La Vénétie du XVIe siècle. Art, évolution, principaux artistes


L'art vénitien du XVIe siècle, à Venise et au-delà, de Giorgione à Titien et Tintoret. Développements, principaux artistes.

Au début du XVIe siècle, la République de Venise avait achevé sa phase d’expansion sur la terre ferme en annexant à ses territoires une vaste portion de l’Italie du Nord, correspondant approximativement aux régions actuelles de la Vénétie, du Frioul, de la Lombardie orientale (à l’exception de Mantoue) et de la Romagne. En outre, avec l’annexion du royaume de Chypre au " Stato da Màr " (les territoires vénitiens d’outre-mer), elle est parvenue à étendre ses domaines maritimes. L’ambitieux expansionnisme vénitien (également évoqué plus haut) a également eu des conséquences négatives : pour conquérir la Romagne, Venise s’est engagée dans une lutte contre les États pontificaux, qui ont réussi à créer une Ligue d’États (à laquelle la France et l’Empire ont également participé) dans une optique anti-vénitienne. La Sérénissime subit deux défaites retentissantes en l509 : sur terre, à la bataille d’Agnadello, où elle est battue par les Français, et dans la bataille navale de Polesella où, sur les eaux du Pô, les Ferrarais, commandés par le cardinal Ippolito d’Este, le frère stratège du duc de Ferrare Alphonse Ier, détruisent la flotte vénitienne. Ferrare prenait ainsi sa revanche sur Venise après avoir perdu contre cette dernière lors de la guerre dite du sel, menée entre 1482 et 1484.

La guerre dura jusqu’en 1515, avec plusieurs renversements d’alliances : à la fin du conflit, grâce à une stratégie diplomatique astucieuse, Venise parvint à limiter les dégâts. Cependant, en raison également de la découverte de l’Amérique, qui avait ouvert de nouvelles routes commerciales, et du poids croissant des Turcs dans la dynamique politique et commerciale de la Méditerranée, Venise subit un déclin de son commerce maritime, bien qu’elle connaisse une période de paix relative pendant quelques décennies. Les guerres du début du siècle n’ont cependant pas fait baisser le niveau d’hédonisme du patriciat vénitien qui, vers la fin du XVe siècle, commence à développer sa propre pensée philosophique, alimentée par les contacts avec les régions italiennes où la culture néo-platonicienne est vivante. Cependant, les patriciens vénitiens ont utilisé le répertoire philosophique et mythologique qu’ils avaient appris pour créer leur propre code de représentation à la base des tableaux qu’ils commandaient aux artistes : ce langage est encore aujourd’hui crypté et difficile à déchiffrer, précisément parce qu’il est réservé à des cercles très restreints.

Giorgione

Le peintre qui a le mieux incarné cet esprit des grandes familles vénitiennes est un peintre qui ne vient pas de Venise, mais du continent, où l’aristocratie vénitienne avait pourtant commencé à se rendre pour ses séjours d’agrément: il s’agit de Giorgione da Castelfranco (Castelfranco Veneto, 1478 - Venise, 1510), un peintre extrêmement insaisissable et énigmatique, mais d’une importance capitale pour l’évolution de l’art en Italie. Le vrai nom de Giorgione est inconnu (peut-être Giorgio Barbarelli) et il n’existe que trois documents à son sujet. La culture du milieu vénitien de l’époque se retrouve dans de nombreux chefs-d’œuvre de Giorgione, dont le plus célèbre est probablement la Tempête (vers 1502-1505), aujourd’hui conservée à la Gallerie dell’Accademia à Venise. Il s’agit d’un tableau dont la signification n’est pas encore totalement comprise aujourd’hui : plusieurs interprétations ont été avancées et, dans l’état actuel de nos connaissances, aucune hypothèse ne peut être écartée ou acceptée avec certitude. En effet, il s’agit dès le départ d’une peinture énigmatique, réservée à un cercle restreint de spectateurs. Ce caractère énigmatique caractérise une grande partie de la production de Giorgionesca (par exemple Saturne en exil, également connu sous le nom d’Hommage à un poète, vers 1496-1498, Londres, National Gallery), qui était principalement destinée à des mécènes privés, à tel point que presque tous ses tableaux (à l’exception d’un très petit nombre) ont un sujet profane. Dans chacune d’entre elles, l’artiste revisite des éléments tirés tantôt de la nature, tantôt du répertoire mythologique, en fonction d’un certain langage ou d’une pensée philosophique. Pour donner une idée du type de commande de Giorgione, il suffit de dire qu’il n’existe qu’un seul tableau de lui conservé dans une église, le Retable de Castelfranco (1503-1504, Castelfranco Veneto, Cathédrale).

