Recyclage de la beauté: l'exposition de la Fondazione Prada sur la réutilisation de l'art classique


La Fondazione Prada présente l'exposition Recycling Beauty à son siège de Milan: une enquête sans précédent consacrée au thème de la réutilisation des antiquités grecques et romaines dans des contextes post-antiques, du Moyen-Âge au Baroque.

Du 17 novembre 2022 au 27 février 2023, la Fondazione Prada présente l’exposition Recycling Beauty, organisée par Salvatore Settis avec Anna Anguissola et Denise La Monica, à son siège de Milan. La conception de l’exposition est signée Rem Koolhaas/OMA.

Le projet d’exposition est uneenquête sans précédent entièrement consacrée au thème de la réutilisation des antiquités grecques et romaines dans des contextes post-antiques, du Moyen Âge au Baroque. L’exposition fait partie d’une enquête plus vaste que la Fondazione Prada a entreprise depuis 2015, lorsqu’elle a présenté simultanément Serial Classic et Portable Classic, deux expositions organisées par Salvatore Settis (avec Anna Anguissola à Milan et avec Davide Gasparotto à Venise) et conçues par Rem Koolhaas/OMA, dans les espaces de Milan et de Venise. Cette recherche part du principe qu’il est nécessaire de considérer le classique non seulement comme unhéritage du passé, mais aussi comme un élément vital capable d’influencer notre présent et notre avenir. Des thèmes tels que la sérialité, la réutilisation et le recyclage dans l’art sont étroitement liés à notre conception de la modernité, mais ils témoignent également de la persistance de certaines valeurs, catégories et modèles classiques. Grâce à une approche interprétative innovante et à des méthodes d’exposition expérimentales, l’héritage antique, et en particulier l’héritage gréco-romain, devient, comme l’affirme Settis, “une clé d’accès à la multiplicité des cultures dans le monde contemporain”.

Recycling Beauty entend attirer l’attention sur le moment où la pièce antique abandonne son état initial ou en ruine et est réactivée, acquérant une nouvelle signification et une nouvelle valeur grâce au geste de réutilisation. Chaque élément de réutilisation ne modifie pas seulement le contexte dans lequel il est inséré, mais est à son tour modifié par lui dans un mécanisme de légitimation mutuelle et d’attribution de sens. Explorer la nature fluide et multiple des objets d’art qui changent d’usage, de réception et d’interprétation au fil du temps revient à réfléchir à la nature instable et transformatrice des processus artistiques. “Le réemploi implique la coexistence de différentes temporalités, où la distance historique et la simultanéité narrative et émotionnelle sont constamment entrelacées. Les marbres romains antiques appartiennent au même horizon culturel que ceux qui les réutilisent, et leur appropriation est donc ressentie comme naturelle. Mais la dimension temporelle échappe à la séquence calendaire, elle est instable, elle peut être manipulée et pliée”, explique Settis. “Pourquoi prendre un relief, un vase, un chapiteau dans les ruines? Pourquoi le transporter ailleurs pour le placer dans un nouveau contexte? Les réponses explorées ces dernières décennies vont dans trois directions complémentaires: le réemploi peut être mémoriel (tourné vers le passé), fondateur (tourné vers le présent) ou prédictif (tourné vers l’avenir). En l’absence de documents, il est souvent difficile de déterminer laquelle de ces intentions a prévalu dans chaque cas ; et il est tout à fait possible qu’elles aient été présentes simultanément [...] Le cœur et le stimulus du geste de réutilisation est souvent, ou peut-être toujours, ”d’insérer le passé dans le futur“, comme l’affirme Reinhart Koselleck, de prédire ou de déterminer ses développements. Le nouveau contexte absorbe ce qu’il réutilise, mais doit (et veut) le laisser reconnaissable même si (en fait, précisément parce qu’) il en prend possession”.

