Giovanni Antonio Cybei enfin: la première exposition monographique du grand sculpteur oublié


Compte rendu de l'exposition "Giovanni Antonio Cybei e il suo tempo", à Carrare, dans différents lieux, du 9 juillet au 10 octobre 2021.

Après des années d’attente, Carrare accueille enfin la première exposition monographique sur Giovanni Antonio Cybei (Carrara, 1706 - 1784), l’un des plus grands artistes que la ville ait produit, et qui n’avait jamais pu se vanter d’une exposition rien que pour lui (à l’exception du petit focus sur les deux bustes de la Biblioteca Estense qui se tiendra fin 2019 à la Galleria Estense de Modène): Un sculpteur oublié, donc, et récemment sorti de l’oubli grâce surtout aux études d’Andrea Fusani, le plus grand spécialiste de Cybei, à qui il faut reconnaître le mérite d’avoir à nouveau éveillé l’attention des critiques autour d’un sculpteur qui fut l’un des plus recherchés dans les cours européennes du XVIIIe siècle. L’exposition Giovanni Antonio Cybei et son temps, organisée par Gerardo De Simone et Luciano Massari, assistés d’un comité scientifique composé de nombreux experts en sculpture des XVIIe et XVIIIe siècles (dont Fusani lui-même), est également le fruit de ce précieux processus de redécouverte, qui a redonné à l’artiste toute sa grandeur.

Une exposition troublée, cependant, qui aurait dû clôturer les célébrations du 250e anniversaire de la fondation de l’Accademia di Belle Arti di Carrara (Cybei fut le premier directeur de l’institut), mais qui s’est retrouvée au milieu de la tempête Covid et a dû être reportée pendant de nombreux mois. L’un d’entre eux, le CARMI - Museo Carrara e Michelangelo, un objet bizarre encore à la recherche d’une identité propre, semble encore inadapté à l’accueil d’expositions de haut niveau comme celle sur Cybei, en partie à cause de la cohabitation forcée avec la maladroite collection permanente qui entend illustrer le lien entre Carrare et Michel-Ange, en partie à cause de l’inconfort objectif du lieu, et en partie parce qu’il y a peu de salles et que lorsque les expositions commencent à être plus nombreuses, il y a un risque d’engorgement: à cet égard, le visiteur évalue la belle exposition Goya Boucher Ricci Batoni et les maîtres du XVIIIe siècle dans les villes de Cybei, qui dispose de splendides pièces de peinture du XVIIIe siècle pour encadrer l’exposition Cybei, mais qui souffre de les voir sacrifiées sur des lambris oppressants, placés au centre des salles pour créer des couloirs exigus, car une pièce de l’exposition Cybei devait être installée dans les salles adjacentes, la municipalité étant l’un des organismes promoteurs et réalisateurs (et donc mue par le désir d’accueillir une section dans l’une de ses installations) mais n’ayant pas d’autre lieu adéquat à cet effet pour le moment.

Toutefois, si l’on s’attache à dépasser, au moins dans l’esprit, les craintes liées aux obstacles logistiques qui morcellent l’exposition dans un trop grand nombre de salles, on pourra dire que l’exposition repose sur un projet solide et qu’elle répond aux attentes, d’autant plus qu’il s’agit d’une des rares expositions de sculpture du XVIIIe siècle (celle qui précède Canova, bien sûr) non pas dans la région, mais dans l’ensemble de l’Italie. Le parcours, qui comprend une centaine d’objets (sculptures, peintures, documents, volumes, dessins et gravures), des œuvres de Cybei et d’autres artistes, suit une double scansion chronologique et thématique, reconstituant la biographie du sculpteur de Carrare et les principaux axes de son art, et se recoupant au fur et à mesure de l’avancement du parcours, pour se conclure, dans la quatrième salle, par une annexe documentaire intéressante et plaisante.

