L'exposition Caravaggio à Rome présente une grande lacune : la Sicile manque à l'appel !


Parmi les différentes limites de l'exposition sur le Caravage à Rome (l'éclairage, la faible durabilité de la visite, l'idée anachronique de vouloir soustraire le Caravage à la fascination de sa biographie), une en particulier retient l'attention : l'absence totale d'œuvres siciliennes dans une exposition qui se proposait pourtant d'explorer l'ensemble de la parabole artistique du Caravage. Commentaire de Silvia Mazza.

Dans moins d’un mois, l’exposition événement Caravaggio 2025 au Palazzo Barberini fermera ses portes. Mais s’agit-il vraiment de “l’un des projets d’exposition les plus ambitieux jamais consacrés à l’œuvre de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage (1571-1610)”, comme l’affirme le communiqué de presse ? Si l’on en juge par le fait que l’exposition a fait salle comble moins de deux mois après son ouverture, mais aussi par les nombreuses critiques parues dans la presse nationale, la réponse semble incontestable. Mais peut-être faut-il rappeler ce qu’écrivait Mauro Lucco, commissaire de l’inoubliable exposition monographique consacrée à Antonello da Messina à Rome aux Scuderie del Quirinale en 2006 : parmi"les indicateurs du succès d’une exposition, le nombre de visiteurs est certainement le critère le plus évident et, avec la même certitude, le moins important. Les chiffres et les pourcentages représentent des indicateurs culturels à la baisse qui devraient être réduits si les projets d’exposition ne sont pas soumis à un seul impératif, l’impératif économique. L’affluence dans les salles montre d’ailleurs clairement que la valeur de la durabilité de la visite a été sous-estimée. Il ne fallait pas s’y attendre, étant donné que l’événement était organisé pour coïncider avec le Jubilé. Et donc, pour réparer... en cours, à partir du 29 mai les heures d’ouverture ont été prolongées jusqu’à minuit du jeudi au dimanche et à partir du 3 juin, avec la fermeture des écoles, le lundi matin l’accès à l’exposition est permis non seulement aux groupes mais aussi aux visiteurs individuels.

Disons que l’intérêt massif du public n’a pas été récompensé par autant de prévenance et que la bonne solution n’est pas toujours trouvée. Par exemple, l’éclairage adopté a été conçu pour un visiteur qui se place au centre, devant l’exposition, évitant ainsi le jeu de reflets qui, dans d’autres expositions consacrées au Caravage, gêne la lecture correcte des surfaces picturales. Une position privilégiée pour jouir d’une vue optimale de chaque œuvre que, dans les salles du Palazzo Barberini, seuls quelques chanceux, et pour une fraction de seconde, parviennent à obtenir, non sans effort.

En outre, l’objectif ambitieux du projet que nous nous sommes demandé au début ne pourrait guère coïncider avec la déclaration d’intention du texte de Keith Christiansen qui ouvre le catalogue de l’exposition (Marsilio Arte), lorsqu’il affirme que “le présent essai s’oppose à ce que l’immense capacité artistique du Caravage et son succès en tant que peintre [...] soient rabaissés à un simple reflet des événements extérieurs de sa biographie”. Franchement, après 72 ans de célébrations à partir de l’exposition de Roberto Longhi au Palazzo Reale de Milan en 1951 qui a marqué sa redécouverte moderne, vouloir rétablir la valeur de l’artiste contre “la fascination de sa biographie” (cit.) ressemble plus à un objectif destiné au public d’un feuilleton qu’aux visiteurs d’une exposition. De même, la dialectique développée autant d’années plus tard avec Berenson “réticent à admettre” la capacité et le succès artistique de Merisi, que plus personne ne songerait à ne pas reconnaître comme incontestable, ne peut qu’apparaître anachronique.