Conçue par Rem Koolhaas/OMA avec Giulio Margheri, l’exposition se déroule dans deux bâtiments de la Fondazione Prada, le Podium et la Citerne, comme un voyage d’analyse historique, de découverte et d’imagination. La disposition du Podium invite les visiteurs à s’engager dans les expositions avec différentes intensités. Un paysage de socles acryliques bas permet de percevoir les objets exposés dans leur ensemble, tandis que des structures ressemblant à des postes de travail invitent à un examen plus approfondi grâce à la présence de chaises de bureau. Dans la Citerne, le public rencontre les objets progressivement, dans une séquence d’espaces qui facilitent l’observation à partir de points de vue différents: de la hauteur d’un balcon à la perspective étroite d’une pièce construite à l’intérieur d’une des salles existantes. Certaines parties du projet proviennent de matériaux utilisés lors d’expositions précédentes organisées à la Fondazione Prada. Les bases en acrylique, par exemple, ont été utilisées pour la première fois en 2015 pour Serial Classic et ajoutent une dimension spatiale au thème clé du recyclage de la beauté. L’installation vise à souligner la grande valeur artistique et historique des œuvres présentées, mais aussi à montrer comment elles sont le produit de migrations, de transformations et d’évolutions de sens. En soulignant l’importance des fragments, de la réutilisation et de l’interprétation, le projet contribue à considérer le passé comme un phénomène instable en constante évolution. Cet itinéraire stratifié accueille plus de cinquante œuvres d’ art hautement représentatives provenant de collections publiques et de musées italiens et internationaux, tels que le Louvre à Paris, le Kunsthistorisches Museum à Vienne, le Ny Carlsberg Glyptotek à Copenhague, les musées du Capitole, les musées du Vatican et la Galleria Borghese à Rome, les galeries Uffizi à Florence et le musée archéologique national à Naples.

Un ensemble d’œuvres témoigne du fait que, bien que les immenses ruines de Rome après la chute de l’Empire romain d’Occident se soient effondrées en quelques générations, ces vestiges ont été perçus comme un vaste répertoire capable de préserver et de renouveler les valeurs et les symboles latents de l’antiquité. Deux salles de la Citerne seront consacrées à la statue colossale de Constantin (IVe siècle après J.-C.). Deux fragments de marbre monumentaux, la main droite et le pied droit, habituellement exposés dans la cour du Palais des Conservateurs à Rome, seront juxtaposés à une reconstruction à l’échelle 1:1 du Colosse, jamais tentée auparavant, qui montre comment l’œuvre est le résultat du remaniement d’une statue de culte plus ancienne, probablement celle de Jupiter. Ce projet est le fruit d’une collaboration entre les Musei Capitolini, la Fondazione Prada et la Factum Foundation, dont la supervision scientifique a été assurée par Claudio Parisi Presicce, Surintendant des Biens Culturels du Capitole. Après l’exposition, le Colosse sera exposé aux Musées Capitolins. Un autre groupe d’œuvres réfléchit sur la façon dont la transformation d’œuvres d’art anciennes en éléments décoratifs, tout en portant atteinte à leur intégrité et à leur contexte d’origine, a paradoxalement assuré leur conservation. La mensa en marbre avec un relief de la vie d’Achille (IVe siècle après J.-C.) et une décoration cosmatesque (XIIIe siècle) qui a décoré l’ambon de Santa Maria in Aracoeli à Rome du XIIIe siècle à 1743, et le cratère dionysiaque en marbre (Ier siècle avant J.-C.) signé par le sculpteur athénien Salpion et réutilisé comme fonts baptismaux dans la cathédrale de Gaète, en sont deux exemples. Certaines œuvres de l’exposition étudient les raisons fonctionnelles, politiques ou religieuses de la réutilisation des antiquités. C’est le cas du groupe de sculptures hellénistiques du Lion mordant un cheval (IVe siècle av. J.-C.) qui, au Moyen Âge, a été placé sur la colline du Capitole et est devenu une allégorie du bon gouvernement de la ville. Un autre exemple est la réutilisation d’anciens monuments funéraires décorés de scènes mythiques que personne ne pouvait plus lire, si ce n’est comme témoignage générique de la grandeur d’un empire disparu ou de la défaite du paganisme. Il s’agira d’un sarcophage dionysiaque de Cortone (IIe siècle après J.-C.) réutilisé en 1247 comme tombeau du bienheureux Guido, et d’une urne étrusque (IIe siècle avant J.-C.) recyclée au XIIe siècle à Pistoia pour contenir les reliques de saint Félix, mais sans en reconnaître la représentation, centrée sur le mythe fondateur des Jeux olympiques. L’instabilité sémantique des objets anciens réutilisés, c’est-à-dire leur mutation continue de sens, sera illustrée par un relief funéraire (1er siècle après J.-C.) autrefois exposé sur la façade de la Casa Santacroce à Rome. Des inscriptions ajoutées au XVe siècle interprètent les figures du défunt comme Honor, Amor et Veritas. Intégrer ce relief dans un nouveau contexte signifiait non seulement rendre hommage à l’art romain, mais surtout transformer cette représentation antique en un modèle moderne de conduite morale. C’est ce même principe qui a été suivi au XVe siècle par ceux qui ont placé sept anciennes têtes d’hommes sculptées dans le marbre sur la façade du Palazzo Trinci à Foligno, les transformant en allégories des sept âges de l’homme. D’autres œuvres exposées dans Recycling Beauty décrivent la redécouverte ou la renaissance d’objets anciens qui, à partir de ruines oubliées ou d’éléments négligés du passé, deviennent des objets de collection prestigieux, déclenchant un double processus de dispersion et de concentration. C’est ce qui est arrivé à deux reprises à la stèle funéraire “du Palestrite” (450-430 av. J.-C.) représentant les figures d’un athlète et d’un éphèbe. Arrivée de Grèce dans la Rome antique comme objet de collection, elle est réapparue dans la collection d’un cardinal au début du XVIe siècle, avant d’être coupée en deux et effacée en 1701, pour être finalement remontée en 1957 dans les musées du Vatican. Un parcours encore plus tortueux, lié à l’émergence du phénomène de la collection d’antiquités, est celui des treize fragments sculptés des Trônes de Ravenne. Ils sont les seuls vestiges de vingt-quatre dalles datant du milieu du premier siècle de notre ère et représentant les trônes vides d’autant de divinités lors d’un banquet: un thème d’origine mésopotamienne lointaine qui atteindra plus tard l’iconographie chrétienne et bouddhiste. À partir du XIIe siècle, certains reliefs commencent à circuler dans de petites villes (Biella, Treviso, Foligno), puis dans de grands centres artistiques tels que Venise, Florence, Rome, Milan, Fontainebleau et enfin Paris. Pour la première fois, Recycling Beauty présentera l’ensemble des reliefs conservés, sous forme originale ou moulée.

