Saint Lazare de Domenico Fiasella: un chef-d'œuvre de "caravagisme revisité" pour chasser la peste


En 1616, Domenico Fiasella, l'un des plus grands artistes du XVIIe siècle en Ligurie, offrit à l'hôpital San Lazzaro de Sarzana l'un de ses chefs-d'œuvre, dont le but était d'invoquer la protection de la ville.

Dans cette mince bande de plaine à la frontière entre la Toscane et la Ligurie, coincée entre les collines d’un côté et la mer de l’autre, le voyageur qui roule sur l’Aurelia en direction de Sarzana remarquera à un moment donné, parmi les activités commerciales, les entrepôts et les champs cultivés qui parsèment cette zone industrielle, une petite église du XIXe siècle à l’aspect anonyme, collée sur le bord gauche de la route nationale, et précédée de trois tilleuls qui semblent être trois tilleuls. Parmi les activités commerciales, les entrepôts et les champs cultivés qui parsèment cette zone industrielle, une petite église du XIXe siècle à l’aspect anonyme, collée au bord gauche de la route nationale, et précédée de trois tilleuls qui semblent presque monter la garde au-dessus d’elle. C’est l’église de San Lazzaro, un hameau de Sarzana: une poignée de petites villas, d’ateliers et d’entrepôts au milieu de la campagne, surveillée par les Colline del Sole, où les vignobles et les oliveraies se disputent les pentes douces qui descendent vers la plaine de la Magra.

C’est là que se trouvait l’ancien hôpital, dont il ne reste aujourd’hui qu’une ruine sur la route d’Aurelia, à quelques centaines de mètres au sud de l’église: Mentionné dès le XIIe siècle, il accueillait les voyageurs et les pèlerins qui se rendaient à Rome, en particulier les malades, le long de la Via Romea (ou Via Francigena, selon les termes des classifications touristiques contemporaines) qui descendait de la Lunigiana, traversait la vallée de la Magra puis, en touchant le village d’Avenza, traversait la Riviera apuane et continuait en direction de la Versilia. À l’endroit où se trouve aujourd’hui la commune de San Lazzaro, il n’y avait autrefois rien: un simple hôpital entouré de maquis. Au XVIIIe siècle, l’hôpital fut fermé et ses installations furent transformées pour être utilisées à des fins agricoles: l’histoire des anciens voyageurs s’achevait, celle du commerce moderne commençait. La chapelle du couvent eut un héritier: en 1842, la paroisse de San Lazzaro fut créée et il fut décidé de construire la nouvelle église, qui fut commencée l’année suivante et consacrée en 1880. Mais déjà quelques années plus tôt, au milieu des années 1970, la petite chapelle commençait à se vider: l’historien local Achille Neri avait déploré la dégradation du lazaret, souhaitant un emplacement plus digne pour ses richesses. Et il fut écouté. C’est pourquoi cette petite église, si jeune et si ordinaire, recèle un trésor extraordinaire, l’une des peintures les plus fascinantes de la Ligurie du XVIIe siècle: San Lazzaro che implorare la Vergine per la città di Sarzana (Saint Lazare implorant la Vierge pour la ville de Sarzana), un chef-d’œuvre précoce de Domenico Fiasella.

Domenico Fiasella, San Lazzaro implorant la Vierge pour la ville de Sarzana (1616 ; huile sur toile, 213 x 149 cm ; Sarzana, San Lazzaro)
Domenico Fiasella, San Lazzaro implorant la Vierge pour la ville de Sarzana (1616 ; huile sur toile, 213 x 149 cm ; Sarzana, San Lazzaro)

Le grand artiste sarzanais avait exécuté l’œuvre en 1616, en à peine un mois, à son retour d’un long stage à Rome qui avait duré dix ans: De toute évidence, Fiasella a dû sentir très tôt qu’il possédait un talent exceptionnel, puisqu’il a manifesté très tôt son intention de se rendre dans la capitale des États pontificaux pour observer de près ce que ni sa ville natale ni Gênes, où il s’était installé peu de temps auparavant pour étudier auprès de Giovanni Battista Paggi, n’étaient en mesure de lui offrir: la possibilité d’apprendre le métier auprès des plus grands. À Rome, Fiasella peut observer les peintures du Caravage et des Caravagesques, d’Orazio Gentileschi, de Guido Reni et des Bolonais, ainsi que les plus illustres représentants de la manière, de Federico Zuccari à Cigoli.

