La "Nouvelle Renaissance" n'est pas un slogan. Quel sens donner à cette expression ?


La rhétorique de la "Nouvelle Renaissance" fait rage dans la presse et dans les discours des hommes politiques. Mais suffit-il d'invoquer une "Nouvelle Renaissance" en espérant qu'elle se concrétise? Peut-on mieux définir cette expression?

Après ce désert, une nouvelle renaissance de la culture nous attend", espérait il y a quelques jours le ministre Dario Franceschini, saisissant l’urgente nécessité collective de recommencer à écouter des concerts et à aller au théâtre. En effet, même parmi les amis qui n’allaient jamais au théâtre à l’époque d’Avanti Covid, ce désir émerge avec de plus en plus d’intensité lors de nos appels de plus en plus rares. Malheureusement, ce ne sera pas le 27 mars, comme nous l’espérions, en raison de l’aggravation de la pandémie. Il ne nous reste plus qu’à essayer de profiter de cette nouvelle suspension pour relancer une discussion sur les formes que pourrait prendre cette Nouvelle Renaissance lorsque nous reprendrons enfin. Nouvelle Renaissance est sans doute une expression très utilisée, avec des significations différentes, au point qu’elle risque de devenir un slogan vide de sens et de sensualité. Pourtant, précisément en raison de sa grande capacité d’évocation, je crois qu’il est important d’essayer de comprendre quelles familles de sens il faut lui attribuer, autour desquelles il faut reconstruire des communautés, pas seulement culturelles. Pour ce faire, il est utile, tout d’abord, de partir d’un tour d’horizon des citations dans lesquelles il a été invoqué.

"En Arabie, la nouvelle renaissance" (Matteo Renzi, sénateur)

Comment ne pas commencer par cette citation récente, selon laquelle le sénateur considère le royaume saoudien comme le candidat le plus apte à faire écho aux gloires de la période historique en question. Bien que le roi réalise de puissants investissements infrastructurels, il réédite également des pratiques qui relèvent davantage de la Renaissance elle-même que d’une réinterprétation contemporaine de celle-ci, poursuivant la chasse aux sorcières que l’Occident a abolie il y a des siècles et qui, semble-t-il, est toujours profondément à la mode en Arabie saoudite, à commencer par l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi.

"Pournotre pays, l’arrivée d’opérateurs économiques, publics et privés, qui opèrent dans le secteur culturel, serait particulièrement significative et pourrait être le premier pas d’une nouvelle renaissance économique, sociale et culturelle de l’Italie" (Tiziano Onesti, IlSole24Ore).

Onesti, dans cet article d’avril 2020, s’inquiétait à juste titre de la survie des cinémas, des théâtres et des musées grâce aux rafraîchissements censés les aider jusqu’à la fin de la pandémie, mais on ne voit pas comment cette intervention de l’État dans les infrastructures culturelles, bien que nécessaire, pourrait déclencher une quelconque nouvelle renaissance. La Renaissance n’est pas et n’a pas été faite de palais et de peintures, d’actifs infrastructurels et d’opulence, mais elle est, inéluctablement, la valorisation des compétences humaines qui opèrent dans les infrastructures, ce que ceux qui parlent de culture oublient souvent, se concentrant sur la préservation et le remodelage des splendeurs anciennes.

Ce pays doit sortir du Moyen-Âge et vivre une nouvelle Renaissance" (Luca Zaia, président de la région Vénétie)

L’expression Nouvelle Renaissance est redevenue particulièrement à la mode avec l’arrivée du nouveau Premier ministre Mario Draghi, manifestement considéré par de nombreux hommes politiques comme le nouveau Laurent le Magnifique. Il semble que l’on confonde souvent Renaissance et Résurgence ou Résurrection. Nous parlons de la Renaissance comme de quelque chose qui descendrait d’en haut, grâce à un nouvel homme politique, à une nouvelle découverte scientifique, à une nouvelle aide économique massive. Pourquoi l’une de ces variables pourrait-elle récupérer, comme un deus ex machina, l’héritage encore vivant d’une histoire vieille de plusieurs siècles, si nous n’essayons pas de comprendre ce qui, dans cette histoire, a rendu cette période si spéciale ?

"Avec Mario Draghi, une nouvelle Renaissance" (Federico Marchetti, fondateur de Yoox Net-a-porter)

Certains entrepreneurs utilisent également l’expression Nouvelle Renaissance, liée dans ce cas à la méritocratie et au travail. Deux caractéristiques indispensables au progrès, mais aussi au développement hyperlibéral ou à toute forme de renaissance après une pandémie. Dans ce cas, comme dans celui du président de la région de Vénétie, la citation se réfère probablement à une renaissance générique et indispensable, qui doit cependant être déclinée avec des valeurs qui vont au-delà de l’efficience. Il ne suffit pas de produire, il ne suffit pas de consommer, nous devons comprendre comment le faire d’une manière socialement et économiquement durable.