Un autre noyau d’œuvres exposées explore le court-circuit entre différentes temporalités qui se produit lorsque des objets d’art sont pris pour des antiquités, alors qu’ils sont d’époque moderne. C’est le cas de la tête de cheval réalisée par Donatello au milieu du XVe siècle pour l’arc de Castelnuovo à Naples, que l’on croyait, il y a encore un peu plus de 20 ans, être d’époque gréco-romaine. Les recherches effectuées sur le site de Recycling Beauty ont ensuite montré que la statue dite “di Paride”, autrefois placée sur une flèche de la cathédrale de Milan et considérée comme d’époque romaine, devait plutôt être datée du XVIe siècle. Dans le vaste processus de dévastation et d’oubli progressif d’une grande partie de l’art gréco-romain, seuls les objets considérés comme particulièrement précieux ont souvent été sauvés. Parmi ceux-ci, la statue en bronze d’un Camillus (Ier siècle après J.-C.), offerte à la ville de Rome par Sixte IV en 1471, et une paire d’œuvres de la période baroque, le Maure Borghese et La Zingarella, recomposées à Rome par le Français Nicolas Cordier en mélangeant des fragments antiques avec des parties de sa propre création, seront exposées. Les deux statues se trouvaient ensemble depuis le début du XVIIe siècle dans la collection du cardinal Scipione Borghese, alors qu’aujourd’hui le Maure se trouve au Louvre à Paris et La Zingarella dans la Galleria Borghese à Rome. D’autres objets exposés peuvent être classés dans la catégorie des véritables trésors qui ont survécu aux ravages du temps. C’est le cas de la Coupe Farnèse (IIe-XIe siècle avant J.-C.), le plus grand camée en pierre dure de l’Antiquité qui nous soit parvenu.

À l’occasion de l’exposition, la Fondazione Prada publiera un important volume illustré. À travers plusieurs contributions, le thème de la réutilisation dans l’art et l’architecture sera analysé sous différentes perspectives historiques, artistiques et philosophiques, dans le but d’en retracer l’histoire et de reconnaître la continuité ou la consonance de ces pratiques avec les pensées et les expériences de notre présent.

Pour plus d’informations : fondazioneprada.org

Image: Lion mordant un cheval (IVe siècle avant J.-C., Rome, Musées du Capitole, Palais des Conservateurs) © Rome, Sovrintendenza Capitolina ai Beni Culturali

Recyclage de la beauté: l'exposition de la Fondazione Prada sur la réutilisation de l'art classique
Recyclage de la beauté: l'exposition de la Fondazione Prada sur la réutilisation de l'art classique


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