmètre du musée, comme la Facciata ai venti (2025), une œuvre in situ réalisée sur la façade de l’Antico Palazzo dei Vescovi sur la Piazza del Duomo, où les bandes verticales noires et blanches imprimées sur les écrans des fenêtres dialoguent avec les bandes horizontales romanes en marbre bichromatique de la cathédrale et du baptistère adjacents. Tout aussi significative par son minimalisme est l’œuvre Dalla terrazza alla strada : livello (1979-2025), une bande de papier noir et blanc qui, s’adaptant au mur entre le Palazzo de’ Rossi et le Sdrucciolo del Castellare, interagit avec les géométries urbaines, évoquant les Affichages sauvages réalisés par l’artiste dans les rues de Paris à la fin des années 1960. L’œuvre rappelle la critique radicale des institutions artistiques qui a caractérisé les débuts de Buren, lorsque l’abandon de l’atelier en faveur d’une intervention directe dans l’espace public représentait une position à la fois politique et esthétique. Comme dans ces actions performatives, ici aussi le dispositif des bandes, loin d’être la simple répétition d’un schéma, se révèle un mécanisme génératif capable de s’adapter et de dialoguer avec n’importe quel contexte : il ne s’agit donc pas d’un signe imposé à l’espace, mais d’un élément qui révèle ses caractéristiques intrinsèques, en les incorporant à la vision artistique.

Ce qui ressort fortement de l’ensemble de l’exposition, c’est la cohérence du modus operandi de l’artiste, concrétisé dans un système évolutif et adaptable qui, malgré la cohérence rigoureuse de la méthode, parvient toujours à se modifier en fonction des spécificités de l’environnement. Ses œuvres, au lieu de se présenter comme des impositions autoritaires, s’offrent comme des propositions de réinterprétation des espaces qui invitent le visiteur à participer activement au processus de re-signification. L’homogénéité visuelle des bandes verticales intemporelles constitue ainsi la condition préalable pour faire ressortir l’hétérogénéité des contextes, dans un processus de détection de ce qui resterait autrement invisible. À la lumière de ces considérations, l’exposition de Pistoia ne se présente pas tant comme une rétrospective traditionnelle que comme une occasion de repenser l’ensemble de la carrière de l’artiste français à travers le prisme du présent. La rencontre réussie entre des œuvres historiques et récentes, des œuvres in situ et in situ, l’intérieur et l’extérieur du musée dans un seul monde abstrait et habitable déclenche un jeu de renvois qui transcende la chronologie pour proposer une lecture synchronique de la pratique d’un artiste dont la recherche continue d’être un point de référence essentiel pour la réflexion sur la relation entre l’art, l’architecture et l’espace public.


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