Un. Deux. Trois. Quatre. C’est ainsi que commencent toutes les découvertes en montagne, un pied devant l’autre. Elles commencent en comptant les battements de cœur, les respirations, les pas qui se succèdent et les minutes ou les heures qui se sont écoulées depuis le départ. Qui sait combien sont réellement prêts, après une montée raide sur un sentier muletier d’origine lombarde, à découvrir l’abbaye de San Pietro al Monte à Civate. Elle n’est pas isolée sur un sommet inhospitalier, mais perchée assez bas, à 622 mètres au-dessus du niveau de la mer, entourée de forêts et soutenue par une dolomie grise massive dans ce que l’on appelle la Valle dell’Oro (vallée de l’or). On pourrait y retourner un nombre incalculable de fois, à différents moments de son existence complexe, pour découvrir à chaque montée, à chaque pas, quelque chose de nouveau qui attire le regard.
En marchant et en voyant la terre se dérober sous ses pieds, on pourrait confondre le sifflement du vent, étouffé par les arbres centenaires de la forêt, avec le son de voix lointaines murmurant des légendes, comme celle de la construction de l’abbaye elle-même. Comme le raconte le chroniqueur milanais Galvano Fiamma, Adelchi, le fils du roi lombard Desiderius, fatigué par le difficile voyage à travers la vallée, s’allongea sous l’épais feuillage des arbres de la forêt pour se rafraîchir. C’est alors qu’il aperçut un majestueux sanglier blanc aux défenses acérées et le garçon, poussé par cette fougue typiquement juvénile, le poursuivit pour le tuer. Le pauvre animal, tout puissant qu’il était, se retrouva sans défense et s’enfuit, terrifié devant tant de férocité, pour se réfugier sous l’autel d’une petite église qui se dressait au sommet de la montagne. Lorsque le fils du roi le trouva, il tira son épée pour ôter la vie à la bête sans défense et, à cet instant précis, son monde s’obscurcit complètement. Adelchi devint aveugle et seuls des moines bénédictins, en versant de l’eau d’une source voisine sur ses yeux, purent le guérir. C’est alors que le roi Desiderius, ému par le miracle pour lequel il avait tant prié, décida de construire une église plus grande à l’endroit même où le sanglier s’était réfugié et avait demandé de l’aide.
L’origine du complexe se perd dans la légende à laquelle il est étroitement lié, mais selon la tradition, San Pietro al Monte doit sa fondation aux dernières décennies du royaume lombard. Nous n’en avons la certitude qu’à partir du milieu du IXe siècle, lorsque l’archevêque de Milan Angilbert II y fit transporter les reliques de saint Calocero depuis Albenga. Pour l’abbaye, ce furent les années de splendeur maximale, au milieu du nombre toujours croissant de moines et de l’activité culturelle florissante. L’ancienne tour et les chapelles de l’église, dont il ne reste aujourd’hui que de timides traces, furent démolies et l’édifice fut conçu dès le départ avec une seule nef et un toit en treillis non couvert, le ciborium rappelant le ciborium milanais de la basilique de Saint-Ambroise et deux nouvelles absides. Un document daté de 845 fait état de la présence de trente-cinq moines bénédictins, tandis qu’à partir de l’an mille, l’abbaye de Civate commence à connaître une période florissante et heureuse, devenant non seulement protagoniste de la période tourmentée où Milan était ravagée par l’hérésie patarine, mais gagnant surtout en notoriété grâce à un renouveau du culte, passant en 1018 au titre de Saint Calocero. C’est au cours de ces années que fut probablement construit le noyau de l’abbaye actuelle, tandis qu’en 1097 l’archevêque de Milan Arnolfo III y fut enterré.