On retrouve donc dans la toile de San Lazzaro de nombreux indices que Domenico Fiasella a su tirer de l’observation des artistes les plus en pointe de son temps. Il s’agit d’une œuvre facile à lire: une caractéristique qui sera propre à presque toute la production de Fiasella. Saint Lazare, vêtu de haillons, est agenouillé aux pieds de la Vierge qui lui apparaît assise sur un trône de nuages, entourée d’une foule d’anges, parmi lesquels se trouve un ange bizarre aux ailes noires. Les personnages sont très proches, mais ils ne pourraient être plus éloignés: le profil rude, sale et populaire de saint Lazare est à l’opposé de la candeur et de la pureté de cette Vierge adolescente, qui le regarde avec compassion en tenant l’Enfant dans ses mains, appuyée de manière instable sur son genou gauche. Mais il n’y a pas de contraste: la rencontre entre naturalisme et classicisme est équilibrée, harmonieuse. Elle deviendra l’un des éléments distinctifs du grand art de Domenico Fiasella. Saint Lazare, accompagné d’un des chiens qui, dans la parabole évangélique, lèchent ses plaies, invoque la protection de la ville de Sarzana: Nous voyons la ligne d’horizon en contrebas, parmi les nuages annonçant des orages lugubres, avec la Porta del Mare disparue, le clocher de la cathédrale et celui de l’église Sant’Andrea se détachant sur les bâtiments qui l’entourent, et au milieu la puissante silhouette de la forteresse de Sarzanello, qui domine en réalité la ville du haut d’une colline, mais que le peintre a peinte comme si elle se trouvait au centre.

Le tableau a été commandé le 4 mars 1616 à Domenico Fiasella par les protecteurs de l’Opera di Santa Maria, responsables de l’église de l’hôpital, à laquelle le retable était destiné. Le jeune peintre n’a pas déçu les attentes: il a livré “une œuvre de grand engagement”, écrit Piero Donati, “par laquelle Fiasella, alors âgé de 27 ans, a voulu montrer à ses concitoyens qu’il avait bien profité des longues années qu’il avait passées à Rome”. Ce que nous avons sous les yeux dans l’église de San Lazzaro est donc un chef-d’œuvre de “naturalisme tempéré ou caravagisme revisité”, pour reprendre l’expression de Donati: “on peut voir ici, dans la figure du saint mendiant, une participation convaincue de Fiasella aux expériences sur la nature menées par les disciples du Caravage, et en particulier par Baburen et Jusepe de Ribera”. Fiasella observait depuis longtemps les œuvres du Hollandais et de l’Espagnol dans la collection de Vincenzo Giustiniani, que le peintre avait rencontré en 1611: le noble génois allait d’ailleurs devenir un de ses partisans convaincus, puisque quatre œuvres de Domenico Fiasella sont mentionnées dans les inventaires de sa collection dressés peu après sa mort. Le naturalisme du Caravage est donc le phare sous lequel l’artiste de Sarzana modèle le corps de saint Lazare, un corps vivant et présent: La lumière fait ressortir les muscles du bras, la couleur olivâtre de la peau du mendiant est accentuée par la blancheur des haillons noués autour de sa taille et souillés de manière réaliste par le pinceau de l’artiste (jusqu’au bandage sanglant enroulé autour de la jambe de Saint-Lazare), son visage décharné est saisi dans une expression douloureuse et suppliante.

La Vierge, en revanche, surprend par sa beauté cristalline, délicate, éthérée, classique, qui rappelle l’art des Carrache ou de Giovanni Lanfranco, également connu à Rome. Elle est placée sur un trône en vue de trois quarts, exactement comme la Madone du Retable de Sarzana d’Andrea del Sarto, un chef-d’œuvre qui s’est retrouvé plus tard en Allemagne et a été détruit dans l’incendie de la Flakturm de Friedrichshain. L’œuvre du Florentin avait été l’un des textes fondateurs de la formation de Domenico Fiasella: Raffaele Soprani, dans ses Vies, nous renvoie l’image d’un Fiasella qui observe, étudie attentivement et dessine encore et encore le panneau d’Andrea del Sarto, qui “lui a si bien enseigné la vraie règle du bon dessin, la maîtrise de la composition et la belle pratique de la coloration avec douceur, qu’il réussit à se faire remarquer parmi tous ceux qui, de nos jours, ont coloré des toiles avec un travail de pinceau exquis”. Il est agréable de penser que Fiasella a voulu rendre hommage à son maître idéal: le bandeau qui retient les cheveux de la Vierge, décidément démodé au début du XVIIe siècle, est identique à celui que l’on pouvait voir dans le retable d’Andrea del Sarto.

Et il est intéressant de penser que le retable était destiné à sauver Sarzana des dangers qui auraient pu la menacer. Des dangers auxquels fait référence la tempête allégorique qui s’abat sur la ville, menaçant d’obscurcir les bâtiments et les quelques présences humaines qui y sont aperçues, et des dangers très spécifiques, étant donné que Lazare était vénéré comme le protecteur des lépreux: la maladie, la peste, les épidémies. À l’époque, on s’en remettait aux saints: ainsi, le chef-d’œuvre de Domenico Fiasella n’est plus seulement une œuvre d’art extraordinaire, mais une mémoire qui nous parle, un témoignage vivant qui nous rappelle comment nous étions et nous fait réfléchir à comment nous sommes.


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