L'art contemporain est-il aujourd'hui un geste d'émancipation ou une marchandise esthétique à consommer ?


Qu'est-ce que l'art contemporain aujourd'hui ? S'agit-il d'un geste d'émancipation, redéfinissant peut-être les récits dominants, ou d'une marchandise esthétique et consommable, destinée à un public de plus en plus éloigné de la réalité que l'art représente ?

En poussant l’art aux limites extrêmes de la société, une tension subtile et inquiétante se fait jour : assistons-nous à un acte d’émancipation, à un geste qui redéfinit les récits dominants, ou bien à la mutation du malaise en une marchandise esthétique, consommable et distillée pour le plaisir d’un public de plus en plus éloigné de la réalité qu’elle représente ? La réponse n’est pas simple, et pourtant cette question marque les trajectoires les plus audacieuses de l’art contemporain aujourd’hui. Lorsque nous parlons de “frontières extrêmes”, nous nous référons à ces territoires de marginalité où la douleur, la solitude et l’exclusion ne sont pas des concepts abstraits, mais des expériences quotidiennes. L’art, dans ces cas, ne se contente pas de refléter ces réalités : il devient le véhicule par lequel le malaise se manifeste, devient visible, remettant en quelque sorte en question les règles du discours dominant. Mais est-il vraiment possible de s ’émanciper de la douleur par l’art, ou l’art, en essayant de donner une voix à la souffrance des autres, finit-il par la transformer en une forme esthétisée qui perd son impact radical ?

Sur la scèneartistique contemporaine, l’approche de la marginalité a souvent trouvé une forme d’expression qui joue sur l’ambiguïté. L’exposition de la souffrance, la représentation de la vulnérabilité, peuvent être lues comme des actes de dénonciation, mais aussi de spectacularisation. La souffrance, aussi authentique soit-elle, peut se transformer en un concept utilisable, une émotion à consommer dans un espace protégé, loin de la réalité qu’elle veut raconter. C’est le paradoxe auquel doit faire face tout artiste confronté à la réalité extrême de la société : comment donner une visibilité à ce qui est invisible sans réduire sa dénonciation à une action esthétique qui en vide le contenu ?

Santiago Sierra, No (2009 ; bois peint, 264 x 470 x 225 cm)
Santiago Sierra, No (2009 ; bois peint, 264 x 470 x 225 cm)

L’art qui s’attaque aux inégalités sociales, à la violence ou à l’injustice peut aller jusqu’à devenir un acte de résistance, une forme de lutte. Mais toute résistance a un prix : elle peut lentement se transformer en un objet consommable, un produit pour le marché, une marchandise à exposer dans des galeries, des musées, dans des contextes qui se confrontent rarement à la réalité que l’œuvre veut dénoncer. Ainsi, en devenant un moyen de dénonciation, l’art court le risque de faire partie du système qu’il critique lui-même.

Si, comme semble le suggérer Santiago Sierra, l’art contemporain se situe de plus en plus dans une zone de non-confinement, entre le social et le commercial, entre le réel et l’imaginaire, la question se pose : dans quelle mesure une œuvre d’art peut-elle être “authentique” lorsque son résultat même est prédéterminé par la logique du marché? La marchandisation de la souffrance sociale est désormais un fait. Les expositions présentant des images d’enfants migrants, de corps tatoués déformés par des expériences extrêmes ou de détresse mentale ne sont plus rares, mais souvent le traitement esthétique que ces souffrances subissent remet en question l intention politique réelle de l’artiste . Si l’art peut donner une visibilité à ces questions, peut-il alors réellement redonner un visage humain à l’invisible, ou ne fait-il que transformer la souffrance en une marchandise circulant sur le marché de l’art ?

