Pastorale all'occidentale : la rhétorique banale et évanescente de Nico Vascellari au Palazzo Reale


L'installation Pastorale de Nico Vascellari à Milan, visible jusqu'au 2 juin 2025, est-elle un acte de dénonciation ou de résistance ? Il s'agit plutôt d'une opération rhétorique, banale et évanescente, qui ne suscite ni réflexion, ni indignation, ni sympathie. Critique de Jacopo Suggi.

Dans le célèbre chef-d’œuvre littéraire de Philip Roth, American Pastoral, l’histoire est celle de Seymour Levov et de sa famille, des Américains de la deuxième génération qui, avec beaucoup de difficultés, parviennent à se construire une position respectable dans la société américaine, incarnant le paradigme parfait du rêve étoilé à travers le succès dans le monde du sport et des affaires. Mais ces succès sont soudainement brisés par Merry, la fille de Seymour, qui, fascinée par les manifestations des années 60, notamment celles contre la guerre du Vietnam, se radicalise politiquement au point de commettre un acte terroriste : l’explosion d’une bombe dans une petite ville, entraînant la mort d’une personne. Cet événement dramatique entraîne la famille d’une existence tranquille et satisfaisante - une existence pastorale - dans un tourbillon de douleur, de confusion et de désintégration.

Pierre angulaire de la littérature mondiale, le livre de Roth n’a apparemment pas eu d’influence sur l’installation Pastorale proposée par l’artiste Nico Vascellari au Palazzo Reale de Milan, qui a ouvert ses portes le 1er avril et restera ouverte jusqu’au 2 juin 2025. Dans les textes qui accompagnent l’exposition, il est en effet expliqué que le titre Pastorale a été suggéré à l’artiste par la Sixième Symphonie de Beethoven, composée entre 1807 et 1808, période durant laquelle le compositeur a été influencé par son amour pour une vie bucolique passée à la campagne et dans les bois. La référence à une imagerie idyllique et arcadienne se heurterait donc au domaine formel et au contexte dans lequel l’œuvre in situ de Vascellari est insérée, la splendide Sala delle Cariatidi, qui présente encore férocement les dégâts des bombardements qui ont frappé le Palazzo Reale en 1943. Ici, sous les yeux de cariatides mutilées et abrasées, un vaste tapis de terre a été étalé, tandis qu’un grand corps métallique, formé de deux cylindres superposés, domine le centre. À intervalles irréguliers, le silence de la salle est secoué par un rugissement émanant de la sculpture mécanisée, qui projette simultanément dans l’air une grande quantité de graines qui se répandent sur l’étendue de terre. Celles-ci sont censées transformer le paysage désolé en une prairie luxuriante, bien que quelques jours avant la fermeture de l’exposition, la végétation ne semble s’être que très peu enracinée.

Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi

Vascellari souhaite évoquer une atmosphère désorientée dans l’environnement néoclassique, qui n’est plus qu’un vestige de ce qui a été : le corps chromé et mécanisé, comme une réalité étrangère ou posthumaine, déclenche le cycle de la vie, qui ne s’arrête pas, même face aux drames de la guerre. Les graines sélectionnées appartiennent donc toutes à des mauvaises herbes, celles que l’on appelle génériquement mauvaises herbes et que l’on arrache quotidiennement des jardins et des champs pour faire de la place aux graines sélectionnées. Pastorale devient ainsi, dans l’esprit de Vascellari, un “hymne à la résistance, puisque ce qui est déraciné trouve toujours le besoin de se manifester”.

Ces intentions ambitieuses sont reprises par le commissaire Sergio Risaliti, qui collabore avec l’artiste depuis un certain temps déjà et qui a parlé de la “radicalité” de l’œuvre de Vascellari, ainsi que du “courage de plonger dans la partie la plus sombre de la nature humaine et des processus historiques”. La presse a également salué son intervention dans la Sala delle Cariatidi comme un emblème de la résilience de la vie humaine qui, face à la dévastation et à la guerre, parvient toujours à recommencer. En résumé, tout le monde semble d’accord : Vascellari a réussi à intégrer au Palazzo Reale une œuvre de grande qualité et de profonde signification. Qu’on me pardonne donc si mon cynisme ne me permet pas de participer à ces applaudissements, si plus que les notes de la Pastorale de Beethoven, les mots de Roth, lorsqu’il écrivait sur “ la cantilène monotone de l’église ”, ne me font pas oublier que l’on ne peut que s’en réjouir.cantilène monotone des endoctrinés, idéologiquement blindés de la tête aux pieds ; cantilène monotone et embobinante de ceux dont la turbulence ne peut être enfermée que dans le carcan étouffant du rêve le plus cohérent". La difficulté que j’éprouve à apprécier l’installation de Vascellari, où tout me semble déduit d’un langage formel fatigué et dérivé et d’un contenu accordé à des messages banals et homologués, doit certainement être imputée à mes limites.

