Jadé Fadojutimi : si la peinture est de la chair transformée en geste


Né à Londres en 1993, Jadé Fadojutimi est l'une des voix les plus originales de la peinture contemporaine. Ses toiles ne décrivent pas : elles évoquent. Des cartes émotionnelles, des seuils entre les identités et les langues, des œuvres qui demandent non pas de comprendre, mais d'habiter une émotion en transformation. Critique de Federica Schneck.

On ne sait pas si c’est le jour ou le soir. La lumière, filtrée par de lourds rideaux, s’accrochait aux pigments encore frais sur la toile, brillait dans les flaques de bleu pétrole, s’estompait dans les sombres violets. Jadé Fadojutimi se tenait là, le pinceau baissé, comme s’il attendait une réponse de quelque chose qui n’avait pas encore de forme. Mais la peinture, sa peinture, était déjà là pour répondre, non pas avec des mots, mais avec des fractures chromatiques, des réverbérations. Née à Londres en 1993, après avoir étudié à la Slade School of Fine Art et obtenu une maîtrise au Royal College of Art en 2017, Fadojutimi s’est rapidement imposée comme l’une des voix les plus radicales et les plus originales de la peinture contemporaine.

Il est difficile de dire où commence l’une de ses œuvres. L’œil y pénètre comme dans un rêve, puis trébuche. Les couleurs qui semblaient accueillantes deviennent obsessionnelles. Les lignes qui semblaient végétales deviennent des blessures. Des titres comme Il existe un monde glorieux. Son nom ? The Land of Sustainable Burdens n’expliquent pas : ils ouvrent des fissures, comme si chaque phrase était un seuil, une question qui refuse de se refermer.

Dans ses toiles les plus récentes, The Woven Warped Garden of Ponder (2021), le paysage est un souvenir déchiré, pas un lieu. Il y a quelque chose de liquide, d’organique, qui palpite sous la surface. Parfois, il ressemble à une forêt, parfois à un corps vu de l’intérieur. Les formes s’échappent, se contredisent. C’est comme si l’on observait un sentiment qui change, qui essaie de ne pas être vu. Et l’on se demande alors : quel visage a vraiment une émotion?

Jadé Fadojutimi. Photo : Gagosian / Anamarija Ami Podrebarac
Jadé Fadojutimi. Photo : Gagosian / Anamarija Ami Podrebarac

Fadojutimi ne construit pas des images, il les chasse. Il dit souvent qu’il peint la nuit, quand les questions s’amplifient et que les pensées se dissipent. Et dans ses gestes, rapides, nerveux, superposés, il y a quelque chose de chorégraphique. Le pinceau ne bouge pas, il danse. La toile n’est pas un support, elle est le prolongement du corps. On a presque l’impression que chaque tableau est le résidu d’une performance invisible, qui s’est consommée en l’absence de spectateurs.

Pourtant, le spectateur devient complice. Il n’observe pas : il écoute. Mais qu’écoute-t-il au juste ? Peut-être ses toiles sont-elles des cartes. Non pas géographiques, mais intérieures. Des chemins mentaux. Des seuils entre des identités qui ne se laissent pas fixer. Jadé, qui grandit entre Londres et le lointain souvenir du Nigeria, qui étudie les animés japonais, qui croise les genres, les appartenances, les influences, restitue tout cela sous la forme d’un langage visuel impossible à traduire. Mais qui parle. Bruyamment. Même quand il fait mal.

Prenez Cavernous Resonance (2020). Un vortex de couleurs violentes, imprégné de rouges épais, de verts corrodés. Il y a une lumière qui semble sacrée, et pourtant tout vibre comme s’il était sur le point de se désintégrer. Qu’est-ce qui résonne là-dedans ? Une mémoire ? Une enfance ? Une altérité ? Ou bien est-ce simplement la peinture, dans son état le plus pur, le plus magmatique ? Beaucoup la qualifient d’abstraite. Mais c’est un mot qui, dans son cas, ne correspond pas à la réalité. Il n’y a rien de plus concret, de plus physique, de plus sensuel que sa peinture. C’est la chair qui se transforme en geste. C’est l’impulsion qui devient forme. Dans chaque œuvre, il y a une urgence que l’on sent dans les poignets, dans le souffle. Comme si chaque couleur avait été extraite avec effort d’un lieu profond, non pas du monde, mais de la psyché.

Jadé Fadojutimi, Il existe un monde glorieux. Son nom ? Le pays des fardeaux durables (2020 ; huile, acrylique et pastels sur toile, 190 x 230 cm).
Jadé Fadojutimi, Il existe un monde glorieux. Son nom ? Le pays des fardeaux durables (2020 ; huile, acrylique et pastels sur toile, 190 x 230 cm).
Jadé Fadojutimi, The Woven Warped Garden of Ponder (2021 ; acrylique et huile sur toile, 200 x 300 cm)
Jadé Fadojutimi, The Woven Warped Garden of Ponder (2021 ; acrylique et huile sur toile, 200 x 300 cm)
Jadé Fadojutimi, Résonance caverneuse (2020 ; huile sur toile, 170 x 180 cm)
Jadé Fadojutimi, Résonance caverneuse (2020 ; huile sur toile, 170 x 180 cm)

Lors de la Biennale de Venise en 2022, ses œuvres brillaient comme des visions. Elles étaient des murs émotionnels, des montagnes mentales. Et les passants restaient là, comme envoûtés. Car il ne s’agissait pas seulement de voir : il s’agissait de sentir. Mais entendre quoi, au juste ? C’est peut-être là toute la question. Fadojutimi n’offre jamais une direction univoque. Chaque toile est un oracle brisé. Une phrase commencée et interrompue. Une histoire qui n’est racontée qu’à ceux qui acceptent de ne pas la comprendre tout de suite. Son œuvre ne s’adresse pas au regard averti, mais au regard vulnérable. À ceux qui ont le courage de se perdre.

Ainsi, devant ses œuvres, on ne cherche plus le sens. On reste là, à l’intérieur. On s’abandonne. On cesse de vouloir interpréter et on commence à se souvenir. Se souvenir de quoi ? On ne le sait pas. Mais quelque chose se passe. Toujours. Peut-être que l’art de Jadé Fadojutimi est justement cela : un seuil entre ce qui a été répété mais jamais dit. Une façon de toucher le monde avant que le langage ne le corrode.

Et s’il est vrai que tout artiste tente, en fin de compte, de construire un langage qui lui soit propre, celui de Jadé est fait de sonorités sourdes, de tensions suspendues, de fragilités rendues monumentales. Un langage qui ne prétend pas être compris. Seulement habitée. Et nous, sommes-nous vraiment prêts à l’habiter ?


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