Montage de l'exposition
Montage de l’exposition “Caravaggio 2025”. Photo : Alberto Novelli
Montage de l'exposition
Mise en place de l’exposition “Caravaggio 2025”. Photo : Alberto Novelli
Le public à l'exposition. Photo : Silvia Mazza
Le public à l’exposition. Photo : Silvia Mazza
Le public à l'exposition. Photo : Silvia Mazza
Le public à l’exposition. Photo : Silvia Mazza

En bref, pour mesurer l’“ambition” du projet, il faut réfléchir aux choix effectués par les commissaires Francesca Cappelletti, Maria Cristina Terzaghi et Thomas Clement Salomon. En partageant ce qui a déjà été écrit par Federico Giannini, nous ajoutons quelques considérations supplémentaires (également par rapport à la critique de l’écrivain dans la Gazzetta del Sud du 3 juin 2025), ainsi que ce que nous croyons être la lacune la plus évidente de cette opération à laquelle on reconnaît qu’il n’y a pas d’ombre de doute, il n’y a pas d’intérêt.il n’y a pas l’ombre d’un doute, le mérite d’avoir permis de précieuses comparaisons entre 24 chefs-d’œuvre du maître provenant des musées les plus prestigieux du monde (“les expositions aiguisent de toute façon l’exercice d’attribution”, écrit Claudio Strinati dans le catalogue). Parmi eux, des œuvres rarement accessibles, comme la première version de la Conversion de Saul de la chapelle Cerasi, provenant d’une résidence privée, ainsi que l’unique peinture murale de Merisi dans le Casino Ludovisi, qui a été ouvert de manière extraordinaire. Et de les admirer non pas dans un autre lieu d’exposition de la capitale, mais précisément au Palazzo Barberini, qui possède la plus grande collection “caravagesque” au monde, et qui est aussi un lieu symbolique du lien entre Caravaggio et ses mécènes. Ainsi, à côté de Saint François en méditation, Saint Jean Baptiste, Judith et Holopherne et Narcisse, issus de la collection permanente des Galeries, les Bari, les Musiciens et Sainte Catherine d’Alexandrie, qui appartenaient aux collections de la famille, “ rentrent à la maison ”.

Uniquement des œuvres reconnues unanimement (ou presque) par les critiques comme étant de la main du Caravage, le génie qui a fait voler en éclats, de manière controversée, les hypothèses de l’esthétique de la Renaissance. Pas de caravagesque. Pas de copies ou de dérivés. Le Caravage est unique et incomparable. C’est ce qui, nous pouvons le supposer, aurait fait des intentions des commissaires de l’exposition l’une des plus ambitieuses jamais consacrées à Caravaggio, contrairement aux précédentes, à commencer par celle de Longhi en 1951. Et aussi par rapport à celles qui ont abordé la délicate question des copies et des répliques antiques (Strinati rappelle celle de Naples entre 2004 et 2005 et celle de Düsseldorf en 2006-2007, en oubliant toutefois celle de La Valette en 2007 et ensuite celle de Trapani en 2007-2008, sous le commissariat de Sir Denis Mahon). Mais c’est précisément pour cette raison qu’il aurait été préférable que l’exposition “détache” des autres les deux œuvres encore sub judice et sur lesquelles la journée d’étude organisée au Palazzo Barberini le 16 juin a particulièrement attiré l’attention : le Portrait de Maffeo Barberini, déjà connu des spécialistes pour avoir été publié en 1963 par Roberto Longhi dans la revue Paragone et prêté pour la première fois par une collection privée, et l’Ecce Homo trouvé à Madrid en 2021, pour la première fois en Italie. Ce dernier, dans la salle des œuvres à sujet religieux peintes entre Rome et Naples par Merisi à l’apogée de son succès, se distinguait cependant par sa position défilante, dans un coin. Une position qui ne semble pas plaider en faveur de l’attribution récente, déjà chancelante du fait que Pilate est presque juxtaposé au Christ, d’autant plus en présence de la solide construction spatiale de la Flagellation du Christ de Capodimonte placée à côté de lui.

