Cesare Brandi (1906 - 1988) n’était pas seulement un grand historien de l’art, mais aussi un voyageur curieux, qui a décidé de rassembler ses mémoires de voyage dans divers écrits. Nous vous proposons ci-dessous un extrait d’un écrit dans lequel Cesare Brandi raconte un voyage qu’il a effectué à Palmyre au milieu des années 1950: dans ce cas, nous avons sélectionné la partie du récit dans laquelle Brandi raconte son voyage dans la ville syrienne et ses premières impressions à l’arrivée. Un document précieux qui nous guide à travers les sables du désert syrien et, plus tard, à travers les ruines de Palmyre, vues à travers l’œil attentif de Cesare Brandi. Son style sec, simple mais élégant, et fortement descriptif, semble presque nous faire imaginer le difficile voyage, qui se termine cependant par une vision magnifique, celle de Palmyre. L’article a été publié pour la première fois en 1958 dans le volume “Cities of the Desert”: le livre a été réédité l’année dernière par Elliot Edizioni. Bonne lecture !
Cesare Brandi |
On était maintenant en plein désert, plat, presque lisse, parsemé de graviers si fins et si effrités qu’on aurait dit un jardin. Les traces étaient vagues. A un petit village de ces graviers mélangés à de la boue, un bédouin était monté: sans même me demander mon avis. Nous nous étions arrêtés, le chauffeur avait remis de l’eau dans le radiateur, l’enfant avait mangé une tranche de pastèque. Je suis restée à regarder une femme qui pétrissait de la paille broyée et de la boue. Elle était jeune et sans expression: elle avait ce costume, qui aurait été très joli, avec un pantalon serré de draperie florale, et la gala en bas, puis une jupe plus courte, la tête enveloppée de voiles noirs. Il pétrissait avec les mêmes gestes secs que celui qui tricote des bas, pétrissant, à la manière d’il y a vingt-cinq mille ans, les mêmes briques de boue à sécher au soleil pour construire les mêmes huttes basses et longues qui, à flanc de montagne, ressemblent, de loin, à des marches inégales. Il pétrissait, une femme plus âgée veillait.
Lorsqu’ils reprennent la route, des disputes à n’en plus finir ont commencé entre le chauffeur et les Bédouins. Manifestement, le chauffeur ne connaissait pas le chemin, le Bédouin connaissait le chemin, le chauffeur ne s’y fiait pas, et ils s’éloignèrent de la piste, puis revinrent en arrière, puis repartirent en avant. Il semblait que dès qu’ils trouvaient une piste, ils avaient peur de se faire prendre. Pourtant, je ne m’inquiétais pas. Le désert avait repris son action vivifiante et je ne me sentais jamais hors piste. Je suis parti et, dans ce départ, il y avait une raison aussi forte pour moi que de voir Palmyre. Des collines lointaines aux couleurs douces, entre le bleu et le violet, comme dans le désert les hauteurs: un oiseau du genre vautour, qui passa en battant des ailes si doucement que je les vis distinctement lorsqu’il les referma, comme quelque chose de suspendu: pas d’autre vie que ces buissons bas et clairsemés qui semblent viser et ne le sont pas. Puis nous avons commencé à voir deux formes blanches au loin, sans pouvoir dire ce que c’était, des rochers ou autre chose. Finalement, ils se sont mis d’accord, du moins c’est ce qu’il m’a semblé, sur le fait qu’il fallait se diriger vers là: en s’approchant, ils ont découvert qu’il s’agissait d’énormes réservoirs, comme des jauges à gaz. Il s’agissait de l’oléoduc qui achemine le pétrole d’Irak vers la Méditerranée. Cet oléoduc que les Arabes avaient l’intention de faire sauter (et qu’ils ont fait sauter) si Nasser n’obtenait pas ce qu’il voulait. Inexplicablement, la ligne électrique est également apparue et ils se sont retrouvés avec des chèvres et des chameaux, que je n’ai jamais vus avec aussi peu à manger que là. À partir du gazoduc, une large piste s’est ouverte pendant un court moment, beaucoup plus rude que le désert nu, et la vallée plane, immense et ondulée s’étendait jusqu’à des montagnes lointaines. Soudain, j’ai vu des formes lointaines comme des tentes très pointues, j’ai vu des traînées d’un vert très intense. C’étaient des fermes dans le désert où, par forage, on avait trouvé de l’eau et où l’on avait immédiatement semé du coton, qui était vert et dont les capsules étaient déjà ouvertes. Mais les maisons étaient comme celles de Jéricho, comme celles qui ressemblent aux trulli des Pouilles, sauf que ces cônes n’étaient pas un ou deux, mais six ou sept, tous alignés, et qu’ils ressemblaient plutôt aux bobines de certaines vieilles filatures. Nouvelles étaient ces fermes, encore en construction, et l’on pouvait encore voir dans l’exécution les briques brutes de boue et de paille. Le coton vert était aussi luxuriant qu’une fanfare. Puis le désert plus mince reprenait et, après un certain temps, une autre ferme, jusqu’à ce qu’elles disparaissent complètement. Les montagnes, en revanche, se rapprochaient, se renforçaient, perdaient à nouveau leurs couleurs bleues, passaient de l’orange au violet, s’inclinaient de part et d’autre, formant un col. Dans le large creux, à mesure que nous nous approchions, apparaissait une tour en ruine, puis d’autres, comme des rochers. C’étaient des tours solitaires, non reliées par des murs, d’une tour à l’autre on voyait bien la pente qui descendait. C’étaient des tours rougeâtres, comme l’était la roche de ces montagnes ; c’étaient les tours mortuaires de Palmyre.
