Le temps de monter de la plage de Venere Azzurra à la Villa Marigola (quelques virages en épingle à cheveux sous les chênes verts, une route asphaltée avec des virages stratégiques pour offrir des échappatoires en cas de passage à double sens), le temps de regarder Lerici du haut du jardin à l’italienne de la villa (un magnifique ajout du XXe siècle), et l’on est immédiatement frappé par le tonnerre, le grondement, le rugissement du Piccolo animismo d’Galet de l’archange, installé devant l’entrée de la résidence balnéaire scintillante, devant ce rêve matériel de ciel, de buis et de sel qui sera perturbé, pendant quelques semaines, par la gigantesque boîte en acier qui gênera le passage.entrée de la résidence balnéaire scintillante, devant ce rêve matériel de ciel, de buis et de sel qui sera perturbé, pendant quelques semaines, par l’obstruction de la gigantesque boîte en acier inoxydable, par l’encombrement de cette installation imaginée il y a près de quinze ans pour une exposition au MACRO de Rome et qui est alors devenue l’une des œuvres emblématiques de Sassolino. Il s’agit d’un grand volume métallique de trois mètres de haut et de quatre mètres de large. Apparemment inerte, si ce n’est le tube qui s’insinue dans l’acier et qui devrait suggérer l’approche d’un mouvement. Et, en effet, le tube sert à initier le processus d’injection et de soustraction d’air sous pression, de sorte que les plaques qui donnent forme à la sculpture se déforment et se transforment continuellement : les mouvements de la matière provoquent des grondements capables d’écraser toute voix, tout son.
On pourrait dire que le miracle de l’œuvre d’Galet de l’archange, le miracle qui imprègne peut-être toute sa production, est tout entier dans cette dynamique d’opposition entre ce qui est vu et ce qui n’est pas vu. Entre l’apparente fixité de la matière et les forces qui s’y agitent. Christophe Tarkos, qui est l’un des poètes les plus originaux, les plus méconnus et les plus incompris de ces dernières décennies, en écrivant Le petit bidon en 2001, avait donné âme et verbe à une image qui, relue rétrospectivement, semble aussi proche que possible du Petit Animisme de Sassolino : Tarkos parle d’une jarre, d’un bidon d’huile vide, normal, posé sur une table, immobile, mais “dedans il y a de l’air / et dans l’air par contre il se passe beaucoup de choses dans l’air / il bouge / l’air bouge dedans le petit bidon [...] l’air n’arrête pas de couler [...].] l’air n’arrête pas de tourbillonner dedans le petit bidon / il se passe beacoup de choses dedans le petit bidon [...] il y a des évènements de mouvements de l’air qui bouge / et qui va taper contre le haut du bidon”. Le Petit Animisme semble être une traduction du Tarkos devenu matière. Et ce qui peut sembler un bruit pour tout le monde, est pour Galet de l’archange un chant. Chaque matière a sa propre façon de chanter, explique l’artiste au groupe de journalistes convoqués pour le vernissage de Fratture armoniche, l’exposition organisée par Carlo Orsini, qui occupera jusqu’au 8 août les salles du XIXe siècle du piano nobile de la Villa Marigola. Loué soit celui qui a choisi le titre, loué soit le splendide oxymore qui pourrait également être utilisé pour cataloguer ce qui n’est pas à Lerici, pour classer la production d’un artiste qui est venu à l’art à partir de l’ingénierie mécanique, pour révéler l’essence de l’œuvre d’un démiurge qui donne forme à ce qui ne peut pas être vu.
Chaque matière chante à sa manière et, de fait, suit sa propre partition. Sassolino aime à le répéter en montrant Random Violence (2008-2016), qui est l’une de ses œuvres les plus connues : un vérin hydraulique, auquel est fixé un épais bloc de bois (presque identique d’ailleurs à celui qui était à la base des sculptures modulaires de Carl Andre) au moyen d’une paire de solides câbles d’acier, est activé et commence à exercer une pression sur la poutre. Lentement, mais avec un mouvement continu. La tête du piston frappe le bois, le premier craquement se fait entendre. Le bois résiste. Le vérin continue d’appuyer sur le bois. Au début, il laisse quelques bosses. Les bosses deviennent ensuite des rayures, des éclats, des blessures, des fissures, des fentes. Le bois est peu à peu déformé, déchiré, détruit. Ce qui reste, à la fin, c’est une souche pliée en deux, avec les écailles tournées vers l’extérieur, un objet esthétiquement complètement différent de l’original. Et tout au long du processus, le bois chante. A chaque essence son harmonie, son sifflement, son agonie plus ou moins lente, plus ou moins violente. Cerisier, noyer, châtaignier. Un bois se fend doucement et son chant s’éteint dans la douleur, étouffant. Un autre meurt dans une explosion soudaine, dramatique, spectaculaire.
