De la France au Salento. Genèse d'un tableau de Raffaele Maccagnani


À la fin du XIXe siècle, la circulation des photographies d'œuvres d'art favorise la diffusion des sujets et des motifs: il se trouve qu'un artiste du Salento, Raffaele Maccagnani, a peint l'une de ses œuvres, la Bergère, en faisant ouvertement référence à l'Étoile du Berger de Jules Breton.

Louis Aimé Aldolphe Jules Breton, peintre et poète français, est né le 1er mai 1827 à Courrières, petite ville du département du Pas-de-Calais, en Haute-France. Il fait ses premières études au collège de Saint Bertin à Saint Omer, puis au collège royal de Douai. En 1843, il s’installe à Gand pour suivre les cours de l’Académie royale sous la direction de Félix de Vigne et, en 1858, il épouse la fille de ce dernier, Élodie ; de leur mariage naîtra Virginie, la fille unique du couple, qui est également peintre. En 1846, il travaille brièvement à l’Académie d’Anvers. L’année suivante, il est admis à l’École des Beaux-Arts de Paris où il suit les cours de Michel Martin Drolling. Cependant, malgré ses enseignements académiques, ses voyages dans les grandes villes européennes et ses multiples distinctions, Jules Breton est nostalgique de sa terre natale et intimement attiré par la vie des champs.

Dans son autobiographie La vie d’un artiste: Art et Nature, il écrit: “Sorti du tourbillon parisien, à chaque retour à Courrières, je ressentais l’immense volupté du grand calme champêtre et des promenades solitaires où l’on peut suivre les effets de la Nature, en étudier les causes sur des motifs simples et d’où ressort d’autant mieux l’évidence des grandes lois éternelles. Alors me revenaient les milles problèmes discutés à Paris entre camarades. Ils se redressaient, dans l’isolement, devant ma raison ; je cherchais à les résoudre. Peut être aurais-je je mieux fait d’aller droit devant moi sans autre souci que de satisfaire la sorte d’idéal que je ressentais, sans excitation vane, sans ambition trop élévée. C’est ce que j’avais fait sans m’en douter lors de mes pemieres tableaux de Courrières ; c’est ce que je tâche de faire, moins inconsciemment, à présent... . J’ai toujours cru que le but de l’Art était de réaliser l’expression du Beau. Je crois au Beau, je le sens, je le vois ! Si l’homme chez moi est souvent pessimiste, l’ar tiste, au contraire, est éminemment optimiste” (“Sortant du tourbillon de Paris, chaque fois que je revenais à Courrières, je sentais l’immense volupté des grandes promenades champêtres, tranquilles et solitaires où l’on peut suivre les effets de la Nature, en étudier les causes sur une base simple et d’où se dégage d’autant mieux l’évidence des grandes lois éternelles. C’est alors que me revinrent à l’esprit les mille problèmes discutés à Paris entre les camarades. Ils se dressaient, isolés, devant ma raison ; j’essayais de les résoudre. Peut-être aurais-je mieux fait d’aller tout droit sans autre souci, plutôt que de réaliser l’espèce d’idéal que je ressentais, sans vaine excitation, sans trop d’ambition. C’est ce que j’avais fait sans m’en douter lors de mes premières peintures de Courrières ; c’est ce que j’essaie de faire, moins inconsciemment, maintenant.... . J’ai toujours pensé que le but de l’Art était de parvenir à l’expression de la Beauté. Je crois à la Beauté, je la sens, je la vois ! Si l’homme en moi est souvent pessimiste, l’artiste, au contraire, est éminemment optimiste”).

Breton, également connu sous le nom de peintre de la vie paysanne, est considéré comme l’un des plus grands représentants du réalisme rural, un mouvement artistique né en France vers le milieu du XIXe siècle qui, contrairement aux tendances spiritualistes du romantisme, rejette toute idéalisation imaginative, au détriment d’une observation et d’une représentation minutieuses de la nature et de la réalité. En général, cependant, les personnages peints par Breton sont idéalisés, ne présentent pas de défauts physiques et ne semblent pas usés par le travail et le temps. Au contraire, dans ses œuvres, le peintre français présente une vision presque idyllique de l’existence rurale, car il pensait que “le but de l’Art était de réaliser l’expression du Beau”. Les représentations poétiques de gracieuses paysannes, souvent des modèles paysannes, qu’il préférait pour leur authenticité aux modèles professionnels, avec pour toile de fond la campagne de la Haute France, ont connu un grand succès non seulement en France, mais aussi en Angleterre et aux États-Unis, et c’est grâce à cette grande popularité que de nombreuses gravures et estampes ont été réalisées, contribuant ainsi à la popularité des œuvres de Breton.

