Le Grand Reptile de Pino Pascali, le dinosaure qui nous invite à ne pas nous prendre au sérieux


Œuvre emblématique du XXe siècle à Livourne, le Grand Reptile de Pino Pascali (Bari, 1935 - Rome, 1968) est peut-être la plus connue des "fausses sculptures" de l'artiste des Pouilles. Une œuvre qui efface la solennité de la sculpture et nous invite à ne pas nous prendre au sérieux.

Il est difficile de croire que l’une des œuvres d’art qui est devenue un symbole du XXe siècle à Livourne, le Grand Reptile de Pino Pascali, a passé une partie de son existence enterrée dans une cave. La municipalité de Livourne l’avait achetée en 1967, dans le cadre de la huitième et dernière édition du prix Amedeo Modigliani, pour la somme de trois cent cinquante mille lires. Soit un peu plus de trois mille euros en 2022. Une somme dérisoire, ridicule, si l’on pense que l’année suivante, Pascali, au sommet de sa carrière et de son succès, devait exposer à la Biennale de Venise, peu de temps avant son fatal accident de moto. La municipalité de Livourne avait été prévoyante: aujourd’hui, on insiste beaucoup dans la ville sur le fait que le Grand Reptile a été la première œuvre de Pino Pascali achetée par une institution publique. Ensuite, manifestement, la municipalité l’avait oubliée, comme cela arrivait souvent (et comme cela arrive malheureusement encore) lorsqu’une administration municipale se retrouve à devoir gérer une œuvre contemporaine ou d’un passé récent, et pendant sept ans l’œuvre est restée dans l’obscurité, risquant de subir des dommages difficilement réparables. Le grand dinosaure de l’artiste des Pouilles réapparaît en 1974, lorsqu’un groupe de critiques d’art commence à planifier le futur musée d’art progressif, qui sera situé à Villa Maria, là où se trouve aujourd’hui une partie de la bibliothèque Labronica.

Le Grand Reptile devait jouer un rôle central dans l’aménagement du nouveau musée et il était donc nécessaire de le restaurer. Elio Marchegiani, qui avait vécu à Livourne jusqu’en 1965, était un ami proche de Pino Pascali, et Vera Durbè lui avait demandé de mettre en ordre l’œuvre de son ami pour rendre justice à la négligence qui l’avait outragée. “Une demande vraiment déconcertante”, aurait déclaré Marchegiani lors d’une interview. “Vera Durbè et, plus tard, le critique Calvesi, qui avaient récompensé Pascali, me firent remarquer que moi seul, qui avais fréquenté l’atelier de Pascali et y avais passé un certain temps en tant qu’invité, pouvais, après l’avoir vu travailler, mais aussi grâce à l’expérience manuelle que je possédais, m’attaquer au nettoyage et à la restauration de l’œuvre, en connaissant les secrets de son exécution. C’est ainsi que j’ai accepté la commande et que j’ai reçu les compliments de Vera Durbè et de Maurizio Calvesi”.

Pino Pascali, Grand Reptile (1967 ; toile sur châssis en bois, 195 x 73 x 445 cm ; Livourne, Museo della Città)
Pino Pascali, Grande Rettile (1967 ; toile sur châssis en bois, 195 x 73 x 445 cm ; Livourne, Museo della Città)

Le Museo d’Arte Progressiva avait réservé une salle entière au Grand Reptile : la silhouette de l’être de Pascali apparaissait, solitaire, au centre d’un environnement dépouillé qui exaltait le profil de l’animal. Il s’agit d’une œuvre à mi-chemin entre la peinture et la sculpture, qui s’inscrit dans la même recherche que celle menée à l’époque par des artistes comme Piero Manzoni, Agostino Bonalumi, Enrico Castellani et Turi Simeti: se déplacer à la frontière entre les deux arts, jouer sur la relation millénaire entre la peinture et la sculpture, hybrider leurs moyens, contaminer leurs résultats et leurs pratiques. Pascali avait trouvé sa propre voie avec ce qu’il appelait les “fausses sculptures”: il ne s’agissait que de structures nervurées sur lesquelles l’artiste tendait une toile vierge, afin d’imiter les formes, l’aspect et, pourrait-on dire, même le poids des sculptures en marbre ou en pierre. Car ce sont de grandes sculptures monumentales, mais très légères, puisqu’elles sont faites de matériaux eux-mêmes légers et creux à l’intérieur. Et puis, contrairement à la plupart de ses collègues, Pascali n’a pas rompu ses liens avec la réalité phénoménale, qui est d’ailleurs à la base de ses sculptures factices: ce sont surtout les animaux qui animent son imagination ludique. Les préhistoriques, en particulier: le Grand Reptile fait penser à un dinosaure, mais sans chercher la vraisemblance. Réduit à l’essentiel, étudié dans ses formes les plus élémentaires, il semble naître du dessin d’un enfant qui trace la silhouette du dinosaure sur la feuille de son cahier: le long cou, la petite tête, la queue, les écailles le long de la colonne vertébrale.

