Un hymne à la lumière: la "Danse des heures" de Gaetano Previati, entre musique et poésie


Exposée pour la première fois à la Biennale de Venise en 1899, la Danse des heures est l'un des chefs-d'œuvre de Gaetano Previati (Ferrare, 1852 - Lavagna, 1920). Elle n'a pas été immédiatement comprise par la critique, mais on peut aujourd'hui la considérer comme un manifeste du symbolisme et du divisionnisme italiens.

Un hymne à la lumière: c’est ainsi que l’on pourrait définir la Danza delle Ore (Danse des heures ) de Gaetano Previati, en reprenant une heureuse image de Domenico Tumiati. L’un de ses chefs-d’œuvre les plus poétiques, les plus mystérieux, les plus élevés, les plus lumineux, les plus triomphants: les douze heures de la mythologie romaine, personnifications des différents moments de la journée, dansent en se tenant par la main en survolant la terre, tandis que le soleil baigne toute la composition d’une lumière dorée. Entre l’astre et la planète, les douze femmes, blondes, gracieuses dans leur vol, soutiennent du bout des doigts une fine ellipse éblouissante: c’est le cercle de la lumière, le cycle continu du jour et de la nuit qui alternent sans fin, le cercle du temps qui s’écoule sans fin. Et les Heures de Previati sont des créatures divines, qui nous apparaissent presque sans corps. Regardez le coup de pinceau filamenteux du maître du divisionnisme dans l’un des moments les plus heureux de sa carrière, l’éclat des rayons du soleil, le mouvement circulaire que le peintre imprime à l’ensemble de la composition par le simple usage du pinceau: tout concourt à mettre en évidence l’évidence corporelle des figures des danseurs. La couleur, qui devient lumière, défibre les volumes, les vide de leur substance, efface leur physicalité: il ne reste que le rythme, le mouvement, la lumière, la danse, la musique, le rêve. Pure vibration", dirait Tumiati.

Chez Previati, c’est un univers de lumière qui se nourrit de poésie symboliste (Baudelaire, par exemple: le soleil qui “commande aux moissons de croître et de mûrir / dans le cœur immortel qui toujours veut fleurir”), né sous les cieux clairs et étincelants de la Ligurie, lors de ses premiers séjours à Lavagna, où l’artiste a connu et exploré d’autres possibilités de la couleur, et qui semble prendre vie sur les notes d’Amilcare Ponchielli: la première de La Gioconda, l’opéra du compositeur crémonais célèbre surtout pour la musique immortelle de la Danza delle Ore, eut lieu à la Scala le 8 avril 1876, et ce ballet connut un succès immédiat et unanime. On ne peut pas en dire autant de l’opéra lui-même, critiqué pour sa longueur excessive: curieusement, c’est la même critique qui, près de quarante ans plus tard, sera adressée à la Parisina de Mascagni et D’Annunzio, illustrée par des dessins de Previati lui-même. Le peintre ferrarais connaissait certainement la Danza delle Ore de Ponchielli, à tel point que l’on a voulu voir dans le tableau une traduction de celle-ci. Une juxtaposition qui continue peut-être d’influencer en partie la fortune de ce chef-d’œuvre. Un chef-d’œuvre qui fut d’ailleurs accueilli froidement lors de sa première exposition au public.

Gaetano Previati, Danse des heures (1899 ; huile et tempera sur toile, 134 x 200 cm ; Milan, Collection Fondazione Cariplo, Gallerie d'Italia, Piazza Scala)
Gaetano Previati, Danse des heures (1899 ; huile et tempera sur toile, 134 x 200 cm ; Milan, Collection Fondazione Cariplo, Gallerie d’Italia, Piazza Scala)

C’est la Biennale de Venise de 1899, la troisième. Selon Nino Barbantini dans sa somptueuse monographie sur Previati publiée en 1919, la conception du grand tableau remonte à cinq ans plus tôt: l’artiste a donc dû réfléchir longtemps à son œuvre, mais cela n’a pas suffi à éviter les critiques, même sévères, dès le lendemain de l’exposition. Les critiques de cette Biennale ne sont pas tendres à l’égard de la Danse des heures. Selon Vittorio Pica, l’un des plus grands critiques d’art de l’époque, l’œuvre, “avec ses douze jeunes filles qui, vêtues de minces voiles et les cheveux flottants, soutiennent un mince cercle sur le disque terrestre, tandis que le soleil les éclaire latéralement, est trop simple et trop peu nouveau comme invention pour un tableau de chevalet” et, toujours selon lui, “le dessin des figures est excessivement négligé”. Pour Ugo Fleres, le tableau est une “sorte de rébus avec des signes géométriques, peint en deux couleurs ternes, jaunâtre et violet, avec la technique filandreuse habituelle de l’auteur”. Pour Mario Morasso, il s’agit même d’un "méchant symbole de la Danse des heures", celle de Ponchielli bien sûr. Mario Pilo, dans les pages de la Gazzetta letteraria, rappelle à ses collègues que la Danza delle Ore “peut être plus ou moins aimée, mais [...] elle doit en tout cas être prise au sérieux”. Même Barbantini, l’un des amis les plus proches de Previati et l’un de ses critiques de référence, lui reproche dans une monographie publiée vingt ans plus tard d’avoir peint la Danse des heures “sans chaleur et sans passion, en concluant par un décorativisme sec et superficiel”, semblable à celui du préraphaélite George Frederic Watts, l’un des peintres anglais les plus proches des exigences du symbolisme. Les principes sur l’unité et l’harmonie de l’œuvre théorisés par John Rusivati sont les plus proches des instances du symbolisme, probablement connus de Preivati, mais aussi connus de lui, comme l’a récemment souligné Chiara Vorrasi.Les principes d’unité et d’harmonie de l’œuvre théorisés par John Ruskin (répétition, courbure, rayonnement), les théories de Charles Henry sur la couleur et la lumière, le symbolisme victorien qui utilise la décoration pour créer “une spatialité indépendante de la réalité”.

