Focus restauration du polyptyque de l'Agneau mystique. Troisième épisode : phases 1 et 2 de la restauration


Troisième volet du focus sur la restauration du polyptyque de l'Agneau mystique. Nous discutons de la première et de la deuxième phase de la restauration.

En bref, il s’agit de la restauration du polyptyque de l’Agneau mystique, le chef-d’œuvre de Jan van Eyck (Maaseik, vers 1390 - Bruges, 1441) et de son frère aîné, Hubert van Eyck ( ? - Gand, 1426), conservé dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand, en Flandre. Dans ce troisième volet de notre dossier sur la restauration (le premier traitait de l’historique des interventions précédentes et des matériaux, le second de la campagne d’expertise), nous examinons en détail les deux premières phases de l’intervention, réalisée par les techniciens du KIK-IRPA (Institut royal du patrimoine culturel) à Bruxelles, sous la direction d’Hélène Dubois, d’un coût de 2,1 millions d’euros et financée à 80 % par le gouvernement flamand (à parts égales entre l’Agence du patrimoine de Flandre et le Département de la culture, de la jeunesse et des médias, qui ont chacun soutenu la restauration à hauteur de 40 %) et à 20 % par le Fonds Baillet Latour (une fondation sans but lucratif qui soutient les arts et la culture depuis 1974). La première phase, qui a duré exactement quatre ans (d’octobre 2012 à octobre 2016), concernait les panneaux extérieurs, ceux que l’on peut voir lorsque la machine complexe des frères van Eyck est fermée : les quatre panneaux avec l’Annonciation, les deux sibylles et les deux prophètes dans le cimatium, et les quatre panneaux du registre inférieur (sur les côtés, les représentations du commanditaire, le noble Joos Vijd, et de son épouse Lysbette Borluut, et au centre les deux saints en grisaille, à savoir Jean le Baptiste et Jean l’Évangéliste).

Le premier indice, qui ressort également de la campagne d’investigation menée pendant deux ans avant la restauration, est qu’une grande partie des panneaux a été recouverte de repeints datant de différentes époques (mais surtout concentrés entre les XVIe et XVIIe siècles : en tout cas très éloignés de la date de création du polyptyque, que la famille van Eyck date de 1432 par une inscription), et s’étendant sur environ 70 % de la surface peinte. Dans le cas des cadres, le repeint a plutôt touché toute la surface, à tel point qu’avant la restauration, les cadres semblaient complètement altérés, avec une couleur nettement plus foncée et radicalement différente de l’original. En bref, depuis le XVIIe siècle, personne n’avait pu voir le polyptyque de l’Agneau mystique tel qu’il apparaissait à l’origine. Et ce n’est pas tout : le repeint lui-même était masqué par une peinture jaunie qui recouvrait une grande partie de l’œuvre. Comme c’est le cas pour toutes les restaurations présentant des situations similaires, les techniciens et les experts internationaux ont été appelés à décider s’il fallait ou non enlever le repeint. Ce fut également le cas lors de la précédente restauration en 1950-1951 (réalisée par Albert Philippot), où il avait été décidé de n’effectuer qu’une intervention conservatrice sans altérer l’aspect de l’œuvre. Cette fois-ci, c’est le contraire qui a été décidé : les restaurateurs ont réalisé qu’il était possible d’enlever les repeints sans endommager la peinture, étant donné que (comme nous l’avons vu dans le deuxième volet de ce numéro spécial), le polyptyque était en bonne santé et que les zones les plus sensibles (c’est-à-dire celles qui risquaient de perdre des parties de la peinture) avaient déjà été sécurisées par une intervention urgente dirigée par Anne van Grevenstein en 2010.