Pour le premier observateur, cela peut donner l’idée d’une machine parfaitement inutile, dépourvue de tout but pratique, s’engageant dans un effort stérile, ne produisant rien d’autre que des déchets dont on se débarrasse à la fin de la représentation. Et en effet, Random Violence est une machine parfaitement inutile, dépourvue de tout but pratique, s’engageant dans un effort stérile, ne produisant rien d’autre que des déchets dont il faut se débarrasser à la fin de la représentation. Jean Tinguely, un autre constructeur de machines inutiles, disait que la machine est un instrument poétique. Dans l’œuvre d’Galet de l’archange, la poésie de la machine devient sévère, physique, impitoyable. C’est une synthèse instable de matière et de mouvement, de destruction et de mécanique, de silence et de spectacle. D’une certaine manière, Sassolino pourrait être considéré comme un Tinguely post-humain, post-industriel, qui a décidé de donner à la matière un rôle actif et autonome : Là où, par exemple, un Alberto Burri écoutait le crépitement du feu, laissant la matière parler d’elle-même, Sassolino, tout aussi désireux de donner la parole à la matière, révèle son impact, son échec, la force que personne ne peut contenir, met en scène la rupture comme un processus mécanique, constant et inévitable, afin de transmettre l’idée que la matière possède une force capable d’échapper au contrôle de l’homme. Une force qui s’incarne et se concrétise dans une esthétique de la tension évidente où le concept devient forme : pensons surtout aux papiers pressés (dans l’exposition il y en a un, White Resistance, daté de 2023), des œuvres qui semblent presque offrir un corps au principe d’autoconservation de Spinoza ("Conatus sese conservandi primum et unicum virtutis est fundamentum : la recherche de la conservation est le premier et unique fondement de la vertu) et en même temps elles ravivent la leçon de Jean Anselme, qui était convaincu qu’une œuvre était un appareil immobile et en même temps une tension vivante (on pense à la Torsion de 1968), convaincu qu’une œuvre était aussi l’instrument pour exprimer ces forces qui orientent, gouvernent, établissent les lois de l’existence, ces énergies qui se révèlent sans jamais se montrer.
Toute l’exposition de Lerici est en effet construite autour de l’idée de l’existence d’un état de tension traversant toutes choses. Pas de nouveauté particulière jusqu’ici : il s’agit d’un des piliers de toute la poétique d’Galet de l’archange, il s’agit des fondements d’une recherche qui a toujours exploré l’état de la matière poussée à ses limites extrêmes, par la tension ou la pression, jusqu’à la faire presque s’effondrer, jusqu’à la détruire. L’œuvre de Sassolino, dans son essence la plus pure, est une sculpture délibérément privée de son statut séculaire : c’est un corps temporaire instable chargé de forces invisibles. Dans un de ses articles, Manganelli disait de Hokusai que chacun de ses personnages n’était pas tant ce personnage précis qu’un comprimario de cette histoire latente que le signe de l’artiste portait en lui, et que chacune de ses œuvres était le résultat d’une “rencontre occulte” entre “la dynamique, voire la violence, et l’immobilité, le calme”. La peinture d’Hokusai était, en d’autres termes, “très claire et occulte”. Et l’on pourrait donner à Manganelli la peine de lui arracher cette heureuse expression pour l’accoler, comme une étiquette, à la sculpture de Sassolino également. L’art d’Galet de l’archange est aussi un art de contrastes, d’oppositions même flagrantes : Il arrive, dans certaines œuvres comme Géographie du conflit, que des marbres d’origines diverses (une sodalite brésilienne, un portoro, une statuaire de Carrare, un bardiglio et d’autres extraits de carrières disséminées dans le monde entier, dont certaines situées sur les territoires de pays en guerre, comme l’indique le titre) soient maintenus ensemble par un étau qui les serre et les comprime, mais qui peut aussi tomber à tout moment.