On avait l’impression de passer par un détroit, et l’impression de fond de mer asséché, qui réveille le désert, s’accentuait. Ici et là, des bouts de tours subsistaient, mais aussi quelques grandes, presque intactes, aux formes pures. A la fin, les rangées de colonnes s’élevaient. Mais d’abord, devant tous, sur une colline pointue, un château arabe, chauve, aux arêtes vives comme du cristal. La pente raide, presque à pic, coupait le ciel. Soudain, dense, à peine contenue par une muraille incertaine, une étendue de palmiers et d’oliviers, mais d’un vert si intense qu’il était plus bleu que vert.
Louis-François Cassas, Les ruines de Palmyre (1821 ; Tours, musée des Beaux-Arts) |
Sur cette végétation retenue mais violente, le ciel s’étendait comme gonflé par le vent. La ville absurde et extraordinaire, qui jouissait d’une puissance presque inconcevable - elle s’étendait jusqu’à l’Égypte - était réapparue, port de sable sec pour les bateaux de chameaux qui se balançaient, emporium de marchandises lointaines. Tout le panorama, dans son périmètre antique, était embrassé d’un coup d’œil, le temple de Bel, et la voie à colonnades, l’agora, le théâtre: tout était clair comme dans une maquette, et pourtant il se dressait devant mes yeux dans sa réalité et dans une étendue indéfinissable, parce qu’il n’y avait pas de mesure réciproque entre les montagnes et les colonnes.
Je voulais d’abord voir les tombes: il fallait marcher et il était bon de choisir les heures les moins chaudes. Cette histoire des tombes de Palmyre est, à mon avis, presque unique dans l’Antiquité. Ce sont les Palmyréniens, les premiers croque-morts, qui ont eu l’idée de construire et de vendre tant de tombes les unes sur les autres ; et, non contents de les creuser, ils les ont construites en hauteur. Telle est l’origine obscure des tombes mortuaires à quatre ou cinq étages. Bien entendu, dans une ville où le commerce était roi, il y avait aussi le spéculateur qui achetait en bloc au constructeur, puis revendait les niches funéraires à ceux qui en avaient besoin. Il existe des archives de tout cela, ainsi que des banquets funéraires auxquels les morts devaient également assister: après tout, c’était peut-être un moyen pratique de ne pas être trop triste.
Entre-temps, alors que nous approchions de la tombe dite des Trois Frères, je remarquai, et cela m’avait échappé au début, que de ce côté la montagne changeait de nature, elle perdait son rouge, son rongement ; des collines arrondies apparaissaient qui faisaient l’effet d’un négatif, en ce sens qu’elles inversaient les couleurs telles qu’on les voit habituellement: un gris comme du plomb se trouvait sur toutes les parties les plus saillantes, tandis qu’un jaune paille, doux, apparaissait dans les creux des ravins jusqu’aux parties les plus basses. C’était du sable, le fameux sable que je n’avais pas encore rencontré, que le vent accumulait dans les parties creuses, tandis qu’il balayait les parties en relief où la pierre argentée restait nue. L’effet, même expliqué, m’est toujours resté exotique: et puis j’ai compris pourquoi. Ces monticules ressemblaient à des chats siamois, c’était le même point de jaune, et presque le même point sombre entre le plomb et le charbon. Mais surtout c’était la même inversion qui rend les chats siamois si exotiques, habitués que nous sommes à nos chats qui ont généralement un masque clair sur fond sombre, un bout de queue clair, des pédales blanches, comme les chevaux, mais pas tout à fait l’inverse des siamois. Les montagnes au goût de chat ont donc exercé une nouvelle fascination sur Palmyre.
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