Comment l’art peut-il alors répondre à cette dualité ? Lorsqu’il représente la douleur, la marginalisation, la pauvreté, l’art peut-il réellement émanciper ceux qui vivent en marge, ou simplement esthétiser ce qui n’est pas consommable pour la majorité de ses utilisateurs ? Est-il possible de faire de l’art qui ne reflète pas seulement les conditions extrêmes de la société, mais qui les transmute en un acte de libération collective ?

Le travail de Tania Bruguera, par exemple, crée souvent des moments de confrontation directe avec le public, l’invitant à réfléchir à des questions politiques liées à l’expérience du corps et de la répression. Son projet Immigrant Movement International, qui explore le concept de l’immigration en tant qu’état d’exil, ne remet pas seulement en question l’art en tant qu’objet, mais ouvre un dialogue entre l’artiste, le public et la réalité sociale que cette souffrance représente. Mais même dans ce cas, peut-on vraiment parler d’émancipation, ou sommes-nous face à une représentation solide, à une dénonciation qui risque de rester confinée dans le cadre de l’art ?

Tania Bruguera, Tatlin's Whisper #5 (2008, la photo montre la performance de 2016 à la Tate Modern)
Tania Bruguera, Tatlin’s Whisper #5 (2008, la photo montre la performance à la Tate Modern en 2016)

La critique de cette esthétisation du malaise est aujourd’hui un thème central de la réflexion théorique contemporaine. Des artistes comme Mark Bradford et Glenn Ligon utilisent des surfaces et des matériaux pour recréer la tension entre l’intimité de l’expérience et sa représentation publique. Mais où se situe alors la frontière entre la libération et la consommation esthétique ? Peut-on vraiment espérer que l’art, en tant qu’instrument de dénonciation, puisse briser les barrières sociales et donner une voix aux sans-voix, ou sommes-nous confrontés à un autre niveau de spectacularisation du malaise humain ?

La tension entre émancipation et esthétisation du malaise est plus que jamais d’actualité. L’art parvient-il à redessiner les géographies sociales, à ouvrir des espaces de réflexion et de changement, ou se contente-t-il de raconter des histoires qui nous appartiennent de moins en moins, comme si ces vies, ces souffrances, étaient simplement devenues partie intégrante de notre imaginaire collectif ?

Dans un monde de plus en plus consumé par l’apparence, est-il possible pour l’art, tout en partant de la douleur, de la transcender, de défier le système sans être phagocyté par lui ? La réponse n’est jamais définitive. Toute œuvre confrontée à la souffrance, à la marginalité, est contrainte de s’interroger sur ses propres limites, sur les contradictions qui émergent lorsque la douleur est exposée en tant que spectacle, en tant que performance.

Mark Bradford, Dead hummingbird (2015 ; mixed media, 214 x 275,6 cm ; Los Angeles, Hammer Museum ; Courtesy of the artist and Hauser & Wirth)
Mark Bradford, Dead hummingbird (2015 ; mixed media, 214 x 275,6 cm ; Los Angeles, Hammer Museum ; Courtesy of the artist and Hauser & Wirth)

La véritable question qui émerge alors n’est pas seulement “Qu’est-ce que cet art essaie de dire ?”, mais “Qui est le destinataire de ce message et, surtout, à qui appartient la douleur qu’il représente ?” Peut-être qu’en s’attaquant aux limites extrêmes de la société, l’art ne se contente pas d’explorer la souffrance, mais nous oblige à réfléchir à notre relation avec elle : sommes-nous témoins, mais aussi complices ? Enfin, quel est le rôle de l’artiste dans ce jeu de miroirs, où la frontière entre dénonciation et esthétisation devient de plus en plus floue ?

L’art dans les limites extrêmes de la société a la capacité d’ ouvrir de nouveaux horizons, mais seulement s’il parvient à éviter le risque de devenir un contenant vide, où le malaise n’est plus qu’une forme, dépourvue de véritable substance. Ce n’est peut-être qu’ainsi qu’il peut trouver cette force d’émancipation qui le rendrait véritablement capable de changer, sinon le monde, du moins la perception de ceux qui le regardent.


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