Ottavio Vannini, Michel-Ange montre à Laurent le Magnifique la tête de faune (1638-1642 ; fresque ; Florence, Palazzo Pitti, Sala di San Giovanni)
Ottavio Vannini, Michel-Ange montre à Laurent le Magnifique la tête du Faune (1638-1642 ; fresque ; Florence, Palazzo Pitti, Sala di San Giovanni)

Comment la musique va-t-elle évoluer après le Coronavirus? J’espère, j’en suis même sûr, que nous serons confrontés à une nouvelle Renaissance, à une véritable révolution. Nous sommes aujourd’hui habitués à des formes “amusantes”, à une quasi absence de son. Car au-delà des modes, ce qui survit, c’est la mélodie et l’harmonie. Il ne suffit pas de parler sur un monocorde. J’espère que nous pourrons rééduquer les nouvelles générations aussi en enseignant la musique classique dans les lycées" (Sergio Cammariere, chanteur)

Même les artistes parlent parfois de la Nouvelle Renaissance. Pas toujours, cependant, pour nous rappeler que Léonard de Vinci, tout en peignant la Joconde, dessinait les Navigli à Milan, en travaillant avec les artisans les plus disparates dans les ateliers ; parfois, comme dans ce cas, la Nouvelle Renaissance est même citée comme une révolution espérée qui chasserait enfin le piège et ramènerait les mélodies que nous connaissons tous, qui rassurerait nos esprits éprouvés avec des confirmations constantes du déjà connu.

Partant duprincipe que la majorité des Italiens ignorent leurs origines culturelles, le Rinascimento [son mouvement politique, ndlr] tend à élever la société en lui faisant prendre conscience qu’elle est l’enfant d’esprits géniaux tels que Michel-Ange, Léonard, Raphaël et tous les maîtres qui ont vécu dans la période historique qui a le plus exalté et promu le concept de Beauté, la Renaissance ".

En parlant de la Nouvelle Renaissance, on ne peut pas ne pas mentionner l’un des critiques d’art les plus prolifiques et les plus présidentiels, qui en a même fait un mouvement politique. Dans ses propos, on sent le poids d’une histoire qui ne sert pas à comprendre le présent, mais plutôt à nous faire sentir ignorants. On parle de la beauté comme s’il s’agissait d’une propriété innée de la matière, et non d’une perception négociée, partagée, transformée au fil des siècles. On prétend que la beauté a des canons universellement et intemporellement reconnus, sans considérer que, si les œuvres d’art de la Renaissance ont tant influencé les générations successives du monde entier, ce n’est pas parce que les Quatre Tortues Ninja (du nom des créateurs américains de bandes dessinées, fascinés par leurs vacances à Florence) ont réussi à trouver la formule magique d’une esthétique objective, mais parce qu’elles font partie du patrimoine culturel mondial.Ils ont réussi à trouver la formule magique d’une esthétique objective, mais aussi parce qu’ils faisaient partie d’un système social qui ne donnait pas à l’art le rôle d’une fioriture, mais lui attribuait la capacité d’ouvrir des fenêtres sur d’autres mondes, de raconter facilement des histoires complexes, d’expérimenter de nouveaux matériaux, à tel point que chacun de ceux qui sont entrés en contact avec les protagonistes de cette révolution a souhaité faire partie de cette communauté.

"Nous sommes appelés à une nouvelle Renaissance. Les choses ne doivent pas redevenir ce qu’elles étaient: elles doivent être meilleures. Un pays civilisé doit protéger tout le monde, en particulier les personnes les plus fragiles: les personnes âgées et les handicapés" (Flavio Insinna, animateur de télévision).

Terminons ce premier tour d’horizon des citations avec celle-ci, exprimée sur Domenica In, qui confirme sans l’ombre d’un doute que le Nuovo Rinascimento est un archétype de notre imaginaire, de l’ADN italien, avec un pouvoir de perturbation tel qu’il est cité même dans un programme de popularité nationale.

Mais ceux que nous venons d’énumérer sont-ils les significations du Nuovo Rinascimento dont nous avons besoin pour un redémarrage beau, durable et inclusif ?

Probablement pas, car ils n’ont pas grand-chose à voir avec ce que nous considérons comme la force motrice de l’innovation qui a caractérisé la Renaissance et que nous retrouvons dans les mots d’Ursula Von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui choisit un autre slogan et un autre mouvement culturel, probablement plus proche de ses origines, pour défendre son point de vue: le Bauhaus.