En 1887, Jules Breton peint l’Étoile du Berger (Fig.1) (huile sur toile, 102,8x78,7 cm) dans laquelle le peintre représente une jeune paysanne au regard fier, alors qu’elle revient pieds nus des champs, portant sur la tête un sac contenant la récolte du jour: c’est le crépuscule, le moment où Capella, l’une des étoiles les plus brillantes du firmament, commence à se lever derrière la femme qui, par son allure élégante et majestueuse, fait davantage penser à une ancienne femme-chien qu’à une paysanne. C’est l’heure du silence et de l’illusion sereine que l’artiste français représente dans son œuvre empreinte de réalisme et de mélancolie.

Jules Breton, Étoile du Berger (1887 ; huile sur toile, 102,8 x 78,7 cm ; Toledo, Toledo Museum of Art)
Jules Breton, Étoile du Berger (1887 ; huile sur toile, 102,8 x 78,7 cm ; Toledo, Toledo Museum of Art)

L’Étoile du Berger a été exposée pour la première fois au Salon de Paris en 1888, considéré comme l’événement artistique le plus important non seulement en France, mais dans toute l’Europe. L’écrivain et critique littéraire Henry Houssaye a écrit à propos de la paysanne exposée par Breton au Salon de Paris: “M. Jules Breton expose un autre tableau: l’Étoile du Berger. L’orbe sanglant du soleil descend à l’horizon, tandis que dans le ciel qui s’obscurit apparâit la première étoile. Une grande et robuste paysanne, sa journée de travail accomplie, rentre au village en portant sur ses épaules, accoutumées aux lourds fardeaux, un gros sac de pommes de terres... mais imaginez qu’elle porte sur le dos une gerbe de blé au lieu d’un sac de pommes de terre, et elle pourrait être aussi la personnification de la moisson. C’est une Cérès moderne” (“M. Jules Breton expose un autre tableau: l’Étoile du Berger. Le globe ensanglanté du soleil descend à l’horizon, tandis que la première étoile apparaît dans le ciel qui s’assombrit. Une grande et robuste paysanne, ayant terminé sa journée de travail, rentre au village en portant sur ses épaules un grand sac de pommes de terre, habituée aux lourdes charges... mais imaginez qu’elle porte sur son dos une gerbe de blé au lieu d’un sac de pommes de terre, et elle pourrait même être la personnification de la moisson. C’est une Cérès moderne”). Le poète et chroniqueur français Firmin Javel, dans l’hebdomadaire “L’Art français”, décrit l’Étoile du Berger comme une page exquise réalisée dans l’atelier de Courrières et dans laquelle l’artiste a représenté la figure solennelle de la paysanne complètement enveloppée dans la poésie infinie du soir, avec le lyrisme intense qui caractérisait les tableaux du poète-peintre Breton. En 1888 également, l’artiste Alfredo Müller (Livourne, 1869 - Paris, 1939), qui venait de quitter l’Italie avec sa famille pour s’installer à Paris, exécuta une gravure reproduisant l’œuvre de Jules Breton, qui fut publiée dans Arts and Letters, An illustrated review (Arts et Lettres, revue illustrée).

Une reproduction du tableau de Jules Breton est conservée au musée Carnavalet, musée consacré à la vie et à l’histoire de Paris. On ne sait pas comment et quand l’œuvre graphique est entrée dans la collection du musée parisien, mais son existence est une preuve supplémentaire de la grande notoriété et de la diffusion de la production artistique du peintre de Courrières. En peu de temps, la peinture de Breton est connue et appréciée non seulement en Europe, mais aussi en Amérique. Des critiques favorables paraissent dans des revues spécialisées comme The Connoisseur: dans un de ses articles, Eugen von Jagow souligne que les amateurs d’art américains sont prêts à payer des sommes même très élevées pour entrer en possession d’une œuvre de Breton. En 1889, l’Étoile du Berger est présentée à l’Exposition universelle de Paris, où de nombreuses gravures et estampes de l’œuvre en question, dédicacées par Breton lui-même, sont déjà disponibles. La même année, le tableau est acquis et exposé à l’Art Institute of Chicago où il reste jusqu’en 1908, date à laquelle il est acheté par le philanthrope et collectionneur d’art Arthur J. Secor.