L’abandon de tout registre narratif, l’orientation vers une peinture de pure lumière, l’ouverture aux expériences internationales sont peut-être les raisons pour lesquelles la peinture mystérieuse de Previati n’a pas été comprise et appréciée, bien que l’hostilité de la critique à son égard n’ait pas duré longtemps: dès 1901, dans le cadre de la quatrième Biennale, Pica lui-même organise une exposition personnelle des œuvres de l’artiste, qui est plutôt bien accueillie, et Alberto Grubicy, le marchand d’art de Previati, cherche à de profiter de toutes les bonnes occasions pour exposer la Danse des heures, qui fut encore présentée en 1901 non seulement à l’exposition personnelle vénitienne, mais aussi à la 8e exposition internationale de Munich au Glaspalast, puis, dans les années suivantes, à de nombreuses autres expositions. Le résultat final fut l’achat de l’œuvre en 1927 par la Cassa di Risparmio di Milano: et aujourd’hui encore, la Danse des heures se trouve dans la collection du dernier héritier de cette banque, le groupe Intesa Sanpaolo.

Quels sont les points forts que Previati a atteints avec sa peinture éthérée, raffinée et rayonnante? Le premier est d’ordre formel: il s’agit de l’approfondissement de sa recherche sur la lumière. Ici, la lumière dorée du peintre ferrarais est le véritable protagoniste du tableau, modulée selon des accords tonaux qui en multiplient l’intensité et qui se répartissent entre les longs et fins filaments qui rejoignent et soutiennent la ligne sinueuse de Previati et donnent au tableau son mouvement circulaire et tourbillonnant. Umberto Boccioni, qui a connu Previati personnellement, sera toujours redevable de sa poétique divisionniste: il étudie attentivement ses écrits et ses peintures, visite même son atelier et se confronte à Previati. Pour Boccioni, Previati “est le premier à tenter réellement d’exprimer par la lumière une émotion autre que la reproduction conventionnelle des formes et des couleurs”.

La seconde est d’ordre idéal: en unissant peinture, littérature, danse et musique, Previati a réussi à créer un Gesammtkunstwerk wagnérien, une œuvre d’art totale capable de susciter des sensations synesthésiques et de donner forme à cet idéalisme musical que Vittore Grubicy reconnaissait déjà en 1891 lorsqu’il parlait de sa Maternité: une idée abstraite, mystique, indéfinie dans ses parties, dont la beauté esthétique [...] réside précisément dans cette indétermination symbolique“. Cette âme de la peinture de Previati a été bien comprise par Domenico Tumiati: le grand poète ferrarais, partisan convaincu de la critique esthétisante, avait bien compris comment Previati, avec ses tableaux, avait réussi à faire émerger l’inconscient, le mystère, le rêve, une ”nouvelle forme de spiritualité, une abstraction des sens“, l’”idée immatérielle", l’essence même de la vie. La Danse des heures est l’œuvre qui clôt l’article publié par Tumiati, en 1901, dans la revue Emporium: il s’agit presque d’une sorte de viatique pour la réhabilitation de l’artiste après une première partie de carrière aux fortunes diverses. Ici, écrit Tumiati, “le secret qui révèle l’émotion de l’artiste réside dans la méthode employée, qui consiste à maintenir divisées les quelques couleurs constitutives et à les distendre toujours par de minces hachures circulaires. De la photosphère au cercle, du cercle au globe terrestre, de l’atmosphère rayonnante aux volutes des voiles et des cheveux des danseuses, tout dessine le cercle de la ”lumière vitale“, ce cercle qui est ”l’origine première de la vie“, car tout dans l’univers est le fruit de la lumière. Et avec ces danseuses, avec cet ”hymne de douze strophes vers le Soleil", avec cette lumière rayonnante qui se répand dans toute la composition, Previati aurait été digne d’illustrer le Paradis de Dante. Telle est, selon Tumiati, l’affinité de Previati avec le père de notre littérature.


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