Quand Sebastiano del Piombo s'allie à Michel-Ange pour un chef-d'œuvre: la Pietà de Viterbe


Après les succès de Raphaël à Rome, Michel-Ange s'allie à Sebastiano del Piombo pour proposer aux clients un nouveau produit (design toscan et couleur vénitienne) et contrer son rival: le premier fruit de ce partenariat est la Pietà de Viterbe.

L’Albertina de Vienne conserve un dessin, largement attribué à Michel-Ange, avec quelques études de mains entrelacées: au centre exact de la feuille, bien détaché de tout le reste, se trouve un torse masculin, les bras croisés et les mains jointes à hauteur de la poitrine. C’est la seule preuve qui subsiste de l’association de Michel-Ange avec Sebastiano del Piombo pour la Pietà commandée au Vénitien par le clerc de la Chambre apostolique, Giovanni Botonti, pour l’église San Francesco de Viterbe, et achevée en mai 1516. Il est toutefois probable que Michel-Ange ait également fourni à Sebastiano une caricature: c’est ce qu’atteste Giorgio Vasari dans ses Vies, non sans une pointe de condescendance voilée, lorsque l’Arétin déclare que la peinture, “si elle a été achevée avec beaucoup de diligence par Sebastiano, qui a réalisé un paysage sombre très apprécié, l’invention, cependant, et la caricature ont été réalisées par Michelagnolo”. Vasari n’aimait pas Sebastiano del Piombo, et dans ces lignes, où le Vénitien est presque présenté comme un simple coloriste, un comprimario de luxe qui s’est contenté de terminer avec diligence une invention du maître inégalé, son attitude pour le moins ambiguë à l’égard de “Sebastiano Viniziano” apparaît avec une clarté évidente.

Quelle est donc la part de Michel-Ange dans le chef-d’œuvre de Sebastiano à Viterbe? Il faut d’abord dire que la Pietà est le premier chapitre d’une alliance étroite entre le Vénitien et le Toscan, dont les raisons sont à chercher dans le malaise de Michel-Ange face aux succès croissants de son jeune rival Raphaël, qui, jusqu’à la fin du vingtième siècle, avait connu un grand succès. Un rival plus jeune, Raphaël, qui, dès son arrivée à Rome, avait obtenu des riches mécènes romains et des intellectuels qui les fréquentaient une attention et un soutien qui allaient provoquer une réaction de la part de Michel-Ange, qui craignait d’être dépassé par l’Urbain. Une alliance pour proposer un produit totalement nouveau aux clients romains: “l’excellence de la couleur et la perfection du design”, comme l’a bien résumé l’universitaire Costanza Barbieri. Sebastiano est le visage public de l’association: c’est lui qui entretient les relations avec les clients, c’est lui qui “signe” les tableaux, c’est lui qui s’expose aux jugements des critiques. Michel-Ange, quant à lui, travaille d’arrache-pied sur le projet et, lorsqu’il le peut, soutient publiquement son ami.

Michel-Ange, Étude de mains et de torse masculin (vers 1512 ; sanguine, craie noire, plume sur papier, 272 x 192 mm ; Vienne, Albertina, inv. 120v)
Michel-Ange, Étude de mains et torse masculin (vers 1512 ; sanguine, craie noire, plume sur papier, 272 x 192 mm ; Vienne, Albertina, inv. 120v)


Sebastiano del Piombo, Pieta (1512-1516 ; huile sur panneau, 190 x 245 cm ; Viterbe, Museo Civico)
Sebastiano del Piombo, Pietà (1512-1516 ; huile sur panneau, 190 x 245 cm ; Viterbe, Museo Civico)

Cette relation de collaboration commence donc avec la Pietà qui est aujourd’hui conservée et exposée, quelque peu sacrifiée (les panneaux d’illustration précis compensent en partie ce manque), dans une petite salle du Museo Civico de Viterbe. C’est l’une des images les plus fortes du XVIe siècle: Guido Piovene, dans son Viaggio in Italia, définit la Pietà comme un “nocturne orageux, déchiré par des bleus profonds, illuminé par la lune et les éclairs des fourneaux”. Dans une campagne lugubre, au milieu de la nuit, avec seulement la lumière de la lune se frayant un chemin à travers une couverture de nuages et des éclairs d’intensité variable à l’horizon, une Vierge forte aux proportions masculines est assise devant le corps de son fils, qu’elle pleure avec dignité. Son torse est masculin, dérivé de l’idée du drap de l’Albertina, ses bras sont musclés, ses traits rappellent les sibylles de la voûte de la chapelle Sixtine. Il porte un corsage bleu clair, une robe outremer, sa tête est couverte d’un voile blanc, ses mains sont enlacées sur le côté, son cou est puissant et massif, son visage solide et vigoureux, son regard se lève vers le ciel. Le Christ est allongé sur le linceul, nu à l’exception du pagne qui entoure son bassin: c’est la base de la pyramide dont le sommet est la tête de sa mère. Leurs figures, plongées dans la solitude de la nuit, ne sont pas éclairées naturellement: nous les voyons émerger du paysage, presque détachées, enveloppées d’une lumière qui n’est pas celle du paysage. L’iconographie ne suit pas non plus la tradition nordique du Vesperbild, qui a connu un grand succès en Italie et a trouvé son plus haut exemple dans la Pietà Vaticana de Michel-Ange: dans le tableau de Sebastiano del Piombo, la mère n’accueille pas l’enfant dans son sein, mais le spectateur est néanmoins confronté à une représentation tragique. Le paysage nocturne d’inspiration clairement giorgionesque, résultat spectaculaire du coup de pinceau de Sebastiano, souligne le drame du moment: la nature, écrit Rodolfo Pallucchini, dans ce tableau mû par l’intention “vraiment héroïque” qui a peut-être été “suggérée à Sebastiano par Michel-Ange”, joue le rôle du chœur de la tragédie. Pour Pallucchini, cependant, il s’agit d’un chœur qui semble détaché des “figures du Christ et de la Mère conçues comme des masses plastiques solides, où la couleur est pétrifiée dans un flux de gris bleus et de turquoises sombres et se coagule dans la luminosité laiteuse de la feuille”, un chœur incapable d’agir comme une synthèse et, à son avis, peu convaincant: Le tableau se configure plutôt comme “un univers d’atmosphères vivantes, effilochées, étincelantes de lumière”, anticipant les nocturnes du Tintoret.