"Le nouveau Bauhaus européen veut être un pont, un pont entre, d’une part, le monde de la science et de la technologie et, d’autre part, le monde des arts et de la culture, c’est une nouvelle esthétique de l’accord vert européen qui combine le bon design et la durabilité .Le Bauhaus européenvise à rapprocher l’accord vert européen de l’esprit des gens et de leurs foyers, au point de rendre tangibles le confort et l’attrait d’un mode de vie durable. Le Bauhaus européen démontrera que le nécessaire peut aussi être beau".

Cette citation, contrairement aux autres, n’appelle aucun commentaire, car elle constitue un argument clair et radical sur le sens à donner à la nouvelle donne qu’il envisage. Comme pour la Renaissance, la référence au New Bauhaus a également déclenché quelques controverses, comme par exemple le fait qu’il s’agissait d’une école misogyne. Les références au passé, bien sûr, sont toujours insidieuses (la comparaison que les activistes font souvent avec les statues de célébration, tantôt les re-signifiant par des gestes artistiques, tantôt les niant par leur destruction, nous le rappelle) mais elles ne peuvent être effacées, car elles sont notre patrimoine commun, celui grâce auquel nous sommes ce que nous sommes, dans lequel il y a beaucoup de choses à reconnaître et à valoriser. On peut certes mettre en lumière toutes les contradictions qui ont existé dans tout mouvement pour comprendre ce que l’on peut faire de mieux. On ne peut nier, d’autre part, qu’un imaginaire collectif ne se construit jamais à partir de rien, mais s’élabore en dialectique avec le passé.

Même la Renaissance peut donner lieu à une critique révisionniste. Par exemple, dans le fort changement de paradigme qui a placé l’homme au centre, après des années où la loi divine avait eu le dessus sur tous les choix, on a également jeté les bases d’une culture qui certifie la séparation nette entre l’homme et la nature et qui doit être radicalement révisée: nous nous sommes en effet illusionnés pendant des siècles sur la possibilité pour l’homme d’imprimer sa main sur le reste de la création en tant qu’Homo Faber, une approche dont nous payons encore les conséquences aujourd’hui. Il y a cependant beaucoup d’autres références fructueuses auxquelles nous pouvons nous référer pour donner du sens à ce slogan, comme la valorisation des processus collaboratifs, l’affaiblissement de la rhétorique hiérarchique entre connaissances scientifiques et humanistes, la perception de l’art comme instrument de progrès économique et social, l’attention au rôle de l’individu en tant qu’agent de transformation ou l’esprit d’entreprise, pour n’en citer que quelques-uns.

En effet, au-delà de la rhétorique, nombreux sont ceux qui ont tenté de redéfinir la Nouvelle Renaissance de manière plus complexe. Par exemple :

"Si nous avons maintenu la division du système culturel entre l’humanisme et la science, cette division n’existe plus dans les faits. Nous devons saisir l’opportunité extraordinaire de la pandémie qui nous a fait prendre conscience que la science et l’humanisme ne font qu’un. Une nouvelle Renaissance? Oui, où la science converge fortement avec le côté humaniste" (Paolo Verri, directeur de Matera 2019)

Cet “espace intermédiaire” devra être repensé comme nécessairement flexible, adaptatif, non rigide, suivant les personnes dans leurs mouvements sans renoncer à la socialité, une nouvelle forme de dialogue entre les choses, les maisons, les personnes et les actions, une conversation [...] Et cette compréhension, ce dévoilement est une action propre à l’art, qui a toujours enlevé le voile de la réalité: La créativité sera donc l’anti-fragilité, la réaction qui déclenchera une nouvelle Renaissance. Et en cela, les Italiens ont toujours été un modèle, ils savent comment concevoir élégamment le changement, comment déclencher ce processus qu’est la culture. (Daniela Cavallo, professeur de marketing territorial à l’université de Vérone)

"Une nouvelle renaissance du pays qui se fonde sur une grande action de réaménagement et de régénération culturelle des lieux où nous vivons et travaillons, où nous nous formons ou faisons de la culture, en favorisant et en encourageant toutes les actions et tous les travaux qui peuvent garantir, à certains moments et selon un programme pluriannuel, l’établissement d’une vision collective visant à augmenter continuellement la sécurité, la salubrité, l’espace de vie, la verdure, la mobilité: une nouvelle façon de vivre et de penser, en somme. "( Fabrizio Cola, responsable des relations institutionnelles UMAN-ANIMA Confindustria)

Il ne suffit pas d’invoquer une nouvelle renaissance dans l’espoir qu’elle se matérialise sur nos lieux de travail et dans nos maisons, mais il est important de commencer à remplir ce slogan de significations partagées afin qu’il devienne une référence claire sur laquelle fonder les politiques de l’Union européenne de la prochaine génération italienne, en le faisant transcender l’enfermement de la culture avec un c minuscule pour lui permettre d’informer tous les raisonnements sur l’avenir du pays.


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