Jules Breton meurt à Paris le 5 juillet 1906. Six ans après sa mort, en 1912, à l’occasion de l’exposition inaugurale du Toledo Museum of Art (TMA), musée de renommée mondiale situé dans le quartier Old West End de la ville de Toledo (Ohio, États-Unis), l’Étoile du Berger, dont le titre se traduit par L’Étoile du berger, est prêtée pour l’événement inaugural par Arthur J. Secor (alors second vice-président du Toledo Museum), qui en fit don au Toledo Museum en 1922, institution où elle est depuis lors exposée dans la salle 32.

Alfredo Müller, Étoile du Berger (eau-forte)
Alfredo Müller, Étoile du Berger (eau-forte)
Reproduction photographique de l'Étoile du Berger (fin du XIXe siècle ; tirage, 32 x 24 cm ; Paris, musée Carnavalet)
Reproduction photographique de l’Étoile du Berger (fin du XIXe siècle ; épreuve, 32 x 24 cm ; Paris, musée Carnavalet)

Raffaele Oronzio Maccagnani, frère aîné d’Eugenio (Lecce, 1852 - Rome, 1930), sculpteur de renommée internationale, est né à Lecce le 24 mars 1841 de Mattia Maccagnani et Rosa Grassi. La famille paternelle est originaire de Lizzanello, un petit village situé à la périphérie de Lecce, célèbre pour être le lieu de naissance de l’illustre scientifique Cosimo De Giorgi (Lizzanello, 1842 - Lecce, 1922). Dans la capitale salentine, Mattia est connu comme orfèvre et bijoutier de renom, tandis que son frère Antonio (Lecce, 1807 - 1889) est un “célèbre statuaire de saints en papier mâché” ; sa mère Rosa est la fille de Pasquale Grassi (Campi Salentina, 1781 - Lecce, 1817) et la sœur de Giovanni (Lecce, 1809 - 1882), tous deux peintres très appréciés dans la région salentine. Raffaele est donc élevé dans une famille d’artistes à l’éducation variée et grandit dans un environnement plein de stimuli et de stimulations créatives, sans toutefois atteindre la célébrité de son frère Eugenio. Raffaele apprend les premiers rudiments de l’art à Lecce, d’abord dans l’atelier de son oncle paternel Antonio, puis auprès de son oncle maternel Giovanni. Après ses premiers cours dans sa ville natale, il obtient en 1865 une contribution économique du Conseil provincial de Terra d’Otranto qui lui permet de s’installer à Naples. Il y fréquente l’atelier du peintre Vincenzo Petrocelli (Cervaro, 1823 - Naples, 1896) et celui de Domenico Morelli (Naples, 1826 - 1901), figure de proue de la culture figurative napolitaine de la seconde moitié du XIXe siècle, grâce auquel Raffaele perfectionne sa technique de dessin et de peinture, comme en témoigne une lettre écrite en 1906 par son frère Eugenio à Onorato Roux: “À cette époque, mon frère Raffaele étudiait la peinture chez un autre de mes oncles, Giovanni Grassi, peintre. Après quelques années, mon père l’envoya à Naples pour se perfectionner sous la direction de Domenico Morelli. Au bout d’un certain temps, Raffaele, pour justifier auprès de mon père le fruit de ses études, envoya plusieurs œuvres à la peinture à l’huile et au ”sfumino".