On peut certainement constater que Pino Pascali connaissait bien les exemples de Hans Arp et de Constantin Brâncu?i, il connaissait la clarté raffinée de leurs œuvres, il connaissait l’équilibre d’une simplification formelle qui condense la nature dans la poésie de ces lignes élégantes, il connaissait l’imprévisibilité d’Arp et le désir d’élévation de Brâncu?i. Vittorio Rubiu a comparé le Grand Reptile de Pascali, et ses animaux en général, aux Stabiles d’Alexander Calder. Mais c’est dans la pureté presque enfantine de cette œuvre que se trouve sa dimension la plus originale, une pureté qui, en investissant la sculpture d’une délicate légèreté, la dépouille de sa solennité pour la rapprocher de nous qui l’observons, une pureté chargée d’une ironie qui permet à l’œuvre du doigt d’être ce qu’elle n’est pas, et qui lui permet d’être ce qu’elle n’est pas.Cette pureté est chargée d’une ironie qui permet à l’œuvre du doigt d’être ce qu’elle n’est pas et qui permet à l’observateur de saisir, d’une part, l’harmonie de la synthèse de l’œuvre de Pascali et, d’autre part, “la justesse de ces coupes nettes et précises, la beauté de ces profils”, écrit Rubiu, comme s’il était donné à l’observateur d’entrer dans le processus de l’œuvre. “Et c’est alors, poursuit le critique, que se révèlent la monumentalité et en même temps la légèreté de ces animaux qui semblent être des sculptures, bien que ”fausses“, bien que faites de rien [...]. Ce n’est pas seulement la légèreté qui enlève le sérieux à la sculpture, mais la légèreté qui vient de l’utilisation et de la couleur même du matériau, ce blanc qui s’étend pour ainsi dire à la surface tendue de la toile et transforme l’espace en image”.

Pino Pascali a introduit la poésie de la légèreté dans la recherche de la peinture d’objet dans les années 1960: c’est là que se trouve l’originalité de sa Grande rettile. Avec lui, la recherche sur la possibilité d’abolir la frontière entre peinture et sculpture prend des allures ludiques, brillantes, si l’on peut dire même légères. Aujourd’hui, son œuvre est encore au cœur d’une pièce à part entière: elle trône au centre du parcours du nouveau musée de la ville de Livourne, dans le quartier de Venezia, où a également été accueillie la collection d’art contemporain de la municipalité. Après la fermeture du Museo d’Arte Progressiva, l’œuvre a d’abord été transférée au Museo Civico di Villa Mimbelli, puis, avec l’ouverture du nouveau musée en 2018, elle a trouvé sa place définitive. Une seule pièce pour le Grand Reptile, mais avec une atmosphère complètement différente: des murs blancs de Villa Maria, le dinosaure de Pino Pascali s’est retrouvé dans la nef du baroque tardif de l’église Luogo Pio, qui a été déconsacrée et fait partie du parcours muséal. Le grand reptile se détache dans l’espace du maître-autel, sous les stucs du XVIIIe siècle, dans le grand espace conçu en 1713 par Giovanni del Fantasia.

Et nous aimons à penser que, dans ce lieu, le reptile de Pino Pascali parvient à transmettre son contenu mieux que jamais. Son œuvre est aussi une invitation à ne pas se prendre au sérieux, surtout si l’on évolue dans un milieu, celui de l’art, qui n’a pas grand-chose à apprendre des autres en matière d’ambiguïté, de duplicité, de vacuité et de faux-semblants divers. Il a été dit plus haut qu’en 1968, Pino Pascali a participé à sa première et malheureusement dernière Biennale de Venise. Cette édition restera dans l’histoire comme la “Biennale du policier”, en raison des affrontements entre étudiants et policiers qui eurent lieu en marge de l’inauguration. Nombreux sont les artistes qui réagissent en protestant: Pascali a écrit un télégramme exprimant sa condamnation à l’égard de tous, et a décidé de faire fermer la salle avec ses œuvres. Comme un garçon devenu “insupportable”, Pascali ne supporte plus l’hypocrisie du monde des adultes et, en jouant, le déstabilise“, écrit Rachele Ferrario. ”Après tout, le sentiment de révolte est dans ses sculptures elles-mêmes. Et le Grand Reptile n’échappe pas à ce sentiment de révolte: ce grand dinosaure continue d’être subversif, avec sa légèreté enfantine, son essentialité lyrique.


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