Salle d'exposition Giovanni Antonio Cybei et son époque
Salle d’exposition Giovanni Antonio Cybei et son époque
Salle d'exposition Giovanni Antonio Cybei et son époque
Salle d’exposition Giovanni Antonio Cybei et sontemps
Salle d'exposition Giovanni Antonio Cybei et son époque
Salle d’exposition Giovanni AntonioCybei et son temps

L’exposition commence par les deux sections aménagées au CARMI: la première introduit le public au thème de la formation de Cybei, passée sous l’égide de Giovanni Baratta, l’un des plus grands sculpteurs de Carrare au début du XVIIIe siècle (contexte d’ailleurs évoqué par un plan de la ville daté de 1822: à l’époque, les grandes transformations de la vieille ville au XIXe siècle n’avaient pas encore commencé et le tracé urbain n’était pas très différent de celui du début du XVIIIe siècle), qui tenait son atelier au Baluardo, un quartier de la ville encore fréquenté aujourd’hui par les artistes et les artisans du marbre. Le maître est présent avec l’une de ses sculptures les plus importantes, l’Hercule au lion de Némée, prêtée par la collection Giovanni Pratesi de Florence: une œuvre très réussie, que Baratta a reproduite pour plusieurs commanditaires. La présence de Giovanni Baratta revêt une importance toute particulière parce qu’il a été le premier sculpteur d’envergure internationale dans l’histoire à tenir un atelier à Carrare: un fait qui peut sembler singulier si l’on pense que le marbre des Apuanes est exploité sans interruption depuis le XIIe siècle (au début du Moyen-Âge, l’exploitation des carrières s’est longuement arrêtée) et que la plupart des sculptures en marbre produites depuis cette époque ont pris forme à partir d’un bloc provenant des montagnes situées derrière la ville. Le fait est que Carrare n’a jamais réussi à développer une culture artistique propre et que les artistes nés dans la région ont préféré émigrer: avec Baratta, représentant d’une dynastie de sculpteurs (son grand-père Francesco était le collaborateur du Bernin: le Rio della Plata de la Fontaine des fleuves est de lui), Carrare a vu naître le premier artiste de niveau européen à s’installer dans la ville.

Un témoignage qui sera repris par Cybei, avec lequel nous commençons à nous familiariser dans la section suivante, qui est thématique: elle est entièrement consacrée à la production sacrée du sculpteur. Nous commençons par l’une de ses œuvres les plus connues, l’Immaculée Conception raffinée, commencée par un Cybei de 35 ans (mais probablement achevée beaucoup plus tard) pour l’oratoire privé d’un habitant du centre ville, Francesco Ubaldo Berrettari (elle est aujourd’hui conservée dans la chapelle de l’Ospedale Civico di Carrara: une descendante du commanditaire, Marianna Berrettari, en a fait don à l’hôpital en 1876). Sculpture fondamentale dans la carrière de Cybei, elle est l’apogée de sa première production, dans le style baroque tardif: une Vierge couverte de voiles flottants, se balançant dans tous les sens, liée par affinité de goût à la Madone de la Miséricorde voisine, œuvre du Génois Francesco Maria Schiaffino trente ans plus tard, ainsi qu’à une Nativité de la Vierge sur toile de Corrado Giaquinto, arrivée des Offices pour montrer au visiteur comment Cybei, pendant ses deux années à Rome (entre 1750 et 1752), avait travaillé en tant qu’apprenti dans l’atelier du peintre apulien. En revenant quelques décennies en arrière, on arrive au Saint Jean-Baptiste de 1771, restauré pour l’occasion: une œuvre moins exubérante que la Conception du jeune homme, elle est un exemple éloquent, avec ses formes plus calmes et composées, de la phase tardive de la sculpture de Cybei. Entre les deux, il y a le Cybei monumental, représenté dans l’exposition par le modèle en terre cuite des deux putti tenant les armes de Pise, inséré dans l’un des monuments les plus photographiés au monde aujourd’hui: la fontaine des Putti de Pise, qui se dresse en face de la Tour, sur la place des Miracles.