Aujourd’hui, en montant les hautes marches, on pourrait s’étonner et s’émerveiller de la façon dont chaque lieu créé par l’homme se façonne au fil du temps, en s’adaptant aux personnes qui l’habitent: la double abside est due à des modifications ultérieures. Au Xe siècle, en effet, l’escalier haut n’existait pas et l’on entrait par ce qui est aujourd’hui l’abside, alors que l’abside d’origine était orientée vers l’est, comme c’était la norme, et donnait donc sur la vallée. Mais au fil des ans, pour des raisons plus pratiques que religieuses, les moines ont décidé de modifier l’entrée en murant l’ancienne façade, dont il ne reste malheureusement plus aucune trace.
La structure actuelle abrite une pièce apparemment dépouillée, mais dès que l’on franchit le seuil et que l’on tourne les yeux dans le dos, en direction du vaste pronaos semi-circulaire, on découvre un cycle pictural très particulier. Ici, l’œil se perd dans les textures de la fresque qui raconte le chapitre XII du livre biblique de l’Apocalypse: “Alors apparut dans le ciel un grand signe: une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds et sur sa tête une couronne de douze étoiles ; elle était enceinte et poussait des cris dans les douleurs de l’enfantement et le travail de l’accouchement. Un autre signe apparut dans le ciel: un énorme dragon rouge, avec sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes ; sa queue entraînait un tiers des étoiles du ciel et les précipitait sur la terre. Le dragon se présenta devant la femme qui allait accoucher pour dévorer le nouveau-né. Elle mit au monde un enfant mâle, destiné à gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer, et le fils fut aussitôt ravi à Dieu et à son trône. La femme, au contraire, s’enfuit dans le désert, où Dieu lui avait préparé un refuge pour qu’elle y soit nourrie pendant mille deux cent soixante jours”. Dans la lunette qui ferme l’abside orientale, un dragon pourpre à sept têtes et dix cornes est représenté menaçant férocement une jeune parturiente vêtue de soleil, la lune à ses pieds. Juste au-dessus, l’archange Michel, flanqué d’une foule d’anges, transperce le démon et le tue. Dans les petites absides latérales, il y a deux baies sur les murs desquelles sont représentés le pape Marcellus, puis le pape Grégoire le Grand, invitant les fidèles à la pénitence, tandis que sur la voûte se trouve la Jérusalem céleste, avec ses douze portes, ses douze pierres précieuses et ses douze lettres liées à Israël. À l’intérieur de la voûte de la deuxième travée se trouvent les quatre fleuves du Paradis, flanqués des symboles des évangélistes et des sept anges soufflant dans des trompettes.
Selon les analyses de certains spécialistes, ces fresques remontent au XIIe siècle et il est possible d’établir un lien entre le cycle pictural de l’église Saint-Pierre et le cycle à thème apocalyptique qui ornait le baptistère de Novare, datant du premier quart du XIe siècle. Cette relation intrinsèque est encore révélée par des similitudes évidentes avec le style artistique caractéristique de l’école du monastère de Reichenau et il ne faut pas oublier que cette même école est responsable de la création du manuscrit de l’Apocalypse de Bamberg commandé par Otto III. D’autres éléments de proximité stylistique pourraient également exister avec le Sacramentaire de Warmondo à Ivrea du début du XIe siècle, ou avec le cycle de fresques de l’église de San Michele in Oleggio, dans la région de Novarese, et tout cela démontrerait à quel point certains modèles stylistiques, iconographiques et idéologiques appartenant à la cour germanique étaient communs et répandus. Cependant, les fresques de Civate révèlent également une affinité stylistique intéressante avec les miniatures présentes dans les Commentaires de l’Apocalypse de Beato di Liébana, et il est probable que ces influences soient parvenues à Civate via Milan, grâce à des livres de modèles circulant dans le centre-nord de l’Europe à l’époque. Bien que les auteurs restent inconnus, il est clair que plus d’un esprit créatif a contribué à cette œuvre, comme le suggère la nette variation dans la représentation de la Jérusalem céleste, inspirée des modèles nord-ottoniens, et de la Vision apocalyptique, qui reflète la familiarité avec le langage figuratif byzantin de la seconde moitié du XIe siècle.