Garder un fils loin de la maison est extrêmement exigeant pour Mattia, père de cinq autres enfants: le jeune Raffaele poursuit donc ses études artistiques avec un engagement assidu et conscient des efforts économiques que la famille endure pour le garder loin de Lecce. En 1868, Raffaele Maccagnani peint Lo Zingaro pittore napolitano (inspiré d’un épisode entre mythe et légende de la vie du peintre Antonio Solar io detto lo Zingaro) et l’envoie à la Società Promotrice delle Belle Arti di Napoli, une association fondée en 1862 à l’instar des promoteurs florentins et turinois, dont l’objectif est de promouvoir l’art et les artistes de l’époque. Le jury décide d’admettre l’œuvre à l’exposition. La nouvelle est immédiatement diffusée avec enthousiasme par les journaux de Lecce: “Nous avons le plaisir d’annoncer que le jeune peintre Raffaele Maccagnani, un de nos concitoyens, a envoyé à la Société pour l’encouragement des beaux-arts une peinture à l’huile représentant le bohémien, que le jury l’a admise et qu’elle est maintenant placée dans la troisième salle de l’exposition qui vient de s’ouvrir à Naples. Il serait souhaitable que ce jeune homme, qui donne tant d’espoir à l’art, soit compté parmi ceux envers lesquels la Province est généreuse en subventions et en encouragements”. “Sur le tableau de notre concitoyen Raffaele Maccagnani, dont nous avons parlé dans le numéro précédent, nous avons trouvé la mention suivante dans le journal de Rome du 14 du mois courant. Ce Zingaro est représenté au moment où il écoute à la porte d’une salle splendide, pour sentir l’effet que sa peinture produit dans les yeux de Colantonio del Fiore, l’inventeur désiré de la peinture à l’huile, et un homme dont la fille aima passionnément le Zingaro, de sorte qu’il se transforma d’un forgeron en un artiste. Ce tableau, dans sa noble vulgarité, est bien pensé, bien composé, et la curiosité qui anime le Gitan pousse aussi l’observateur à s’interroger sur son sujet. C’est un tableau qui se suffit à lui-même, plein de couleurs, avec de beaux contrastes, et qui mérite d’être salué pour le choix du sujet et pour l’heureuse réussite du concept”.

Les articles parus dans les journaux et les critiques favorables semblent marquer le début d’une carrière prometteuse pour le jeune artiste, si ce n’est que l’œuvre en question ne tarde pas à faire parler d’elle, car elle est considérée comme une copie d’une esquisse de Domenico Morelli, le maître de Raffaele Maccagnani lors de son séjour à Naples. L’écrivain et critique Vittorio Imbriani écrit à ce sujet: "Raffaele Maccagnani, un autre élève de Petruccelli, ignorant probablement l’imitation, car il n’aurait pas pu voir de ses propres yeux la tache du commendataire, s’en est servi pour un petit tableau intitulé Le Gitan. Sans le vouloir, il est plus facile de prendre un sujet et la façon de le voir de Morelli que d’usurper son exécution: mais il léchera sans doute ce thème comme il lécherait un morceau prémâché par d’autres ; et une petite œuvre médiocre de Maccagnani, malgré les suggestions de son maître, ne peut pas non plus remplacer une œuvre de Morelli". En 1886, le peintre napolitain Zingaro est présenté au Promotrice de Naples, où il remporte un grand succès (il est acheté par le duc Amedeo d’Aosta).

Raffaele Maccagnani participe à nouveau au Promotrice de Naples en 1869 et expose Dante et le forgeron. Le tableau “représente Dante lorsqu’un jour, ayant entendu ses vers mal prononcés par un forgeron qui les chantait, il se rend dans l’atelier du forgeron et renverse ses outils en disant tu abîmes mes choses, j’abîme les tiennes”. Au printemps 1870, il présente un autre tableau, La Vanitosa. Les deux œuvres connaissent un succès important et sont vendues. Soudain, le jeune artiste est contraint de quitter définitivement la ville napolitaine et de retourner à Lecce, renonçant en partie à ses aspirations de croissance et d’éducation. En juin 1870, le père de Raffaele meurt, laissant sa femme et ses enfants dans une situation économique précaire. Raffaele a 29 ans et, en tant que fils aîné, il doit subvenir aux besoins matériels de la famille. Dès le mois d’octobre de la même année, des annonces paraissent dans les journaux locaux pour annoncer des cours de dessin privés donnés par Raffaele à son domicile de Largo San Vito à Lecce.

Homme discret et réservé, Raffaele n’aime pas que ses idées ou ses sympathies politiques soient dans le domaine public. À l’automne 1874, après avoir lu dans les pages de la Gazzetta di Terra d’Otranto son intention d’adhérer à l’Association unitarienne du Sud, il dément fermement cette rumeur dans une lettre adressée au directeur de Il Propugnatore: “Je n’ai fait aucune demande de cette nature, et je n’ai jamais eu l’intention d’appartenir à une telle association. En tant que gentleman et artiste, je suis l’ami de tous ; en tant qu’homme politique, laissez-moi tranquille avec mes opinions sacrées”. En 1879, il est chargé d’enseigner le dessin à l’association Giuseppe Giusti de Lecce, une association fondée en 1875 dont la mission sociale première est de “promouvoir et diffuser l’éducation populaire” et qui compte parmi ses membres Michele Astuti et Cosimo De Giorgi. En 1897, après la dissolution de l’association par manque de ressources économiques, les membres décidèrent de faire don à l’administration provinciale de cinq cents volumes de leur bibliothèque, ainsi que d’une paire de portraits signés par Raffaele Maccagnani, à savoir deux peintures à l’huile, l’une représentant Giuseppe Libertini et l’autre Ascanio Grandi.