L'atelier de restauration du Museum voor Schone Kunsten à Gand
L’atelier de restauration au Museum voor Schone Kunsten de Gand



Le polyptyque fermé, avant et après restauration
Le polyptyque fermé, avant et après la restauration

La première étape a consisté à transférer les panneaux de la cathédrale Saint-Bavon au Museum voor Schone Kunsten de Gand (où se tient d’ailleurs, jusqu’au 30 avril 2020, la grande exposition sur Jan van Eyck, la plus grande exposition monographique jamais réalisée sur le peintre flamand), qui a été identifié comme l’endroit le plus approprié pour mener à bien les opérations, notamment en raison du fait que le public pourrait les suivre en temps réel. C’est ce qui s’est passé : les visiteurs du musée sont passés devant une salle-atelier dotée de grandes fenêtres (onze mètres de long et un mètre soixante-dix de haut) qui leur ont permis de voir ce que les restaurateurs étaient en train de faire à ce moment-là. C’est dans cette salle, bien sûr, que sont créées les conditions climatiques nécessaires à tous les travaux, avec une humidité maintenue à un niveau constant de 60 % et une lumière neutre spécialement conçue pour réduire l’éblouissement. Une fois le laboratoire installé et le transfert effectué, il a été possible de procéder d’abord à l’évaluation du support (qui a fait l’objet d’un traitement mineur, compte tenu de son bon état : seules les fractures les plus évidentes, qui constituaient de toute façon un problème mineur, ont été soignées), puis de procéder aux travaux sur les cadres des compartiments, premier élément du polyptyque à faire l’objet des soins des restaurateurs. Comme nous l’avons dit, ils avaient été entièrement repeints : six d’entre eux avaient été recouverts d’une patine couleur bronze, tandis que les cadres des deux panneaux centraux de l’Annonciation (celui avec la vue de la ville et celui avec la vue de l’intérieur) avaient même été recouverts de noir. Il n’a pas été possible de restituer complètement l’aspect original des cadres, car les repeints avaient surtout altéré les émaux que Van Eyck y avait appliqués, mais il était néanmoins possible d’observer comment l’artiste avait imaginé une élégante structure à feuilles d’argent avec de petits inserts punctiformes colorés, dans l’intention d’imiter des arcs de pierre: une impression qui avait été perdue à cause des chevauchements.

Par la suite, les restaurateurs ont travaillé à l’élimination du vernis, ce qui a donné deux résultats importants : d’une part, un résultat esthétique, puisqu’il a été possible d’éliminer la patine jaune la plus superficielle, et d’autre part, il a été possible de comprendre l’étendue réelle de la réfection de la peinture. Une fois le vernis enlevé, chaque partie de la surface a été analysée afin de comprendre jusqu’où remontaient les recouvrements. On connaît mal les vernis en usage au XVe siècle, car ils sont souvent enlevés lors des restaurations (et, comme nous l’avons vu dans le premier volet de ce dossier, le polyptyque de l’Agneau mystique a eu une histoire assez tourmentée à cet égard). Le vernis, qui sert à protéger la peinture de l’action des agents extérieurs, est transparent lorsqu’il est appliqué et n’altère pas la perception des couleurs, mais selon les composés avec lesquels il a été fabriqué, il peut subir des processus d’oxydation qui, au contraire, modifient l’aspect de l’œuvre, la faisant paraître jaune, et ayant un impact très fort sur la lisibilité de la peinture. Les vernis cétoniques utilisés après la restauration de 1950-1951 en sont un exemple : il s’agit de matériaux qui non seulement ont tendance à jaunir avec le temps, mais qui deviennent également plus difficiles à enlever. C’est précisément la présence de ces peintures qui a été l’une des principales raisons pour lesquelles il a été décidé d’entamer une longue restauration. L’enlèvement a été effectué à l’aide de solvants spéciaux, qui ont été choisis en fonction du type de vernis auquel les restaurateurs ont été confrontés dans les différentes parties de la surface du tableau.

