Croyons-nous vraiment que le système artistique donne une voix aux marginaux ?


Le monde de l'art semble embrasser une pluralité de voix qui a longtemps été exclue : mais dans quelle mesure ce changement est-il réel, si le système de l'art contemporain est enraciné dans des logiques eurocentriques et capitalistes ? La vraie diversité passe par autre chose. Une réflexion de Federica Schneck.

Imaginez que vous entrez dans une galerie d’art contemporain. Les murs blancs abritent des œuvres d’artistes venus des quatre coins du monde : des peintures évoquant les luttes postcoloniales, des installations racontant des histoires de genre et de sexualité, des sculptures célébrant les traditions indigènes. À première vue, il s’agit d’une révolution: le système artistique semble enfin embrasser la pluralité des voix qui ont été exclues pendant trop longtemps. Cependant, derrière cette apparente ouverture se cache une question inconfortable : dans quelle mesure ce changement est-il réel? Dans quelle mesure s’agit-il plutôt du résultat d’un système qui a appris à se parer de diversité sans vraiment se transformer ? Et dans quelle mesure s’agit-il plutôt d’une stratégie visant à répondre aux pressions sociales sans vraiment changer la dynamique du pouvoir ?

Si l’on regarde la scène artistique contemporaine, on ne peut nier qu’il y a eu des avancées en termes de représentation. Des artistes comme Kara Walker, Zanele Muholi ou Tania Bruguera ont gagné des espaces dans les musées les plus prestigieux, et des sections entières de foires et de biennales sont consacrées à la promotion de voix émergentes issues de milieux marginalisés. Cependant, il y a une grande différence entre la représentation et la transformation. Mettre en avant la diversité n’équivaut pas nécessairement à changer les dynamiques de pouvoir qui régissent le système artistique.

Examinons qui décide. Qui sont les conservateurs, les directeurs de musée, les collectionneurs et les galeristes qui déterminent ce qui mérite d’être exposé, acheté et célébré ? Dans de nombreux cas, ces personnalités restent ancrées dans une éliteblanche, masculine et riche. Cela signifie que même lorsqu’une œuvre d’art raconte des histoires de marginalité ou de résistance, elle est médiatisée et insérée dans un système qui continue à refléter des valeurs et des priorités qui n’ont pas grand-chose à voir avec la pluralité qu’elle est censée représenter. La diversité risque donc de devenir un outil commode pour légitimer un système dont la structure n’a pas réellement changé.

Kara Walker, Burning African Village Play Set with Big House and Lynching (2006 ; acier peint découpé au laser, 61 x 97,2 x 228,6 cm ; New York, Brooklyn Museum)
Kara Walker, Burning African Village Play Set with Big House and Lynching (2006 ; acier peint découpé au laser, 61 x 97,2 x 228,6 cm ; New York, Brooklyn Museum)
Zanele Muholi, Zuzile, Liège (2023 ; impression sur dibond, 60 x 43 cm)
Zanele Muholi, Zuzile, Liège (2023 ; impression sur dibond, 60 x 43 cm)
Tania Bruguera, Tatlin's Whisper #5 (2008, la photo montre la performance de 2016 à la Tate Modern)
Tania Bruguera, Tatlin’s Whisper #5 (2008, la photo montre la performance à la Tate Modern en 2016)

La question de la diversité dans le système artistique ne concerne pas seulement qui est représenté, mais aussi comment et pourquoi. Le système artistique contemporain est profondément ancré dans des logiques eurocentriques et capitalistes, qui définissent la valeur de l’art en fonction de sa qualité marchande et de sa capacité à attirer l’attention sur les marchés mondiaux.

L’aspect critique se trouve dans la manière dont la diversité est “consommée” par le système de l’art contemporain. Les artistes issus de milieux non occidentaux ou marginalisés doivent souvent répondre à une question spécifique : être les représentants d’un “autre” exotique ou politiquement correct qui répond aux attentes du public mondial. Dans ce processus, leurs œuvres sont conditionnées pour être facilement absorbées par le marché, perdant ainsi une partie de leur complexité et de leur potentiel critique. Il en résulte une forme de "diversité domestiquée", dans laquelle les voix marginalisées sont présentes, mais uniquement sous des formes et dans des contextes qui ne remettent pas en question les hiérarchies culturelles et sociales existantes.

Par exemple, un artiste qui explore les conséquences du colonialisme peut être célébré dans de grandes expositions internationales, mais dans quelle mesure cette célébration se traduit-elle par une véritable remise en question des structures coloniales qui imprègnent encore le système artistique ? Les histoires et les expériences individuelles deviennent une marchandise, un produit qui peut être vendu et consommé sans modifier le mécanisme qui le génère.

Si la véritable diversité ne se limite pas à la représentation, mais exige une transformation des structures de pouvoir, il est nécessaire de repenser le système artistique dans son ensemble. Il ne s’agit pas seulement d’exposer des artistes d’origines différentes, mais de redéfinir qui prend les décisions et avec quels critères. Décentraliser le système, promouvoir les institutions locales et les collectifs artistiques indépendants, soutenir des modèles alternatifs de production et de distribution : telles sont les étapes fondamentales pour construire un écosystème artistique véritablement inclusif.

Une initiative du projet Black Artists and Modernism. Photo : George Torode
Une initiative du projet Black Artists and Modernism. Photo : George Torode
Manifestation du groupe Decolonise This Place (Décoloniser ce lieu)
Manifestation du groupe Decolonize This Place (Décoloniser ce lieu)
Musée des soins
Musée des soins

En ce sens, des initiatives telles que Black Artists and Modernism au Royaume-Uni offrent un modèle intéressant. Elles ne se contentent pas de promouvoir les artistes noirs, mais analysent de manière critique la façon dont leurs œuvres ont été archivées et interprétées au fil du temps, en mettant en évidence la dynamique de l’exclusion et de la marginalisation. Des mouvements tels que Decolonise This Place ou le Musée des soins créent des espaces de dialogue qui dépassent la logique du marché et placent la communauté et le changement social au centre. Ces exemples montrent qu’il est possible d’imaginer un système différent, même si le chemin à parcourir est long et complexe.

En fin de compte, la question fondamentale demeure : sommes-nous prêts à affronter les contradictions du système artistique ou préférons-nous nous contenter d’une diversité de surface ? L’art a un potentiel extraordinaire : il peut non seulement refléter le monde, mais aussi contribuer à le changer. Cependant, pour réaliser ce potentiel, il est nécessaire d’aller au-delà des apparences, de remettre en question les structures de pouvoir et de construire un système qui accueille réellement une pluralité de perspectives.

Le monde de l’art n’est pas une île. Ses contradictions reflètent celles de la société dans son ensemble. Et c’est peut-être là que réside sa force : nous rappeler que toute lutte pour la diversité et l’inclusion est, au fond, une lutte pour une société plus juste et plus équitable. Mais pour que l’art soit le moteur de ce changement, nous devons lui permettre d’être ce qu’il a toujours été : un espace de liberté, d’expérimentation et de transformation.


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