L'église Santa Maria in Castello à Tarquinia, l'art roman qui ne s'est jamais arrêté


À Tarquinia, dans l'église Santa Maria in Castello, l'un des édifices romans les plus intéressants du Latium. On peut y lire partout les signes du temps qui s'y est écoulé.

“Le 13 septembre 1935, le Lt. Mario d’Orazio, le 13 septembre 1935 - XIII E.F. avec un groupe heureux a visité, contemplé et invoqué la miséricorde sur ce lieu qui n’est plus sacré”. L’inscription est gravée sur le marbre de l’ambon de Santa Maria in Castello, autrefois recouvert de pierres diverses et colorées, aujourd’hui témoin muet et dépouillé de tous les siècles qui se sont écoulés depuis cet endroit, au sommet d’une falaise dépouillée qui domine la plaine de Tarquinia. On peut y passer une demi-heure à lire les souvenirs écrits par tous ceux qui sont entrés dans cette église. Et il y a des dates encore plus anciennes que celle de 1935 an XIII de l’ère fasciste laissée par un officier qui est monté ici avec on ne sait qui, un ami, un camarade. On remonte même jusqu’au milieu du XIXe siècle, on retrouve l’écriture cursive minuscule et inclinée typique de l’écriture de l’époque. Les voyageurs venaient ici, à Corneto, comme Tarquinia s’appelait jusqu’en 1922, pour explorer les antiquités étrusques, descendre dans les tombes, chercher les vestiges de ce passé lointain. Il se trouve qu’une fois arrivés dans le village, ils se sont retrouvés devant ce monument roman, isolé du reste du hameau, majestueux dans sa solitude, laissé à l’abandon dès la fin du XVIe siècle, aggravé par des siècles de délabrement, de ruine et de spoliation. Et bien sûr, ils n’ont pas pu se dispenser d’une visite.

Le premier à avoir remarqué Santa Maria in Castello fut, selon toute vraisemblance, l’abbé Jean Baptiste Seroux d’Agincourt. Il était arrivé à Corneto en 1782 : il rassemblait des matériaux pour une Histoire de l’art par les monuments qu’il devait publier quelques années plus tard, et il devait vérifier l’exactitude de certaines reproductions imprimées de tombes étrusques qui lui avaient été transmises par James Byres, l’une des personnalités les plus intéressantes à avoir fréquenté Rome à la fin du XVIIIe siècle. Écossais, peintre et architecte de formation, il était descendu en Italie alors qu’il n’avait pas trente ans et avait décidé d’y rester, mais pas en tant qu’artiste : en tant que guide touristique. À l’époque, il s’agissait d’une profession extrêmement rentable si l’on pouvait offrir ses services, moyennant une forte rémunération, aux jeunes descendants de la noblesse européenne qui traversaient les Alpes pour leur Grand Tour : il était impossible de voyager dans l’Italie de l’époque, et peut-être même de revenir vivant dans sa patrie, si l’on n’était pas accompagné par quelqu’un qui connaissait bien les lieux et qui pouvait vous orienter. Ensuite, l’ingénieux Byres, pour renflouer ses revenus déjà substantiels, s’est également lancé dans le marché des antiquités : il vendait principalement des antiquités aux grands touristes qui voulaient ramener un souvenir de leur expérience en Italie. Et, plus généralement, il se met à la disposition de tous ceux qui ont besoin de trouver des objets, des pièces, des gravures, etc. L’abbé Seroux s’est donc adressé à lui pour trouver la matière de son livre. On le voit presque, sur la route de Corneto, laborieux, avec ses tables, commencer ses vérifications sur les monuments étrusques. Et puis, une fois arrivé, il faut l’imaginer saisi d’un nouvel étonnement, agité, difficile à retenir : devant ses yeux s’ouvrait un bourg médiéval intact, vierge, qui lui était remis dans son intégralité, avec tous ses monuments en place, plus de trois cents ans d’histoire. C’est-à-dire ceux qui séparent la visite de l’abbé Seroux de l’annexion de Corneto à l’État pontifical. Trois cent cinquante ans et plus. Trois siècles et demi ennuyeux, monotones, lents, pendant lesquels, à Corneto, il ne s’était rien passé.



L’abbé avait été fasciné par l’église de Santa Maria in Castello et avait demandé à quelqu’un, nous ne savons pas qui parce que le nom ne nous est pas parvenu (ou n’a pas encore été découvert), d’en dessiner le plan, l’élévation et le profil : à l’époque, il n’y avait pas d’appareil photo et pour conserver la mémoire de quelque chose, il fallait travailler avec un crayon. Le dessinateur anonyme qui travaillait pour l’abbé Seroux nous a laissé trois dessins architecturaux de l’église, rapides, concis, sans trop de fioritures. Ce sont pourtant les premières images de l’église qui nous sont parvenues. On voit aussi, sur le dessin de la façade, la coupole qui s’est effondrée en 1819, suite à un tremblement de terre : dire que trente ans plus tôt, en 1788, les frères franciscains qui géraient l’ensemble avaient déjà dénoncé l’état dans lequel se trouvait la coupole, qui menaçait de s’effondrer. Puis, quelques années plus tard, la toiture a été refaite. Depuis le début du XIXe siècle, en effet, quelques travaux de restauration avaient été encouragés, sans être particulièrement exigeants : quelques repeints, quelques badigeons, des fenêtres à changer, des toitures à remplacer. Pas d’interventions structurelles.

Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Ra Boe
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Ra Boe
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Tiziano Crescia / Municipalité de Tarquinia
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Tiziano Crescia / Municipalité de Tarquinia
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Gabriele Paventi
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Gabriele Paventi

L’effondrement de la coupole a également eu raison du regain d’intérêt pour Santa Maria in Castello : après le tremblement de terre, l’église a été fermée et abandonnée à nouveau. Tout au plus a-t-on pris soin de réparer le tambour, sans reconstruire la coupole. Ce n’est qu’après l’unification de l’Italie que les choses bougèrent : nous avons des nouvelles de crédits de la municipalité qui arrivaient de manière sporadique, mais qui permettaient d’entamer quelques réparations. Puis plus rien jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et enfin avec l’après-guerre, d’importants travaux de restauration qui ont permis de stopper la dégradation. Dans les années 1970, Roberto Sebastian Matta y a même introduit l’une de ses œuvres : c’était en 1976 et une Autoapocalipse de l’artiste chilien était mise en scène à Santa Maria in Castello, une sorte de petite maison fabriquée à partir de carcasses de voitures, une dénonciation contre le consumérisme. Par la suite, heureusement, personne n’a eu envie de reproduire l’expérience et on n’a plus vu d’art contemporain dans l’église.

Depuis la visite de l’abbé Seroux jusqu’à aujourd’hui, Santa Maria in Castello n’a pas beaucoup changé. Certes, il n’y a plus l’exquise coupole qui parlait pisan, mais ce n’est peut-être pas celle qui était à l’origine de l’église : selon toute vraisemblance, elle a été reconstruite entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, peut-être à la suite d’un nouvel effondrement. Et puis, par rapport à la fin du XVIIIe siècle, il est certain que l’abside a subi quelques modifications. Pour le reste, en revanche, tout est resté en l’état. La façade est surplombée par une très haute tour carrée et massive. C’est la plus haute de la ville. De loin, elle ressemble presque à un clocher, ce qui laisse penser qu’il s’agit du projet de quelqu’un qui voulait construire le clocher le plus disproportionné de l’histoire et qui a laissé l’entreprise à moitié terminée, mais en réalité, la tour n’a rien à voir avec l’église. Le clocher est celui en forme de voile qui surplombe la façade, sur le côté gauche, et ruine son rectangle précis, ce qui met en crise les obsessionnels compulsifs qui recherchent des symétries partout. Même ce petit pignon de clocher est un ajout bien postérieur à l’époque de la construction de l’église.

La construction de Santa Maria in Castello a commencé en 1121, où l’on imagine le château, centre névralgique du village, lieu où se trouvaient les bureaux administratifs de l’époque. Les travaux furent achevés assez rapidement, car dès 1208, l’église fut dédiée à la Vierge Marie. Le résultat fut un édifice particulier, mélange d’ingrédients romains et lombards : “la première équipe d’ouvriers, d’origine du haut Latium, avait imprimé à la construction des caractéristiques lombardes, tirées notamment des sites de Sant’Ambrogio à Milan et de San Michele à Pavie”, écrivent les universitaires Ilaria Miarelli Mariani et Ilaria Sgarbozza : “l’appareil de maçonnerie en pierres de taille équarries avec une précision méticuleuse, l’utilisation extensive de matériaux réutilisés provenant des survivances urbaines de la période antique tardive, l’utilisation de la bichromie, grâce à l’insertion de nenfro, un tuf gris foncé typique de la Tuscia”. Toute la décoration est due à un marbrier, Ranuccio, et à ses fils, qui ont travaillé ici entre 1143 et 1209. L’un des fils, Pietro di Ranuccio, s’est occupé du portail central et l’a signé dans l’arcade, avec une inscription qui court entre les cercles décorés de mosaïques cosmatesques : quelques pièces sont encore en place. On leur doit également le sol partiellement conservé, lui aussi cosmatesque : des incrustations de marbre avec des tesselles de toutes les couleurs et de tous les matériaux nous ramènent à la culture romaine du XIIe siècle. Typique de la culture romaine du XIIe siècle est aussi le réemploi : ici, on a utilisé en grande partie des matériaux trouvés, provenant d’on ne sait quels édifices romains ou même étrusques, comme le laisse penser une inscription au-dessus d’une bande de marbre près de l’autel, entre la nef et le bas-côté gauche. On peut y lire “Larth Velchas thui cesu”, ce qui signifie “Larth Velchas est enterré ici”. Au XIIe siècle, les sarcophages étrusques ont été mis en pièces sans ménagement et réutilisés comme éléments architecturaux. C’était le concept d’économie circulaire en vigueur à l’époque. Et la tombe où reposait M. Larth Velchas, probable habitant de Tarquinia il y a deux mille cinq cents ans, est ainsi devenue une étape de l’église chrétienne construite à l’initiative de ses descendants.

Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Cesar Vasquez Altamirano
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Cesar Vasquez Altamirano
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Asia Bacciardi
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Asia Bacciardi
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull'Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Finestre Sull’Arte
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Ra Boe
Tarquinia, Santa Maria in Castello. Photo : Ra Boe

On lève les yeux : les piliers qui divisent les trois nefs de Santa Maria in Castello sont hauts, allongés et forment la base de cinq grandes baies couvertes par des voûtes d’arêtes. Il n’y a pas de décorations, à l’exception des frises qui ornent les chapiteaux. On retrouve tout le répertoire de la décoration romane : lions, figures humaines, animaux divers, motifs végétaux (eux aussi assez fantaisistes, il faut bien le dire). Sous le tambour se trouve une rosace inhabituelle : elle est probablement l’œuvre des mêmes Pisans qui ont construit la coupole elliptique à l’image et à la ressemblance de celle de leur cathédrale. Nous retournons notre regard vers l’autel, lui aussi dépouillé : deux barrières de marbre sur les côtés, et ce qui reste du ciboire au-dessus de la table : ici aussi, la graphomanie des marbriers qui ont décoré l’église les a amenés à signer également le ciboire, que nous savons donc être l’œuvre de Giovanni et Guittone, daté de 1168. En se retournant, on observe les fonts baptismaux octogonaux, recouverts de marbres polychromes de toutes les couleurs, également réutilisés, placés par groupes de quatre de chaque côté, dans les carrés formés par les croix de marbre blanc veiné qui marquent le rythme. De l’autre côté de l’église se trouve l’ambon, œuvre du maître Giovanni di Guittone, qui a également voulu signer son travail. Et de la dater de 1208. La chaire devait être beaucoup plus spectaculaire, dans l’Antiquité : il ne reste que quelques maigres fragments de ses décorations colorées, à peine perceptibles. Un peu comme le sol, qui subsiste pourtant en bien plus grande partie, et qui a pourtant été largement offensé par ceux qui n’y ont pas mis trop de grâce. Le gros de la ruine, nous l’imaginons, a dû tomber sur les décorations au XIXe siècle, lorsque le troisième régiment de chasseurs à cheval est arrivé à Santa Maria in Castello à la suite du général Fally, qui avait été envoyé de France en Italie en 1867 pour aider Pie IX contre Garibaldi lors de la campagne dans la campagne romaine. Il s’agit d’un des épisodes les moins connus du Risorgimento, car les volontaires de Garibaldi furent massacrés sans beaucoup de courtoisie par l’armée de Sa Sainteté, et finalement les forces franco-papales repoussèrent, en un peu plus d’un mois, les Italiens qui tentaient de libérer Rome (ils y parviendront trois ans plus tard, dans d’autres conditions et avec une autre organisation). A Corneto, les Français sont donc passés. On ne sait pas ce qu’ils ont fait exactement à l’intérieur de Santa Maria di Castello, mais lorsqu’une garnison française campait dans une église au XIXe siècle, ce n’était certainement pas pour étudier les décorations romanes des chapiteaux. Et c’est généralement l’église qui en subit les conséquences. En tout cas, un soldat, un certain Devoyon, a laissé sa signature, et la date de 1867, inscrite au-dessus d’une des colonnes de l’église. Un témoignage de ce passage.

Une signature comme tant d’autres, à l’intérieur de Santa Maria in Castello. Chasseur Devoyon a choisi une colonne. D’autres ont fait de l’ambon une sorte de registre, un grand livre d’or en marbre. Il n’est pas né pour cette fonction, mais elle a certainement été facilitée par ceux qui ont enlevé les pièces qui décoraient l’œuvre de Giovanni di Guittone. Aujourd’hui, l’ambon est une surface géométrique blanche et nue qui a reçu le coup de grâce dans les années 1960, lorsque l’église a été cambriolée et que des parties de la chaire ont été démontées. Il ressemble à une œuvre tout juste achevée, attendant d’être remplie, prête pour les dernières étapes du travail. Au lieu de cela, elle est devenue une métaphore du bâtiment qui l’abrite : le simulacre de ce qui a été. Les scribes pauvres en idées qui infestent Instagram et l’internet en général, lorsqu’ils décrivent des bâtiments comme Santa Maria in Castello, diraient que c’est “un endroit où le temps semble s’être arrêté”, ou quelque chose de similaire, avec un gimmick pioché dans la boîte à outils aride des phrases d’accroche. Non, malheureusement : ici, le temps a toujours été pressé, il a toujours voulu bouger, et aussi faire savoir qu’il n’avait pas l’intention de s’arrêter. Et l’ambon de Santa Maria in Castello est l’image même des siècles qui ont fouetté cette église. L’image, vivante, du temps qui ne l’a jamais oubliée.


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