Un des cadres après restauration
Un des cadres après restauration



Enlèvement de la peinture sur la figure de saint Jean-Baptiste pendant la restauration (déjà enlevée sur une partie de la robe, l'agneau et la moitié droite de l'arc)
Enlèvement du vernis sur la figure de saint Jean-Baptiste pendant la restauration (déjà enlevé sur une partie de la robe, sur l’agneau et sur la moitié droite de l’arc)



Enlèvement de la peinture sur le sibylle droit à différents stades des opérations
Enlèvement de peinture sur la sibylle droite au cours des différentes phases d’intervention



Enlèvement de la peinture sur la figure de Lysbette Borluut, avant et après traitement
Enlèvement du vernis sur la figure de Lysbette Borluut, avant et après traitement

Les restaurateurs, parvenus à ce stade, ont poursuivi l’enlèvement des repeints. Dans l’Antiquité, il y avait principalement deux raisons pour lesquelles de nouvelles couches de peinture étaient appliquées à la surface d’un tableau après un certain temps (voire des siècles) : d’une part, parce que la peinture se détériorait et que repeindre était le seul moyen connu de réparer les dégâts, et d’autre part (moins fréquent, mais le cas se présente aussi pour le polyptyque de l’Agneau mystique), pour mettre l’œuvre à jour car les canons esthétiques d’une époque avaient changé (c’était le cas, comme nous l’avons également expliqué dans ces pages, pour le museau de l’agneau protagoniste de la peinture des frères van Eyck). Et il n’est pas toujours facile d’enlever les repeints, car dans l’Antiquité les peintres utilisaient les mêmes matériaux que leurs prédécesseurs. Dans le cas du polyptyque de l’Agneau mystique, comme nous l’avons vu dans l’épisode sur la campagne d’investigation, diverses techniques (radiographie, fluorescence X, réflectographie infrarouge) ont été utilisées pour examiner les différentes parties repeintes et comprendre comment procéder à leur enlèvement. Cette opération est peut-être la plus délicate de l’intervention, car elle doit être effectuée sur des zones millimétriques de la surface peinte, à l’aide d’un burin spécial, à manœuvrer à l’aide d’un microscope binoculaire, et parfois à l’aide de solvants ou d’autres instruments. Une fois cette opération terminée, deux étapes doivent être franchies : la première consiste à consolider ce qui a été mis au jour, afin de garantir la solidité et la stabilité des matériaux d’origine. La consolidation est particulièrement importante dans les zones où le film de peinture s’est décollé: dans ce cas, les quelques parties qui présentaient ce problème ont été consolidées à l’aide d’isinglass, appliqué à l’aide de papier japonais et de pinceaux très fins, afin de faire adhérer les parties décollées à la surface (le papier japonais est enlevé lorsque la colle sèche).

La seconde consiste à combler les lacunes: il peut arriver que des parties importantes de la peinture aient été perdues, et dans ce cas les restaurateurs utilisent des techniques aussi identiques que possible à celles utilisées par l’auteur de l’œuvre afin de l’intégrer de la manière la plus appropriée (ou, si les techniques du XVe siècle ne peuvent pas être utilisées, des couleurs modernes imitant les couleurs anciennes sont employées : c’est ce qui a été fait pour le polyptyque de l’Agneau mystique). La restauration, en ce sens, vise à rendre à la peinture son intégrité. Elle est toutefois réalisée de telle sorte que les ajouts ne couvrent pas les parties originales qui ont survécu, et qu’ils soient réversibles, de sorte qu’ils puissent être facilement enlevés à l’avenir si une nouvelle intervention s’avère nécessaire (c’est du moins ce que la pratique moderne de la restauration prescrit dans des cas comme celui-ci). Afin de garantir la séparation entre l’original et les “retouches”, les restaurateurs de KIK-IRPA ont recouvert la peinture d’une fine couche de vernis à base de résine dammar, sur laquelle ils ont ensuite appliqué une première couche de couleur de base, qui a reçu une nouvelle couche de vernis, sur laquelle des pigments ont à leur tour été appliqués en couches progressives. Le tout a été complété par une nouvelle couche de peinture qui a reçu des couleurs spéciales Gamblin (des couleurs spécialement conçues pour la restauration et faciles à enlever), puis une dernière couche de peinture à la résine Damar pour égaliser le tout.