On pourrait dire “rien de nouveau sous le soleil”, et pas même sous les lumières LED qui parviennent à peine à faire pousser quelques brins d’herbe. Déjà vu et déjà dit, à l’instar de certaines solutions esthétiques déjà largement explorées par l’arte povera, notamment dans le dualisme entre les surfaces aseptisées et artificielles de la sculpture cylindrique, qui domine au contraire un tapis de matières organiques et vivantes. Au centre de cette opposition entre l’artificiel et le naturel se trouvent de nombreuses œuvres historicisées qui ont déjà exploré le même terrain poétique avec profondeur et efficacité. Il suffit de penser à Untitled (Struttura che mangia) (1968) de Giovanni Anselmo, peut-être sa sculpture la plus célèbre : deux blocs de granit maintenus en tension par la présence d’un panier de laitues qui, en se décomposant, rompt l’équilibre et déclenche une réflexion sur le caractère éphémère de la matière et le cycle de la vie. Ou encore les arbres de Giuseppe Penone, où l’artiste “creuse” des poutres industrielles pour en faire ressortir le cœur végétal, ou son iconique Continuerà a crescere tranne che in quel punto, dans lequel une main de bronze ancrée à un arbre conditionne sa croissance, devenant ainsi une interférence physique et symbolique dans les processus naturels.

Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi

L’idée même de ramener des fragments de nature dans des contextes anthropiques et muséaux n’est pas nouvelle. Un exemple est le travail de Pierre Huyghe, qui construit des écosystèmes semi-autonomes habités par des plantes, des animaux et des machines, générant des espaces hybrides et profondément ambigus. De même, le Suédois Henrik Håkansson introduit depuis des années des portions de paysage vivant dans les musées, déstabilisant la perception du public et remettant en question les frontières entre culture et nature. Même le geste de semer, motivé par une attitude naturaliste, a été abordé à plusieurs reprises, à commencer par les 7.000 chênes de Joseph Beuys, plantés à Kassel en 1982 comme une action de régénération écologique et sociale, jusqu’à Tree Mountain - A Living Time Capsule d’ Agnès Denes (1992-1996), une immense montagne artificielle en Finlande où 11 000 arbres ont été plantés selon un schéma basé sur le nombre d’or, donnant naissance à une véritable forêt conçue comme une sculpture vivante.

À cette tendance s’ajoute le phénomène de guérilla gardening, où artistes et citoyens transforment des espaces abandonnés en jardins urbains et en parterres de fleurs. Même les fonds marins ne sont pas “épargnés” par les soins attentifs des artistes : pensons au travail de Jason deCaires Taylor, qui crée des sculptures destinées à favoriser la repousse des herbiers et des coraux, tandis que Marco Barotti, qui n’est pas étranger à la poétique de Pastorale, équipe ses sculptures sous-marines de technologies sonores pour favoriser le développement de la vie subaquatique.

Cependant, même si ces opérations historiques n’étaient pas dépourvues d’une certaine rhétorique, elles ont eu le courage - et l’ambition - de produire des effets réels, tangibles et durables. Elles se sont imposées comme des interventions permanentes, capables de générer des environnements utilisables par la communauté, ou du moins d’offrir une contribution concrète, bien que symbolique, au discours écologique. En comparaison, le tapis décollé de Vascellari est très probablement destiné à finir à la poubelle au bout de quelques jours. Plus qu’un acte pastoral, un geste éphémère déguisé en conscience verte.