Toujours en direction de l’ancienne abside, il faut prendre quelques minutes pour admirer les deux plutei en stuc représentant deux symboles du mal qui s’enfuient, terrorisés, devant les prières des fidèles. L’un, le griffon, provient de l’imagerie orientale, tandis que la chimère crachant du feu a également été décrite par Homère comme un hybride étrange et terrifiant avec une tête de lion, un corps de chèvre et une queue de serpent. Les deux se rejoignent à la base des quatre colonnes, symbole de la terre. Il est intéressant de noter que sur les quatre colonnes torsadées, trois s’élèvent vers la droite et une seule vers la gauche, représentant ainsi: le chiffre 4 qui, comme le tétragone, est un symbole de la terre ; le chiffre 3 qui représente la trinité ; et le chiffre 1 pour l’unicité de Dieu. La chapelle de droite, quant à elle, est dédiée à l’église terrestre et représente le Christ avec les saints, tandis que celle de gauche, dédiée à l’église céleste, dépeint le Christ adoré par des armées d’anges.
Mais l’un des trésors cachés de la basilique se manifeste dans le ciborium situé au-dessus de l’autel, devant l’abside occidentale. Les quatre colonnes soutiennent gracieusement leurs chapiteaux, chacun orné des symboles du tétramorphe, tandis que des scènes telles que la Crucifixion, la Visite des Maries au Sépulcre, l’Ascension et la Traditio Legis et Clavis émergent des fronts cuspidés. Dans l’espace délicat de la coupole, une fresque délicate attire l’attention des observateurs. L’Agneau mystique y est flanqué de dix-huit personnages nimbés, dix hommes et huit femmes, qui composent un tableau d’une majesté suggestive. L’interprétation de cette fresque peut s’avérer complexe, mais la présence probable d’un lien symbolique avec le texte apocalyptique émerge, ajoutant une profondeur supplémentaire au mystère de cette représentation de l’art sacré.
Le riche programme iconographique de la basilique révèle donc une connaissance profonde et étudiée des traditions exégétiques apocalyptiques, en particulier celles d’ Ambroise Autpertus. Cet itinéraire semble se développer selon deux directions distinctes: une principale allant d’est en ouest, réservée aux fidèles, et une autre en sens inverse, destinée au clergé et aux moines. Cette interprétation est confirmée non seulement par les séquences d’images décrites ci-dessus, qui visent à associer l’édifice sacré à la Jérusalem céleste, mais aussi par l’organisation liturgique particulière. Ce dernier comprend le chœur dans l’abside occidentale et l’accès à l’escalier de la crypte face à l’autel. Ces choix architecturaux délimitent un parcours à l’intérieur de l’abbaye similaire à celui adopté dans la basilique Saint-Pierre du Vatican. Cela pourrait être lié à la présence à Civate de quelques reliques de l’apôtre Pierre, qui confèrent à ce lieu sacré un lien encore plus profond avec la tradition religieuse.