Suppression de la peinture
Retrait des repeints



Le repeint sur la figure de Lysbette Borluut
Le repeint sur la figure de Lysbette Borluut



Saint Jean-Baptiste avant et après la réparation des lacunes
Saint Jean-Baptiste avant et après la réparation des lacunes



Le restaurateur rétablit les lacunes
Le restaurateur effectue la réparation des lacunes



Les restaurateurs comblent le déficit
Le restaurateur répare les lacunes



L'équipe KIK-IRPA à la fin de la deuxième phase de restauration
L’équipe KIK-IRPA à la fin de la deuxième phase de restauration

La première phase de la restauration a donc permis d’obtenir plusieurs résultats importants : la découverte des couleurs originales des prophètes, des sibylles, des figures des mécènes, l’acquisition de nombreuses informations sur la technique picturale de Jan van Eyck (c’est (c’est à lui que les critiques tendent à attribuer les figures des panneaux fermés, tandis que les trois figures centrales du polyptyque ouvert sont généralement attribuées à Hubert, bien que les spécialistes n’en soient pas certains), la récupération complète des figures de saint Jean-Baptiste et de saint Jean l’Évangéliste, que Jan avait peintes à l’imitation de deux statues, la récupération complète des cadres, l’obtention d’une meilleure lisibilité de la peinture, la possibilité d’admirer les couleurs originales des prophètes, des sibylles, des figures des mécènes, les de la peinture, la possibilité d’admirer à nouveau le surprenant illusionnisme perspectif de la scène de l’Annonciation.

Les mêmes opérations ont été répétées pendant la deuxième phase de la restauration (qui a duré de novembre 2016 à décembre 2019), qui concernait le registre inférieur du polyptyque ouvert (y compris le panneau avec la copie moderne du panneau des Juges intact, qui, comme nous le savons, a été volé en 1934 et donc remplacé : il avait également besoin d’être restauré) et était celui qui avait la plus grande résonance médiatique, compte tenu des résultats obtenus avec l’Agneau. Avant que les panneaux ne soient envoyés au Museum voor Schone Kunsten de Gand, ceux qui avaient déjà été restaurés ont été restitués à la cathédrale Saint-Bavon : le public qui a visité la cathédrale pendant toutes les phases de l’intervention n’a jamais été privé du polyptyque. Dans le cas du registre inférieur du polyptyque ouvert, il s’est avéré que les repeints affectaient 50 % de la surface du compartiment central (celui avec la scène de l’adoration de l’agneau mystique) et environ 10 à 15 % des panneaux latéraux, et là aussi, les restaurateurs ont suivi la même procédure que lors de la première phase : enlèvement du vernis et repeint, consolidation et réparation des lacunes. La peinture originale était dans un excellent état de conservation : on estime que seuls 5 % de ce que les frères van Eyck ont peint ont été perdus.

La restauration n’est pas encore terminée : 2020 est l’année de la troisième phase, l’achèvement de la restauration du registre supérieur du polyptyque ouvert. En attendant, le public peut voir les panneaux déjà restaurés : ceux de la deuxième phase dans la cathédrale Saint-Bavon, où ils sont retournés le 24 janvier, et ceux restaurés lors de la première phase sont présentés dans l’exposition Van Eyck. Une révolution optique, l’exposition majeure du Museum voor Schone Kunsten de Gand : elles reviendront dans l’église en mai. Le public pourra voir l’ensemble du polyptyque réuni à partir du 8 octobre dans la cathédrale Saint-Bavon de Gand.

Focus restauration du polyptyque de l'Agneau mystique. Troisième épisode : phases 1 et 2 de la restauration
Focus restauration du polyptyque de l'Agneau mystique. Troisième épisode : phases 1 et 2 de la restauration


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