Mais les particularités de l’art de Giorgione ne se limitent pas au contenu, mais aussi à la technique. En effet, Giorgione a développé ce que l’on appelle la peinture tonale. L’artiste de Castelfranco était animé par le même désir que Léonard de Vinci d’étudier la réalité naturelle d’un œil scrupuleux, à tel point qu’il s’est approché de la perspective aérienne de Léonard mais l’a retravaillée sur une base typiquement vénitienne. On a déjà dit que l’école vénitienne privilégiait la couleur sur le dessin : avec Giorgione, l’art devient couleur pure, et le sens de la profondeur est donné non seulement par les différents degrés de netteté des objets comme chez Léonard, mais aussi par lacombinaison des couleurs, qui deviennent plus froides au fur et à mesure que l’objet s’éloigne de l’œil de l’observateur. Une intuition déjà développée par Giovanni Bellini et concrétisée par Giorgione grâce aussi à la contribution de Léonard. Ainsi, la couleur s’étale presque comme une “tache”. Giorgione reprend également la technique du sfumato de Léonard pour créer des objets dont les formes ne sont pas clairement détachées de l’atmosphère qui les entoure, mais se confondent avec elle. Même pour Giorgione, la nature n’a pas de formes nettes et, de plus, la nature, pour Giorgione, est essentiellement composée de couleurs, que le peintre réintègre dans son art à travers ses propres œuvres : c’est l’apogée du tonalisme vénitien (ou peinture tonale), la peinture dans laquelle la sensation de profondeur est donnée par la juxtaposition des couleurs.

Giorgione, La Tempête (vers 1502-1505 ; huile sur toile, 83 x 73 cm ; Venise, Galerie de l'Accademia)
Giorgione, La Tempête (vers 1502-1505 ; huile sur toile, 83 x 73 cm ; Venise, Galerie de l’Accademia)
Giorgione, Hommage à un poète (vers 1496-1498 ; huile sur panneau, 59,7 x 48,9 cm ; Londres, National Gallery)
Giorgione, Hommage à un poète (vers 1496-1498 ; huile sur panneau, 59,7 x 48,9 cm ; Londres, National Gallery)
Giorgione, Retable de Castelfranco (1503-1504 ; huile sur panneau de peuplier, 200 x 152 cm ; Castelfranco Veneto, Cathédrale)
Giorgione, Retable de Castelfranco (1503-1504 ; huile sur panneau de peuplier, 200 x 152 cm ; Castelfranco Veneto, Cathédrale)

Titien

Titien (Pieve di Cadore, 1488/90 - Venise 1576), le peintre le plus prospère de la Venise du XVIe siècle, au point d’anéantir toute concurrence (à tel point que Sebastiano del Piombo dut s’installer à Rome pour ne pas lui faire concurrence), est à l’origine de l’art du Titien. Titien venait, comme Giorgione, de l’arrière-pays, mais il n’avait pas son grand raffinement évocateur. Titien, qui maîtrise en revanche un langage plus dramatique, solide et puissant(Miracle de l’époux jaloux, 1511, Padoue, Scuola del Santo), utilise les acquis de Giorgione pour mettre en valeur cette composante de son art : Les figures sont construites, comme dans l’art de Giorgione, par la couleur, qui correspond également au sens dramatique que l’œuvre veut exprimer (chez Titien, les couleurs vives, comme le rouge et l’or, sont plus présentes), et réussit à atteindre une énergie que Giorgione ne connaissait pas et qui s’est avérée mieux adaptée à un public plus large. En effet, Titien ne travaillait pas seulement pour des particuliers et des cercles restreints, mais était le peintre des souverains, des princes, des papes et des empereurs. Le concept sur lequel repose l’utilisation de la couleur est donc différent : créer des atmosphères délicates chez Giorgione, créer des volumes solides chez Titien.