Dans les réserves du musée Sigismondo Castromediano de Lecce, il existe un tableau représentant l’illustre poète épique de Lecce, une œuvre qui n’a pas encore été attribuée. Je crois pouvoir affirmer que l’œuvre susmentionnée peut être attribuée à Raffaele Maccagnani, qui s’est probablement inspiré de l’eau-forte réalisée par Carlo Biondi, un graveur actif à Naples dans la première moitié du XIXe siècle.

Raffaele Maccagnani, Portrait d'Ascanio Grandi (huile sur toile, 57 x 45 cm ; Lecce, Museo Sigismondo Castromediano)
Raffaele Maccagnani, Portrait d’Ascanio Grandi (huile sur toile, 57 x 45 cm ; Lecce, Museo Sigismondo Castromediano)
Carlo Biondi, Portrait d'Ascanio Grandi (début du XIXe siècle ; eau-forte, 197 x 140 mm)
Carlo Biondi
, Portrait d’
Ascanio Grandi (début du XIXe siècle ; eau-forte, 197 x 140 mm)

Le 29 mai 1880, Raffaele s’unit à Maria Concetta Cesani et la famille s’agrandit rapidement avec la naissance de plusieurs enfants. En 1881, il dessine les nouveaux uniformes de la Banda Cittadina di Lecce: les uniformes, bleu-noir avec des ourlets et des bandes bleu clair et des frises argentées, sont réalisés par la Società Operaia dei Sarti et portés pour la première fois à l’occasion des célébrations en l’honneur de Saint Oronzo, le saint patron de la capitale salentine. En 1884, il est nommé professeur à l’école de dessin de la municipalité de Lecce, où il est appelé à remplacer le peintre Vincenzo Conte (Lecce, 1834 - 1884), décédé prématurément. Parallèlement à ses activités d’enseignant, Raffaele continue à se consacrer à l’exécution de divers tableaux pour des commandes publiques et ecclésiastiques: Notre-Dame du Repos et Notre-Dame des Douleurs (1879), Le Fou et l’Ivrogne (1881), le portrait du colonel Luigi Scarambone (1882), les portraits de Giovan Battista Libertini et de Raffaele d’ Arpe (1893), Sainte-Marie de la Paix (1893).Arpe (1893), Santa Rita da Cascia (1910), le Coro campagnolo et les portraits d’Oronzio et de Giuseppe Carlino (1913), Il bacio di San Giovanni a Gesù, Donna che raccoglie il cotone, portraits d’illustres personnalités du Salento dont Antonio Panzera, Antonio Guariglia et Giuseppe Marangio. Au cours de sa carrière de peintre, certainement après 1888, Raffaele Maccagnani a peint la Bergère, une œuvre dans laquelle il représente une jeune femme marchant sur un chemin de terre, sa récolte enveloppée dans un mouchoir et reposant sur sa tête. L’expression de la jeune fille est résignée, son visage éprouvé par la fatigue ainsi que ses pieds nus usés par des heures de dur labeur. Les vêtements sont pauvres et essentiels ; le mouton qui l’accompagne semble représenter la seule compagnie et le seul réconfort de la jeune fille dans cette campagne déserte et silencieuse. Les coups de pinceau corsés, presque rugueux, comme ceux du peintre sur la toile, contribuent également à rendre l’œuvre encore plus chargée d’un réalisme cru.