Giovanni Baratta, Hercule et le lion de Némée (vers 1709 ; marbre statuaire, hauteur d'environ 200 cm ; Florence, collection Giovanni Pratesi)
Giovanni Baratta, Hercule et le lion de Némée (vers 1709 ; marbre statuaire, hauteur d’environ 200 cm ; Florence, collection Giovanni Pratesi)
Carte de Carrare (1822 ; Massa, Archives d'État)
Carte de Carrare (1822 ; Massa, Archives de l’État)
Giovanni Antonio Cybei, Immaculée Conception (après 1741 [1757] ; sculpture statuaire en marbre, 123 x 36 x 30 cm ; Carrare, ancien Ospedale Civico, Azienda USL Toscana Nord-Ovest)
Giovanni Antonio Cybei, Immaculée Conception (après 1741 [1757] ; sculpture statuaire en marbre, 123 x 36 x 30 cm ; Carrare, ancien Ospedale Civico, Azienda USL Toscana Nord-Ovest)
Giovanni Antonio Cybei, Saint Jean Baptiste (1771 ; sculpture statuaire en marbre, 132 x 53 cm ; Volterra, Baptistère)
Giovanni Antonio Cybei, Saint Jean-Baptiste (1771 ; sculpture statuaire en marbre, 132 x 53 cm ; Volterra, Baptistère)
Giovanni Antonio Cybei, Putti tenant les armoiries de la ville de Pise et l'Opera del Duomo (1763 ; modèle en terre cuite, 57 x 30 x 19 cm ; Pise, Opera della Primaziale Pisana)
Giovanni Antonio Cybei, Putti tenant les armes de la ville de Pise et l’Opera del Duomo (1763 ; modèle en terre cuite, 57 x 30 x 19 cm ; Pise, Opera della Primaziale Pisana)

Nous passons ensuite à la deuxième salle, celle du Palais Binelli, réservée au portraitiste Cybei: le buste en marbre est le genre dans lequel l’artiste apuanais a été le plus prolifique, et son talent est bien présenté au public dès la première salle, qui aligne trois portraits de Maria Teresa Cybo d’Este. Le premier est le buste en terre cuite exécuté en direct à Modène pendant l’hiver 1774, peut-être la preuve la plus étonnante de la maîtrise de Cybei en matière de portrait, brillant par sa capacité à pénétrer l’expression de la duchesse, par le naturel de l’attitude, par la virtuosité des plis abondants mais légèrement tombants: conservé à l’Académie des Beaux-Arts de Carrare, c’est l’une des meilleures sculptures conservées dans la ville, même si elle est peu connue à l’extérieur. Les deux autres portraits qui l’encadrent sont des œuvres de Pietro Stagi, élève de Cybei, et de Roberto Micheli Pellegrini: aucun d’entre eux n’arrive à approcher la fraîcheur et la spontanéité de la Marie-Thérèse du maître. L’image de Marie-Thérèse codifiée par Cybei connaîtra une fortune considérable, comme en témoignent les médailles portant à l’avers le portrait de la souveraine de Massa et Carrara, fondatrice de l’Académie des Beaux-Arts locale. Et pour ne pas s’éloigner de la cour ducale, le public a également l’occasion d’admirer, dans la même salle, une pièce singulière et inédite, découverte lors de l’organisation de l’exposition: un sceptre Cybo Malaspina d’Este, fruit de l’assemblage d’éléments provenant de différents ateliers, sur le pommeau duquel figurent, au XVIIIe siècle, les armoiries de la famille qui gouvernait le petit duché au pied des Alpes apuanes, ainsi que le symbole de la roue de Carrare.