Mais ce qui est le plus fatigant dans Pastorale, ce n’est pas tant la répétition fatiguée de formules visuelles déjà vues, que la construction d’un récit rhétorique, déconnecté de toute urgence réelle ou de tout élan novateur. Quel est vraiment le message ? S’il se veut écologiste, nous sommes face à une énième esthétisation d’un discours déjà largement métabolisé par l’art contemporain, ad nauseam. Si, au contraire, elle veut faire un clin d’œil au caractère cyclique de la vie qui résiste aux traumatismes, il suffit de visiter n’importe quel prix de jeunes artistes pour se retrouver face à un énième plant qui pousse dans le béton. La pastorale n’ajoute rien à cette imagerie. Et elle n’arrive pas à la cheville de la lucidité brutale d’une œuvre comme A Thousand Years de Damien Hirst, datant de 1989, où, dans une vitrine, des larves nées d’une tête de vache coupée se transforment en mouches pour mourir électrocutées par une lampe à moustiques. Voilà pour la résilience : il s’agit là d’une vision implacable du cycle de la vie, et non d’une métaphore de catalogue sur papier glacé. Plus inquiétante, enfin, est l’hypothèse - suggérée par les propos du commissaire et par le contexte même de la Sala delle Cariatidi - que Pastorale veuille se présenter comme une allégorie de l’instabilité géopolitique contemporaine, un cri contre la guerre. Si tel est le cas, l’opération est un échec retentissant. Car l’art, lorsqu’il décide d’affronter la brutalité du présent, ne peut se contenter de vagues allusions ou d’une esthétique évocatrice : il doit aspirer à affecter, à ébranler, à générer une transformation - même minime - de la conscience individuelle ou collective. Parler de la guerre et de l’injustice avec l’art, c’est donner une voix à ceux qui n’en ont pas, c’est créer un désaccord, c’est construire des visions alternatives, ce n’est pas lancer quelques signaux cryptiques dans une salle historique en s’appuyant sur la révérence du lieu. Dans certains cas, l’art devient symbole, renouvelle les mythes fondateurs, crée une mémoire partagée. Mais Pastorale ne parvient ni à dénoncer ni à résister. Elle ne suscite ni réflexion, ni indignation, ni empathie. Ce n’est pas Guernica qui, dans cette même salle en 1953, donnait forme à l’horreur de la violence fratricide. Elle ne parvient pas non plus à absorber et à restituer la mémoire profonde de la salle elle-même qui, avec ses murs blessés, est en soi une œuvre plus puissante que n’importe quelle installation. Même en tant qu’acte de résistance culturelle, comme le suggère Vascellari, l’œuvre ne semble pas tenir la route. Car s’il existe un symbole de rédemption, de renaissance après la destruction, c’est bien le Palazzo Reale, un lieu meurtri par la guerre et aujourd’hui rendu à la ville en tant qu’espace pour la culture internationale. Pastorale, en revanche, est une présence fugace, un geste évanescent qui risque de se dissoudre dans le vide qu’il prétend dénoncer.

Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi
Nico Vascellari, Pastorale. Photo : Jacopo Suggi

Pastorale n’est même pas un geste constructif. Comparez-la, par exemple, avec l’opération de l’artiste mexicain Juan Pablo Macías qui, en 2014, dans le village abruzzais de Guilmi, a créé la BAS - Banca Autonoma di Sementi Liberi da Usura (Banque autonome des semences libres d’usure), un projet anarchique promouvant l’échange de semences anciennes - non manipulées par l’industrie chimique et non soumises à l’obsolescence programmée - pour montrer aux agriculteurs la valeur des semences qui ne sont pas sujettes à l’obsolescence. non manipulées par l’industrie chimique et non soumises à l’obsolescence programmée - pour montrer aux agriculteurs que oui, des formes de résistance concrète à la domination du capitalisme prédateur existent. Avec les semences, ce sont aussi des connaissances, du temps, des relations qui ont été échangés. Un art qui devient action, rencontre, politique d’en bas.

Bien loin des opérations comme Pastorale, qui se contentent d’effleurer les grands traumatismes contemporains : la guerre, l’écologie, l’injustice sociale, sans oser faire de propositions, sans construire de véritable réflexion. Ce faisant, elles ne deviennent qu’un exercice commode pour les bien-pensants qui s’ennuient, un baume idéologique pour les âmes tièdes. Comme le dit Roth dans American Pastoral : “Il n’y a rien dans la vie qui soulage plus qu’une explosion d’indignation légitime”.

Parler de guerre, d’injustice sociale, d’inégalité économique ou de crise environnementale sans jamais prendre de risques, sans jamais se salir les mains, c’est participer à cette forme de divertissement engagé que le système de l’art aime tant aujourd’hui. Une rhétorique vide qui console ceux qui peuvent s’offrir le luxe de s’indigner à distance, de se déculpabiliser, de se convaincre - sans effort - qu’ils font leur part. Et devant ces coûteuses mascarades déguisées en engagement civique, si rassurantes, si parfaitement alignées sur les opinions les plus partagées et jamais inconfortables, il est naturel de crier l’accusation qui, dans le roman de Roth, est adressée à Seymour Levov, le protagoniste incapable d’un choix authentique, toujours à la recherche d’un consensus, toujours du “bon” côté : “Tu te caches. Tu ne choisis jamais.”


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