Raffaele Maccagnani a manifestement été tellement fasciné par l’Étoile du Berger de Breton qu’il a décidé de copier l’œuvre. Nous ne savons pas exactement quand il a connu la peinture de l’artiste français, mais nous nous souvenons que son frère Eugenio se rendait fréquemment à Paris pour participer à des expositions et à des salons internationaux. En 1889, lorsque l’Étoile du Berger fut exposée à l’Exposition universelle de Paris, Eugenio Maccagnani participa à la même manifestation et reçut une médaille d’or pour son œuvre Les Gladiateurs: C’est probablement grâce à son frère sculpteur, qui revenait souvent à Lecce de Rome où il vivait et travaillait depuis de nombreuses années, que Raffaele a pu voir une reproduction ou une impression du tableau et il est donc fort probable que c’est par ce biais que Raffaele Maccagnani a fait connaissance avec l’œuvre de Jules Breton. En comparant le tableau de Jules Breton et celui de Raffaele Maccagnani, on constate que le peintre de Lecce a tenté de diversifier et de personnaliser le sujet, en choisissant une palette de couleurs différente et en représentant la jeune paysanne dans un contexte paysager qui pourrait être celui de la campagne du Salento. En outre, la représentation se déroule en plein jour et non dans une atmosphère crépusculaire comme dans le tableau de Breton. L’étoile lumineuse Capella, guide des bergers dans les longues nuits à travers les champs, est remplacée par un mouton, d’où le changement évident et inévitable du titre de l’œuvre: l’Étoile du Berger se transforme en La Pastorella (La Bergère).

Au cours de mon étude, j’ai également découvert qu’un dessin de Raffaele Maccagnani intitulé La contadina (La paysanne) est conservé dans la collection privée Valerio Terragno à Lecce. Il s’agit sans aucun doute du dessin réalisé par Maccagnani lorsqu’il décida de réinterpréter l’œuvre de Breton: il est intéressant de noter que la feuille de la collection Terragno (33x23 cm) a presque les mêmes dimensions que l’estampe (32x24 cm) reproduisant l’Étoile du Berger conservée au musée Carnavalet à Paris. On peut donc supposer que Maccagnani a reproduit le sujet de Breton à partir d’une des nombreuses estampes en circulation, très certainement une estampe en couleurs, et qu’il l’a fait en utilisant des hachures, en divisant l’original et la feuille blanche en carrés et en utilisant ensuite ces lignes directrices pour reproduire le dessin. Raffaele Maccagnani copie l’œuvre de Breton en ajoutant le mouton à la composition, puis il peint le tableau sur une toile dont les dimensions sont presque le double de celles du dessin quadrillé.

Raffaele Maccagnani, La Pastorella (après 1888 ; huile sur toile, 68,5 x 43,5 cm ; Lecce, Museo Sigismondo Castromediano). Photo de Raffaele Puce
Raffaele Maccagnani, La Pastorella (après 1888 ; huile sur toile, 68,5 x 43,5 cm ; Lecce, Museo Sigismondo Castromediano). Photo de Raffaele Puce
Raffaele Maccagnani, La paysanne (Lecce, collection Valerio Terragno)
Raffaele Maccagnani, La paysanne (Lecce, collection Valerio Terragno)

La Pastorella a été exposée en août 1924 lors de la première exposition d’art salentin, un événement culturel conçu et fortement soutenu par le journaliste et érudit de la culture salentine Pietro Marti (Ruffano 1863 Lecce 1933), une exposition dans laquelle 57 artistes salentins ont concouru avec 400 œuvres d’art pur, d’art appliqué et d’art industriel. L’artiste salentin est décédé l’année suivante, le 9 août 1925, à son domicile situé dans le centre historique de Lecce, Via Idomeneo 59.

Raffaele Maccagnani a consacré toute sa vie à l’enseignement et à l’art, sans toutefois pouvoir se distinguer par son originalité et encore moins par sa capacité d’invention. Dans sa production artistique, il suit consciemment - et non pas “probablement inconsciemment en imitant” comme l’écrivait Vittorio Imbriani en 1868 - l’exemple des modèles et des artistes les plus célèbres, se révélant toutefois un portraitiste très habile et doté d’une grande capacité descriptive, comme en témoignent les nombreux tableaux conservés dans les collections privées et institutionnelles du chef-lieu du Salento. D’une part, Jules Breton et Raffaele Maccagnani, deux peintres provinciaux aux parcours humains et artistiques différents, et d’autre part, Arthur J. Secor et Maurizio Aiuto, deux collectionneurs et connaisseurs d’art dont la générosité a permis de partager et de comparer deux tableaux qui, autrement, seraient restés enfermés dans un espace privé et n’auraient été appréciés que par un petit nombre de privilégiés. L’intention était donc de souligner l’importance des dons de collections privées aux institutions publiques pour une connaissance plus complète de l’histoire et des événements liés au territoire.


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