On ressent une peur franche, sincère, peut-être même fondée, en passant devant certaines de ses œuvres. Prenons par exemple Le cose facili sono le cose più difficili, une œuvre de 2019 : une feuille de verre maintenue en tension par un élément en acier, pliée pour former une courbe presque à la limite de sa tolérance (on ne cesse d’admirer le travail de calcul et de recherche auquel Sassolino, en tant qu’expert passionné d’ingénierie mécanique, soumet continuellement le produit de sa main). Nous ne pouvons pas savoir si le verre se fissurera et se brisera en quelques secondes ou dans je ne sais combien de temps. L’art de Sassolino est en effet aussi un danger contrôlé, un défi à la limite, un système au bord de l’effondrement, un seuil qu’il faut non seulement observer mais aussi écouter, attendre, voire craindre. Il en va de même pour son œuvre la plus récente de l’exposition, Sospensione della scelta (Suspension du choix), une jarre en verre qui tient un rocher : on ne peut pas savoir combien de temps la petite jarre sera capable de supporter le poids de la pierre. Les tensions d’Galet de l’archange sont des instruments de mesure de la limite.
Il n’est pas nouveau, comme on l’a dit, qu’une exposition de l’œuvre d’Galet de l’archange tende à mettre en évidence ce qui est essentiellement un fondement de sa recherche, avec toutes ses implications (le petit catalogue qui accompagne l’exposition, un des rares textes sur l’art contemporain écrit avec des formules compréhensibles même pour ceux qui n’ont pas leurs étagères occupées par l’opera omnia de Derrida, en énumère quelques-unes : “l’observateur est amené à réfléchir sur le concept de vulnérabilité et sur le caractère éphémère des choses”, “le mouvement des forces physiques devient une métaphore du changement, de l’évolution continue et des cycles de vie des matériaux”). L’originalité de l’exposition réside surtout dans la confrontation entre les œuvres et les pièces qui les abritent, les pièces néoclassiques d’une villa du XIXe siècle donnant sur le golfe des Poètes. Un choix qui risque de désorienter tout un chacun : aussi bien pour ceux qui connaissent les œuvres de Sassolino, habitués à les voir dans d’autres contextes, que pour ceux qui les voient pour la première fois à la Villa Marigola (une éventualité qui n’est pas du tout éloignée, puisque l’exposition est organisée dans le cadre d’un festival de musique, le Lerici Music Festival, qui s’est ouvert à l’art contemporain il y a seulement un an, avec la collaboration de la Galleria Continua). Un choix heureux, cependant, et pas seulement parce que le public a l’occasion de voir le produit de l’un des génies les plus intéressants que l’art italien a pu exprimer ces derniers temps sur le littoral du golfe. Les raisons sont essentiellement doubles.
Le premier : l’espace amplifie la réflexion d’Galet de l’archange sur le temps. La Villa Marigola porte en elle deux siècles d’histoire sédimentée. L’architecture, les changements d’usage, les restaurations, les signes du temps que révèlent ses pièces. Le temps pour Sassolino n’est pas seulement la durée, aussi parce que la durée n’est pas toujours immédiatement visible (on l’apprécie surtout dans Random Violence), mais c’est aussi, et peut-être surtout, un moment critique. Ainsi, dans de telles salles, il est peut-être plus spontané de se demander combien de temps durera un état qui n’est stable qu’en apparence, car les salles d’une villa qui a deux siècles d’histoire cachent un temps souterrain, tendu, menaçant, et qui émerge surtout comme une force active : cette force, présente et déstabilisante, dont sont chargées les œuvres de Sassolino est la même que celle qui a transformé la demeure au cours de ses deux cents ans d’histoire.
Deuxièmement, dans l’espace de la Villa Marigola, l’œuvre d’Galet de l’archange s’ouvre sur une géographie de la ruine étrange et insolite. La ruine est un état physique et esthétique qui nous a toujours fascinés. Et aujourd’hui, la Villa Marigola est un espace vivant, un lieu animé qui ne connaît pas le repos : cependant, la demeure témoigne d’une décadence silencieuse, du passage du temps, de l’oubli, ne serait-ce que de la perte de mémoire de l’utilisation de ses différents espaces. Les marquis Ollandini qui l’ont fait construire sont morts, leur villa de Sarzana est en ruine, les nobles qui l’ont habitée sont morts, les artistes et les hommes de lettres qui ont séjourné dans ces pièces sont morts. Une ruine qui n’est pas seulement celle des murs et des plâtres, et qui se fait sentir même là où l’état de conservation d’un bâtiment frise la perfection. Les œuvres de Sassolino évoquent ici la ruine non seulement comme un résultat matériel, comme un moment où quelque chose se brise, mais aussi comme un processus en devenir : chaque déformation, chaque écrasement, chaque pression est un mouvement lent et inévitable qui rappelle le caractère inéluctable de la ruine. Le temps est érosion, il est force destructrice, et la ruine est son produit : il y a donc un destin commun qui lie les pièces de la villa au matériau de Sassolino. Seul le degré de brutalité du langage change.
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