Caravage, Le Bari (vers 1596-1597 ; huile sur toile, 94,2 x 130,9 cm ; Fort Worth (TX), Kimbell Art Museum, inv. AP 1987.06)
Caravage, Le Bari (vers 1596-1597 ; huile sur toile, 94,2 x 130,9 cm ; Fort Worth (TX), Kimbell Art Museum, inv. AP 1987.06)
Caravage, Les musiciens (vers 1595 ; huile sur toile, 92,1 x 118,4 cm ; New York, The Metropolitan Museum)
Caravage, Les musiciens (vers 1595 ; huile sur toile, 92,1 x 118,4 cm ; New York, The Metropolitan Museum)
Caravage, Sainte Catherine d'Alexandrie (vers 1598-1599 ; huile sur toile, 173 x 133 cm ; Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, inv. 81-1934.37)
Caravage, Sainte Catherine d’Alexandrie (vers 1598-1599 ; huile sur toile, 173 x 133 cm ; Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, inv. 81-1934.37)
Caravage, Conversion de Saul (1600-1601 ; huile sur panneau de cyprès, 237 × 189 cm ; Rome, collection Nicoletta Odescalchi)
Caravage, Conversion de Saul (1600-1601 ; huile sur panneau de cyprès, 237 × 189 cm ; Rome, collection Nicoletta Odescalchi)
Caravage, Portrait de Maffeo Barberini (vers 1598-1599 ; huile sur toile, 124 x 90 cm ; collection privée)
Caravage, Portrait de Maffeo Barberini (vers 1598-1599 ; huile sur toile, 124 × 90 cm ; collection privée)

Mais il faut arriver à la fin du parcours, dans la salle suivante, pour découvrir l’omission flagrante de l’exposition, où elle contredit ce qui était indiqué dans le communiqué de presse, selon lequel les quatre sections couvrent toute la parabole artistique de Merisi, de ses débuts romains en 1595 (et non plus en 1592, comme l’a reconstitué Rossella Vodret) jusqu’à sa mort à Porto Ercole en 1610. Dans cette quatrième et dernière salle consacrée à la dernière phase audacieuse de la vie de l’artiste, entre Malte, la Sicile et Naples à nouveau, il n’y a que trois œuvres : le Portrait d’un chevalier de Malte, Saint Jean-Baptiste et le Martyre de Sainte Ursule. Les peintures de la période sicilienne, qui, avec la période napolitaine plus tardive, constituent l’héritage le plus stimulant du Caravage, sont absentes. “Un chapitre de première importance dans l’art européen du XVIIe siècle”, souligne Giuseppe Porzio dans le catalogue.

Et de préciser que, dans ce cas, aucune situation gênante liée aux conditions de conservation des tableaux en question ne peut être invoquée pour justifier les défections. Le Seppellimento di Santa Lucia di Siracusa en 2020 est allé au Mart de Rovereto, lorsque l’Icr de Rome a vérifié la stabilité de ses conditions de conservation, compatibles avec le transport. En effet, la FEC, qui en est propriétaire, n’a pas hésité à envoyer la Flagellation de Naples à Rome.

Les deux chefs-d’œuvre du Museo Regionale Accascina de Messine ne sont pas non plus arrivés : l’Adoration des bergers et la Résurrection de Lazare. Le premier avait fait l’objet d’une restauration conservatrice, réalisée en “chantier ouvert” par l’ICR, Istituto Centrale per il Restauro, à Rome, entre septembre 2009 et février 2010, dans les espaces de la Chambre des députés, Via del Parlamento, pour être ensuite exposé lors de la grande exposition Caravage aux Scuderie del Quirinale, à l’occasion du 400e anniversaire de la mort de l’artiste. La seconde, en revanche, a été exposée au Museo di Roma au Palazzo Braschi en 2012, à la fin de la restauration, également réalisée par l’ICR, qui a duré sept mois. L’intervention précédente remontait à 1951, tandis que la nouvelle s’inscrivait dans le projet général de révision des restaurations effectuées par l’Institut depuis les années 1950, dans le but d’approfondir la recherche et de résoudre les problèmes qui n’avaient pas été résolus à l’époque. Ceci grâce à l’évolution des méthodes et des matériaux à utiliser pour le nettoyage, et à l’appui de méthodes analytiques qui n’étaient pas disponibles en 1951 ; des éléments qui ont permis d’obtenir des résultats et des connaissances approfondies et de redonner de la lisibilité à l’œuvre.

Nous en arrivons à aujourd’hui. Le 11 octobre 2024, le CRPR, Centre régional de planification et de restauration de Palerme, à la demande du directeur du musée de Messine de l’époque, Orazio Micali, a fourni un rapport sur l’état de conservation de la toile à la suite de l’inspection effectuée le 13 septembre par les techniciens du Centre et basée sur une analyse visuelle macroscopique. Le rapport indique, entre autres, que “les couches picturales apparaissent discrètement adhérentes et cohésives”, que “les interventions esthétiques de 2012 ne présentent aucune altération visible”, que “la toile présente une tension discrète et aucune ondulation ou déformation n’est visible”, et conclut que la toile se trouve dans “un état de conservation discret et ne nécessite pas actuellement d’intervention de restauration”. La seule suggestion, “pour un suivi correct dans le temps”, est "l’installation d’une structure d’ancrage mobile qui donnerait la possibilité d’inspecter périodiquement l’état de conservation du verso de l’ œuvre".