Outre l’élaboration de ce langage si puissant qu’il captive le public, Titien n’a pas manqué de renouveler les systèmes et les schémas établis et de revisiter les répertoires de la tradition. Dans l’une de ses œuvres phares comme la Pala Pesaro achevée en 1526 (Venise, Santa Maria Gloriosa dei Frari), l’artiste crée une composition jouant sur des lignes diagonales, contrairement à l’approche frontale classique du retable, dans le but d’étendre l’espace du tableau bien au-delà du support physique (la toile en l’occurrence). En témoignent les architectures tronquées par les limites physiques du tableau mais que l’observateur peut imaginer plus grandes que les limites de la toile. Comme Giorgione, Titien a également exécuté des peintures allégoriques aux significations floues (comme le célèbre Amor sacro e amor profano, 1515, Rome, Galleria Borghese : en savoir plus sur l’œuvre ici), bien que dans une moindre mesure que son prédécesseur, mais le classicisme de Titien était à son apogée dans la production d’œuvres mythologiques pour les mécènes de la cour et, contrairement à Giorgione, il subordonnait souvent la signification allégorique à la puissance expressive de l’œuvre. L’art de Titien connaîtra des changements notables vers la fin de sa carrière, à partir des années 1650, période au cours de laquelle les thèmes consacrés à la réflexion sur le drame de la vie (en particulier dans le domaine mythologique : des œuvres comme Diane et Actéon (1556-1559, Édimbourg, National Gallery of Scotland) et Apollon et Marsyas (vers 1571, Kromerí&zcaron ;, Arcibiskupský Zámek), dans lesquelles les formes et les couleurs deviennent également extrêmement tendues, discordantes, granuleuses, d’une manière presque impressionniste). L’agitation du maniérisme a probablement aussi affecté l’art du Titien.

Titien, Miracle de l'époux jaloux (1511 ; fresque, 340 x 207 cm ; Padoue, Scuola del Santo)
Titien, Miracle de l’époux jaloux (1511 ; fresque, 340 x 207 cm ; Padoue, Scuola del Santo)
Titien, Pala Pesaro (vers 1519-1526 ; huile sur toile, 478 x 268 cm ; Venise, Basilique de Santa Maria Gloriosa dei Frari)
Titien, Pala Pesaro (vers 1519-1526 ; huile sur toile, 478 x 268 cm ; Venise, Basilica di Santa Maria Gloriosa dei Frari)
Titien, Amour sacré et amour profane (1515 ; huile sur toile, 118 x 278 cm ; Rome, Galleria Borghese)
Titien, Amour sacré et amour profane (1515 ; huile sur toile, 118 x 278 cm ; Rome, Galleria Borghese)
Titien, Diane et Actéon (1556-1559 ; huile sur toile, 184,5 x 202,2 cm ; Édimbourg, National Galleries of Scotland)
Titien, Diane et Actéon (1556-1559 ; huile sur toile, 184,5 x 202,2 cm ; Édimbourg, National Galleries of Scotland)
Titien, Apollon et Marsyas (vers 1571 ; huile sur toile, 222 x 204 cm ; Kromerí&zcaron ;, Arcibiskupský Zámek)
Titien, Apollon et Marsyas (vers 1571 ; huile sur toile, 222 x 204 cm ; Kromerí&zcaron ;, Arcibiskupský Zámek)

Tintoret et Véronèse

Les chefs-d’œuvre des deux derniers représentants importants du XVIe siècle en Vénétie, qui travaillaient déjà à l’époque du maniérisme, s’inspirent des expériences précédentes : Jacopo Robusti dit Tintoret (Venise, 1518 - 1594) et Paolo Caliari dit Véronèse (Vérone 1528 - Venise 1588). Le premier a poussé le dramatisme de Titien à l’extrême, également à la lumière d’une réinterprétation des maniéristes toscans qui étaient actifs dans la lagune à l’époque. L’art du Tintoret est également riche en effets lumineux extraordinaires : la lumière est en effet le grand protagoniste de la poétique du Tintoret, car elle souligne les situations, fait ressortir les formes et les personnages, crée un dynamisme et augmente la charge dramatique des scènes(Miracle de l’esclave, 1548, Venise, Gallerie dell’Accademia). Il s’agit d’un art révolutionnaire pour l’époque, dont l’effet d’implication émotionnelle de l’observateur, l’un des objectifs de la poétique du Tintoret, est obtenu précisément grâce à un fort dynamisme et à une utilisation dramatique de la lumière. Cette dramatisation est telle qu’elle devient souvent visionnaire, comme dans la grandiose Crucifixion de la Scuola Grande di San Rocco (1565) ou encore dans laCène de la basilique San Giorgio Maggiore (1592-1594), également à Venise, une œuvre dans laquelle les anges volants ressemblent presque à des fantômes évanescents.