De chaque côté de la nef, deux escaliers symétriques conduisent à la crypte, aménagée sous l’abside orientale d’origine puis sous le pronaos actuel. Avant d’entrer dans le sous-sol, dans le parapet qui protège l’escalier, on remarque trois bas-reliefs dans lesquels l’histoire de l’humanité est racontée d’un point de vue chrétien. Le premier bas-relief représente un griffon, gardien des forces arcaniques, et un puissant lion, emblème de l’humanité. Ces deux figures se nourrissent des feuilles qui jaillissent d’un calice rituel, source primordiale de la vie. Ce symbolisme est profondément ancré dans la notion de racine, évoquant l’origine de la vie, parallèlement à l’étymologie latine de “patera”, liée à “pater”, le donneur de vie. Il en résulte une image complexe, représentant le chaos primordial dans lequel l’homme et le griffon ailé coexistent dans une forme de vie indistincte et inconsciente, dans une union fertile d’essence et de symboles, encore inexprimés et dépourvus de conscience productive. Dans le second bas-relief, l’existence se métamorphose à travers le masque ; la vie prend ici des traits humains et les lions, symbole de l’humanité, se nourrissent des fruits générés par cette transformation. Le masque souligne la figure du Christ incarné, s’unissant sous la forme d’une personne-masque pour racheter l’humanité, guidant ainsi la vie vers la productivité, la fécondité et la bonté. Cependant, même cette humanisation profonde ne suffit pas à l’homme pour surmonter l’obstacle primordial de sa condition. Cet obstacle est représenté par le péché originel représenté ici à gauche du tableau: un serpent enroulé autour d’un arbre et tenant une pomme dans ses mâchoires. Cette image visuelle rappelle le concept de péché originel, soulignant comment, malgré l’humanisation et l’action rédemptrice du Christ, l’humanité doit encore affronter le poids de l’erreur ancestrale. Dans le troisième bas-relief, les lions ne se nourrissent plus du fruit de la vigne, mais embrassent le symbole du Christ, le poisson, et en se nourrissant du Christ, ils reçoivent le don des ailes, emblème de la spiritualité, et commencent leur métamorphose (évidente dans la fin de leur corps), se transformant d’abord en poisson, puis en “alter Christus”, c’est-à-dire en figures chrétiennes destinées à la dimension éternelle.
En descendant l’escalier, nous arrivons dans la partie la plus ancienne de la basilique où se révèle une décoration sculpturale de double nature, ornementale et narrative. Ces œuvres, qui représentent des épisodes marquants de la vie de Jésus et de Marie, sont datées de la fin du XIe siècle et du début du siècle suivant. Elles reflètent l’implication de différents artistes, ancrés dans la tradition ottonienne. Les solutions stylistiques et iconographiques employées s’entremêlent dans une complexité d’influences, délimitant l’essence du roman lombard: des traditions allant de l’Antiquité tardive à Byzance et à la période carolingienne. Les décorations fournissent une preuve tangible du niveau élevé atteint par l’art médiéval ottonien, contribuant de manière significative à la formation du langage pictural roman en Lombardie.
Derrière l’autel de la crypte se déroulent deux scènes d’une grande importance: la Dormitio Virginis, un stuc représentant en son centre la Vierge Marie, placidement endormie, à la droite de laquelle se trouve la figure de Jésus se levant avec une foule de saints, tandis qu’à gauche se trouve la présence solennelle des Apôtres et, au-dessus, les anges symbolisant le passage spirituel. À gauche, la Crucifixion: Marie se tient aux côtés de saint Longinus, le soldat romain qui, avec une dévotion inébranlable, a transpercé le côté de Jésus avec une lance pour confirmer sa mort, tandis qu’à droite, saint Jean l’Évangéliste est accompagné de Stephaton, le soldat qui a offert à Jésus mourant une éponge imbibée de vin et de vinaigre, dans un geste de compassion et de réconfort. Dans ces représentations, le sacré se confond avec l’humain, évoquant des moments de grande importance et de dévotion.
En 1162, l’abbaye reste ancrée dans le maelström des intrigues politico-militaires complexes qui agitent l’Italie du Nord, mue par le grondement des pas de Barberousse. Entre le XIIIe et le XIVe siècle, l’abbaye entre dans une période de langueur, une symphonie sourde qui la conduit avec une lenteur presque suspendue jusqu’au seuil de 1484, date à laquelle elle devient une commende. Un faible carillon de renaissance se fit entendre en 1555, avec le transfert de quelques moines olivétains, mais ils furent chassés en 1798, emportés par l’emprise de la République cisalpine, triste chapitre qui grava dans l’air l’abandon de ce lieu. Malgré le triste destin auquel elle était destinée, l’abbaye de San Pietro al Monte parvient à conférer un sentiment de solitude et de paix rares à quiconque pénètre dans ces douces montagnes au pied des Alpes. Et même si, en sortant de l’édifice, on a l’impression d’avoir perdu quelque chose, une partie de soi, laissée entre les marches pour faire place à autre chose après tant d’histoires, il suffit de regarder le paysage qui s’ouvre à l’horizon pour recommencer à compter.
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