Caravage (attribué), Ecce Homo (huile sur toile, 111 x 85 cm ; Icon Trust)
Caravaggio (attribué), Ecce Homo (huile sur toile, 111 x 85 cm ; Icon Trust)
Caravage, Flagellation (1607 ; huile sur toile, 286 × 213 cm ; Naples, Museo e Real Bosco di Capodimonte, propriété du Fondo Edifici di Culto, Ministero dell'Interno)
Caravage, Flagellation (1607 ; huile sur toile, 286 × 213 cm ; Naples, Museo e Real Bosco di Capodimonte, propriété du Fondo Edifici di Culto, Ministero dell’Interno)
Caravage, Portrait d'un chevalier de Malte (huile sur toile, 118,5 x 6,5 cm ; Florence, galeries des Offices)
Caravage, Portrait d’un chevalier de Malte (huile sur toile, 118,5 × 6,5 cm ; Florence, Galerie des Offices)
Caravage, Saint Jean-Baptiste (1609-1610 ; huile sur toile, 152 x 125 cm ; Rome, Galleria Borghese). Photo : M. Coen
Le Caravage, Saint Jean-Baptiste (1609-1610 ; huile sur toile, 152 x 125 cm ; Rome, Galerie Borghèse). Photo : M. Coen
Caravage, Martyre de sainte Ursule (1610 ; huile sur toile, 143 x 180 cm ; Naples, Intesa Sanpaolo Collection, Gallerie d'Italia)
Caravage, Martyre de sainte Ursule (1610 ; huile sur toile, 143 x 180 cm ; Naples, Intesa Sanpaolo Collection, Gallerie d’Italia)

En résumé, même pour cette œuvre, il n’y avait pas de conditions “sanitaires” incompatibles avec son transport à Rome. D’ailleurs, la demande de rapport technique adressée par le musée de Messine au CRPR pour la seule Résurrection nous indique indirectement que l’intention première était d’accorder le prêt, même si ce n’était que pour cette toile (évidemment pour ne pas priver le musée des deux Caravaggio). Mais alors, pourquoi l’œuvre n’est-elle finalement pas partie ?

Des chefs-d’œuvre du Met de New York, de la Royal Collection de Londres et de la National Gallery of Ireland sont venus à Rome. Pas de Sicile, car les œuvres du Caravage font partie des 23 de la Région reconnues en 2013 comme inamovibles. Une règle voulue par le gouvernement Crocetta de l’époque dans un conflit avec certains musées américains pour fermer les robinets du prêt facile. C’est du moins ce que l’on a dit. En réalité, loin de “blinder les prêts”, la règle ne fait que desserrer les mailles du filet des prêts pour cette liste très limitée de biens identifiés à la Région. En fait, elle prévoit une dérogation qui déplace l’évaluation des questions spécialisées des techniciens vers le Conseil de gouvernement (nous avons déjà traité à plusieurs reprises de l’“atypisme” de la réglementation sicilienne en matière de prêts). En d’autres termes, il est laissé à la discrétion de conseillers tels que ceux de la Santé, de la Famille ou de l’Agriculture, de déterminer si un film pictural fragile peut faire un voyage. Cela s’est déjà produit : en 2016, le Conseil a passé outre l’avis du directeur du Palazzo Abatellis à Palerme pour donner le feu vert au prêt de l’Annonciation d’ Antonello da Messina, une œuvre qui figure également sur cette liste. Le conseiller pour les biens culturels et l’identité sicilienne, Francesco Scarpinato, a donc bien fait d’inverser la tendance et de ne pas priver, par des raccourcis, le musée de Messine de ses chefs-d’œuvre identitaires qui, à eux seuls, valent la peine d’être visités.

Sinon, si la législation régionale avait été alignée sur la législation nationale, un témoin de l’île aurait rendu un bon service à la cause romaine, où l’on ressent l’absence de cette nouvelle vision choquante mûrie par le Caravage pendant l’intervalle sicilien.


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