En revanche, l’art de Véronèse est totalement différent. Autant Tintoret était dramatique et tendu, autant Véronèse était calme et classique. Ce dernier partait du naturalisme vivant du chromatisme du Titien et le fusionnait avec une étude renouvelée de la perspective que l’artiste utilisait pour créer des compositions illusionnistes comme celles de Villa Barbaro à Maser, où les architectures peintes traversent les murs de manière illusionniste, renouant avec une tradition qui ne s’était jamais complètement éteinte depuis Mantegna. Les atmosphères de Véronèse n’ont pas la charge presque violente de celles du Tintoret, mais se caractérisent par des couleurs vives et limpides qui donnent de la sérénité aux scènes. Cette peinture correspondait au goût pour le luxe de l’aristocratie vénitienne, comme en témoigne une œuvre telle que le Souper dans la maison de Lévi (1573, Venise, Galerie de l’Académie), avec son fort impact scénographique et l’ostentation du luxe. Ce sont précisément ces tendances qui ont valu au peintre un procès pour hérésie : l’artiste était accusé d’avoir réalisé un tableau au sujet sacré trop “profane”, uneCène qui, après la sentence heureusement clémente prononcée à l’encontre de Véronèse, a subi une série de modifications qui l’ont transformée en Cène dans la maison de Lévi.

La luminosité exceptionnelle des tableaux de Paolo Véronèse est également due à l’intuition particulière d’utiliser des couleurs complémentaires qui, juxtaposées, sont en mesure de garantir un plus grand éclat à la composition. L’utilisation des couleurs complémentaires n’est rien d’autre que la juxtaposition de la couleur primaire (rouge, jaune, bleu) avec la couleur donnée par la somme des deux couleurs primaires restantes (rouge + vert ; jaune + violet ; bleu + orange). Ces couleurs, en se réfléchissant, sont à l’origine de la lumière blanche, qui donne de l’éclat à la scène. Cet expédient (réalisé en développant les idées de l’école véronaise) explique également la tendance de Paolo Véronèse à ne pas utiliser le clair-obscur.

Tintoret, Saint Marc libère l'esclave de la torture, également appelé Miracle de l'esclave (1548 ; huile sur toile, 415 x 541 cm ; Venise, Gallerie dell'Accademia)
Tintoret, Saint Marc libérant l’esclave de la torture, également connu sous le nom de Miracle de l’esclave (1548 ; huile sur toile, 415 x 541 cm ; Venise, Gallerie dell’Accademia).
Tintoret, Crucifixion (1565 ; huile sur toile, 518 x 1224 cm ; Venise, Scuola Grande di San Rocco)
Tintoret, Crucifixion (1565 ; huile sur toile, 518 x 1224 cm ; Venise, Scuola Grande di San Rocco)
Tintoret, Cène (1592-1594 ; huile sur toile, 365 x 568 cm ; Venise, San Giorgio Maggiore)
Tintoret, Cène (1592-1594 ; huile sur toile, 365 x 568 cm ; Venise, San Giorgio Maggiore)
Fresques de Véronèse à la Villa Barbaro à Maser
Fresques de Véronèse à la Villa Barbaro à Maser
Paolo Veronese, Souper dans la maison de Levi (1573 ; huile sur toile, 555 x 1280 cm ; Venise, Galerie de l'Accademia)
Paolo Veronese, Souper dans la maison de Levi (1573 ; huile sur toile, 555 x 1280 cm ; Venise, Gallerie dell’Accademia)

La Vénétie du XVIe siècle. Art, évolution, principaux artistes
La Vénétie du XVIe siècle. Art, évolution, principaux artistes


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