Ce déséquilibre apparent doit être lu, selon Barbieri, en relation avec l’histoire tourmentée de la conservation du tableau: la toile de fond a subi les ravages du temps, mais pas au point d’empêcher l’observateur de s’émerveiller de ces flashs, de ces éclats qui surgissent parmi les bâtiments en ruine, parmi les plantes, au-delà des collines. C’est la nature qui participe à la tragédie. Ce n’est pas un coucher de soleil que l’on voit à l’horizon: cette lueur rougeâtre à gauche est peut-être un incendie, ou une explosion comme l’a soutenu Mauro Lucco, tandis que l’éclair à droite ressemble à l’éclair d’un coup de tonnerre annonçant un orage, comme le vent qui agite les arbres. Les figures du Christ et de Marie sont cependant épargnées par la fureur de la nature. Et il y a un détail rassurant, celui de la lune qui dissipe les nuages pour éclairer le paysage.

Sebastiano del Piombo, manifestement sur la base d’un programme précis, suggère aux fidèles tous les moments de la Passion: le Calvaire auquel renvoient les ronces et le tronc coupé à côté duquel la Vierge est assise, la mort, l’attente du sabbat et, enfin, la résurrection, symbolisée précisément par la lune, puisque Pâques tombe chaque année le dimanche qui suit la première pleine lune du printemps. Selon Barbieri, cependant, Sebastiano a également inclus dans la Pietà un motif de dévotion typique de Viterbe, le culte de la Madone libératrice, une fête instituée en 1334, quelques années après que la ville ait réussi à surmonter une violente tempête de nuages en priant la Vierge. Le souvenir de la Madone qui, en mai 1320, avait libéré Viterbe de la tempête, a dû probablement surgir de la peinture du Vénitien, d’autant plus que le commanditaire était très attaché à la Madone libératrice: et Sebastiano del Piombo a peut-être utilisé tous ses talents de formidable coloriste pour suggérer implicitement le souvenir du miracle aux fidèles de Viterbe, qui n’auraient pas eu de mal à le reconnaître.

La question initiale est restée sans réponse: jusqu’où va la contribution de Michel-Ange? La majesté et la monumentalité des figures de Sebastiano rappellent immédiatement de nombreux précédents de Michel-Ange, tant en peinture qu’en sculpture, et cela vaut également pour certains détails: voyez, par exemple, comment la main gauche du Christ rappelle celle d’Adam dans la voûte de la chapelle Sixtine, mais on pourrait en dire autant de la figure elle-même. Et il n’y a aucune raison valable de douter de l’existence d’un dessin aujourd’hui disparu, ni de ne pas en attribuer la conception à Michel-Ange. Pourtant, Sebastiano avait déjà prouvé à Venise qu’il avait bien compris les intentions de Michel-Ange. Les proportions grandioses de ces figures sont déjà visibles dans ses premières peintures: l’exemple du retable de saint Jean Chrysostome mérite d’être cité. Un mouvement du torse similaire à celui de la Vierge est déjà perceptible dans le Portrait de femme en Vierge sage de la National Gallery de Washington. L’association a pu être initiée parce que Sebastiano avait déjà montré une grande familiarité avec les motifs déduits de Michel-Ange: et il y avait peu d’artistes capables de se mesurer au génie toscan sans être pliés, vaincus, submergés. Sebastiano n’est donc pas un simple exécutant diligent: c’est un artiste qui fait sienne l’invention de Michel-Ange, la comprend, l’interprète selon sa propre sensibilité, en modelant les figures avec un clair-obscur très doux et élégant et avec des effets lumineux raffinés. Si la force de cet extraordinaire paysage sombre et la virtuosité des effets colorés ne suffisaient pas. Et la Pietà fut très appréciée par ses contemporains dès son exposition: après tout, on n’avait jamais rien vu de tel à Rome.


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