Une fois le focus sur Marie-Thérèse terminé, la scène du Palazzo Binelli réserve deux autres salles au genre du portrait en buste, présentant également quelques-unes des dernières acquisitions autour de Cybei: les portraits de Pompeo Neri et de Giovanni Bonaventura Neri Badia de la collection Cavallini Sgarbi sont ainsi présentés côte à côte, d’une extrême finesse en termes de qualité et d’exécution (à noter le jabot de Giovanni Bonaventura, l’un des plus admirables morceaux de virtuosité de toute la sculpture du XVIIIe siècle): les deux représentés, deux des juristes les plus distingués de la Toscane du XVIIIe siècle, respectivement fils et père, ont été récemment identifiés par Andrea Fusani dans ces pages et exposés en tant que tels pour la première fois lors de l’exposition de la collection Cavallini Sgarbi qui s’est tenue au Castello Estense de Ferrare entre 2018 et 2019 (Vittorio Sgarbi les considère également parmi les pièces les plus précieuses de sa collection). L’exposition ne pouvait pas ne pas inclure les portraits contemporains de Carlo Sigonio et Ludovico Antonio Muratori, commandés à l’artiste en 1774, qui démontrent que Cybei s’est également frotté avec profit au genre du portrait idéal: pour donner forme aux visages des deux hommes de lettres, le sculpteur s’est inspiré d’un portrait de Lavinia Fontana pour celui de Sigonio, et d’une gravure d’Angela Tormanini et de Pietro Monaco pour celui de Muratori. C’est l’un des moments les plus intéressants de l’exposition: en effet, les ébauches définitives en marbre des deux portraits et les modèles en terre cuite proviennent de la Galleria et de la Biblioteca Estense de Modène, ce qui fait de cette exposition une occasion rare de les voir ensemble. L’exposition présente également d’autres portraits de Cybei, ainsi que des œuvres de ses élèves: en particulier, le vif San Valeriano de Michelangelo Borghi, peint lorsque l’artiste originaire de Carpi était encore étudiant.

Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Maria Teresa Cybo d'Este (1774 ; buste en terre cuite avec base en plâtre, 26 x 43 x 65 cm ; Carrare, Accademia di Belle Arti)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Maria Teresa Cybo d’Este (1774 ; buste en terre cuite avec base en plâtre, 26 x 43 x 65 cm ; Carrare, Académie des beaux-arts)
Pietro Stagi, Portrait de Maria Teresa Cybo d'Este (1791 ; buste en marbre statuaire avec base en portoro, hauteur 80 cm ; Reggio Emilia, Basilica della Beata Vergine della Ghiara)
Pietro Stagi, Portrait de Marie-Thérèse Cybo d’Este (1791 ; buste en marbre statuaire avec base en portoro, hauteur 80 cm ; Reggio Emilia, Basilique de la Beata Vergine della Ghiara)
Portraits de Sigonio et Muratori
Portraits de Sigonio et Muratori
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Carlo Sigonio (1774 ; buste en marbre statuaire, base en marquina noire, 94 x 63 x 31 cm ; Modène, Biblioteca Estense Universitaria)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Carlo Sigonio (1774 ; buste en marbre statuaire, base en marquina noire, 94 x 63 x 31 cm ; Modène, Biblioteca Estense Universitaria)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Ludovico Antonio Muratori (1774 ; buste en marbre statuaire, base en marquina noire, 93 x 66 x 36 cm ; Modène, Biblioteca Estense Universitaria)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Ludovico Antonio Muratori (1774 ; buste en marbre statuaire, socle en marquina noir, 93 x 66 x 36 cm ; Modène, Biblioteca Estense Universitaria)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Giovanni Bonaventura Neri Badia (1771 ; buste en marbre statuaire, 74 x 70 x 30 cm ; Ferrare, collection de la Fondation Cavallini Sgarbi)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Giovanni Bonaventura Neri Badia (1771 ; buste en marbre statuaire, 74 x 70 x 30 cm ; Ferrare, Collection de la Fondation Cavallini Sgarbi)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Pompeo Neri (1771 ; buste en marbre statuaire, 79 x 70 x 35 cm ; Ferrare, collection de la Fondation Cavallini Sgarbi)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Pompeo Neri (1771 ; buste en marbre statuaire, 79 x 70 x 35 cm ; Ferrare, Collection Fondation Cavallini Sgarbi)

Nous poursuivons notre chemin le long de la Via Verdi jusqu’à la troisième étape, le Palazzo Cucchiari, où une trentaine de pièces réparties en deux sections reconstituent, d’une part, les événements entourant le portrait que le grand-duc Pietro Leopoldo de Lorraine commanda à Cybei à l’automne 1769 et, d’autre part, les événements nettement plus tourmentés entourant le monument équestre de Francesco III d’Este, duc de Modène et de Reggio. Dans la première section, la seule œuvre de Cybei est le portrait du grand-duc de Toscane, prêté par le Museo Nazionale di Palazzo Reale de Pise, une œuvre très appréciée et exposée avec une théorie de portraits du souverain, dont un en plâtre du romain Innocenzo Spinazzi, rival de Cybei, qui n’a cependant pas réussi à obtenir le succès de son adversaire, même si son portrait (celui en plâtre exposé est une copie de celui en marbre de la Galleria Palatina de Palazzo Pitti) a connu une certaine fortune. En lien avec la dernière section (en annexe au chapitre sur les bustes-portraits de Palazzo Binelli), une paire de bustes en marbre représentant deux enfants, récemment réapparus d’une collection privée anglaise et vendus par Sotheby’s en 2003 pour plus de 44 000 £ (l’estimation la plus haute était de 10 000 £), pour lesquels une attribution à Cybei a été formulée: nous ne savons pas qui sont les personnages, mais sur la base apparaissent les initiales (“A.C.L.” la fille, “E.C.L.” son frère), l’âge (elle a quatre ans, il en a six), la date (1763) et les armoiries (avec un serpent et une colombe, rappelant le célèbre simulacre évangélique, et un casque, semblable à celui des baronnets anglais, bien qu’il soit plus probable, étant donné le passé professionnel de Cybei, que les deux enfants soient d’origine allemande ou d’Europe centrale). Peut-être qu’un passionné d’héraldique pourra trouver un nom possible.

La deuxième section du Palais Cucchiari retrace l’histoire du monument équestre de François III d’Este, commandé à Cybei en 1772 et érigé en 1774 sur la place Sant’Agostino, devant l’Ospedale degli Infermi e degli Incurabili et l’Albergo dei Poveri, aujourd’hui Palazzo dei Musei et siège de la Galleria Estense: il s’agissait de deux institutions pour les nécessiteux récemment fondées par le souverain de Modène et de Reggio. La statue équestre n’a pas duré longtemps: elle a en effet été détruite lors des soulèvements révolutionnaires de 1796. L’exposition en retrace toutes les étapes, de la conception à la destruction: on suit la proposition de Cybei (une feuille écrite à l’encre le 30 mars 1772, sur laquelle l’artiste esquisse le projet), on lit le cahier des charges pour son exécution, signé par le gouverneur Munarini, représentant du duché, et par le sculpteur, on voit l’esquisse en terre cuite (le seul témoignage existant de l’élaboration du monument: il a été modelé au printemps 1772), le moulage en plâtre conservé à l’Académie des Beaux-Arts de Carrare (c’est l’une des rares œuvres qui permettent de reconstituer avec une certaine précision le monument détruit). Des gravures et des peintures (comme l’huile sur toile de Giuseppe Maria Soli datée d’environ 1780) représentent la place avec le monument équestre en son centre avant qu’il ne soit abattu: la fin dramatique de l’œuvre qui devait célébrer le duc est attestée par le seul fragment de la statue qui subsiste, le pied droit, prêté par le Museo Civico d’Arte di Modena.

Le parcours se termine à l’Académie des Beaux-Arts, dans une salle où a été aménagée une agréable annexe documentaire qui, contrairement à de nombreuses sections similaires dans d’autres expositions, est organisée de manière à ne pas ennuyer le public, avec seulement quelques objets, chacun d’entre eux étant utile à son objectif, à savoir la reconstitution du contexte historique, culturel et social dans lequel Cybei a travaillé. Dans les vitrines se succèdent des documents qui relient plusieurs fils de l’histoire de Carrare: de la fondation de l’Académie des Beaux-Arts aux livres qui reconstituent les milieux culturels de Carrare à l’époque (dont une rare édition de 1782 de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alambert, l’édition de Lucques, la première imprimée en Italie, qui fait partie du patrimoine de l’Académie depuis 1782), du travail dans les carrières et dans les ateliers de sculpture aux vicissitudes personnelles de Cybei. Une lettre du 18 août 1783, envoyée par le sculpteur à l’abbé Angelo Mussi, dans laquelle se détache une note amère sur la ville: “Je renonce volontiers à ce que peut me donner ma patrie, qui a été pour moi plutôt une marâtre qu’une mère, et dont je n’ai reçu que de l’air”.

Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Pietro Leopoldo d'Asburgo-Lorena, Grand Duc de Toscane (1771 ; buste en marbre statuaire, 77 x 70 x 45 cm ; Pise, Museo Nazionale di Palazzo Reale, Direzione Regionale Musei della Toscana)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait de Pietro Leopoldo de Habsbourg-Lorraine, grand-duc de Toscane (1771 ; buste en marbre statuaire, 77 x 70 x 45 cm ; Pise, Museo Nazionale di Palazzo Reale, Direzione Regionale Musei della Toscana)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait d'une fille et Portrait d'un garçon (1763 ; marbre, hauteur 59 et 66 cm ; Royaume-Uni, Collection privée)
Giovanni Antonio Cybei, Portrait d’une fille et Portrait d’un garçon (1763 ; marbre, hauteur 59 et 66 cm ; Royaume-Uni, Collection privée)
Giovanni Antonio Cybei, Modèle de la statue équestre du duc François III d'Este (1772 ; esquisse en terre cuite, 19,50 x 12,50 x 5 cm ; collection privée)
Giovanni Antonio Cybei, Modèle de la statue équestre du duc François III d’Este (1772 ; esquisse en terre cuite, 19,50 x 12,50 x 5 cm ; Collection privée)
Giovanni Antonio Cybei, Statue équestre du duc Francesco III d'Este (1772 ; modèle en plâtre, 60 x 25 x 60 cm ; Carrare, Accademia di Belle Arti)
Giovanni Antonio Cybei, Statue équestre du duc François III d’Este (1772 ; modèle en plâtre, 60 x 25 x 60 cm ; Carrare, Accademia di Belle Arti)
Giuseppe Maria Soli, Piazza Sant'Agostino à Modène avec le monument équestre du duc Francesco III d'Este (vers 1780 ; huile sur toile, 73 x 100 cm ; Milan, Pinacoteca del Castello Sforzesco)
Giuseppe Maria Soli, Piazza Sant’Agostino in Modena with the Equestrian Monument to Duke Francesco III d’Este (vers 1780 ; huile sur toile, 73 x 100 cm ; Milan, Pinacoteca del Castello Sforzesco)

Le public désireux de compléter sa connaissance du “vaillant sculpteur de Carrare”, comme l’appelait Gerolamo Tiraboschi, son premier biographe, pourra élargir le contenu de Giovanni Cybei et de son époque en visitant les œuvres de l’artiste qui subsistent dans la région: la Madone du Rosaire, une merveilleuse machine processionnelle de jeunesse qui se trouve dans la cathédrale de Carrare et qui a été récupérée en 2017 après une restauration longue et compliquée qui l’a rachetée du lourd état de dégradation et d’abandon dans lequel elle se trouvait, puis l’Autel de la Rédemption également dans la cathédrale, le Saint François dans l’église du Saint d’Assise non loin du Palazzo Cucchiari, ou encore le Saint Bernardin de Sienne dans le même lieu de culte. Et puis les environs: à Sarzana, par exemple, pour voir la Gloire de l’Assomption dans la cathédrale, ou au Cimetière Monumental de Pise, où le monument funéraire de Francesco Algarotti est une œuvre lumineuse de transition entre le baroque tardif et le néoclassicisme.

L’un des points forts de l’exposition est d’avoir rassemblé un grand nombre de documents inédits ou difficiles d’accès pour composer un parcours qui permet d’approfondir la connaissance de l’artiste et de jeter les bases d’études ultérieures: il manque, par exemple, une section illustrant les Cybei européens, ceux qui ont travaillé pour le prince de Prusse ou pour l’aristocratie russe. Il est dommage que, comme cela arrive parfois, le catalogue n’ait pas été publié pendant la durée de l’exposition: il sera prêt à l’automne et il ne fait aucun doute qu’il constituera un outil fondamental pour l’avancement de la recherche sur un artiste injustement oublié, puisque Cybei a été l’un des principaux et des plus honorés sculpteurs ayant travaillé dans l’Italie du XVIIIe siècle, un artiste d’abord lié aux dictats du goût baroque tardif, mais qui a su anticiper et pressentir l’horizon classique qui s’ouvrirait à la fin du siècle. Entre-temps, un résultat important a été atteint: la rédemption définitive de Giovanni Antonio Cybei de l’oubli dans lequel il était tombé.


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