Entartete Kunst": l'exposition nazie condamnant l'"art dégénéré".


Le 19 juillet 1937 s'ouvre l'exposition "Entartete Kunst", voulue par le régime nazi pour montrer au public l'art "dégénéré" contraire aux principes du régime.

19 juillet 1937. À Munich, à l’Institut d’archéologie du Hofgarten, s’ouvre une exposition destinée à remplir l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’art: Elle s’intitule Entartete Kunst, “Art dégénéré”, et son commissaire est Adolf Ziegler (Brême, 1892 - Varnhalt, 1959), un peintre académique et pompeux que le régime nazi a placé, en novembre 1936, à la tête de la Reichskammer der Bildenden Künste (“Chambre du Reich pour les arts visuels”), un institut créé pour promouvoir l’art allemand considéré comme conforme, mais qui, pendant la période de l’exposition, est également chargé de retirer des musées allemands tous les tableaux qui contreviennent aux principes du régime. Les lignes directrices des saisies trouvent leur résumé le plus illustratif dans une brochure publiée au début de l’année 1937: elle s’intitule Säuberung des Kunsttempels (“Nettoyage du temple de l’art”) et son auteur est Wolfgang Willrich (Göttingen, 1897 - 1948), peintre amateur aussi vaniteux que conservateur, anciennement employé au ministère de la Culture, qui se voit confier des tâches d’organisation de l’exposition de Munich.

Adolf Ziegler
Adolf Ziegler. Photo: Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz
Avec son travail, Willrich s’impose comme l’un des idéologues de facto de la censure. Son raisonnement aberrant va jusqu’à considérer la création artistique comme un moyen de définir la race allemande pure, au motif que “l’art”, lit-on dans le texte, “est meilleur que les mots pour répandre et imprimer” l’idée de la race qui "aspire à établir la noblesse du peuple allemand, agissant comme un guide pour le peuple lui-même [...]. Éveiller le désir de noblesse du peuple allemand, établir clairement que le beau et le sublime ne sont pas simplement le privilège de dieux auxquels on ne peut pas croire, mais qu’ils sont au contraire une possibilité humaine et le but ultime de la renaissance... quels nobles objectifs pour l’art ! L’art doit, par essence, servir d’exemple au peuple, afin de le guider dans la définition de la race pure. Pas de place, donc, pour un art qui s’écarte de ce but: le succès d’artistes comme Nolde, Kirchner, Schmidt-Rottluff et bien d’autres, et leur entrée à l’Académie des Arts de Berlin, sont considérés par Willrich comme le résultat de la “corruption de l’esprit”, de “l’effort pour satisfaire l’opinion publique” et de la “bolchévisation” de l’art. Willrich n’est cependant ni le premier ni le plus influent: bien des années avant lui, en 1892, Max Nordau avait publié un livre intitulé Entartung (“Dégénérescence”) qui s’était imposé comme l’un des premiers ouvrages sur l’art dégénéré. La thèse de Nordau était que l’humanité traversait une période de dégénérescence, d’affaiblissement des mœurs, et que l’art était l’un des principaux responsables de cette dégradation. Ses critiques portaient principalement sur la littérature (des auteurs tels que Nietzsche, Ibsen, Wilde, Zola, Baudelaire, Tolstoi étaient qualifiés de “dégénérés”), mais s’étendaient également aux arts visuels, dans lesquels Manet, Rossetti, les impressionnistes et les symbolistes, entre autres, étaient cités.

Le titre du livre Säuberung des Kunsttempels de Wolfgang Willrich
Le titre du livre Säuberung des Kunsttempels de Wolfgang Willrich

L’idée d’un “canon de l’art dégénéré” n’est donc pas nouvelle, mais dans les années 1930, elle est appelée à jouer un rôle profond dans les affaires artistiques de l’Allemagne et, par extension, de toute l’Europe. Tous les artistes les plus novateurs de l’époque (mais aussi les auteurs des générations précédentes, souvent disparus depuis des années) sont en effet interdits par le régime. Les noms sont illustres: lire les listes d’œuvres confisquées (dont le seul inventaire complet connu est aujourd’hui conservé au Victoria and Albert Museum de Londres), c’est retracer la plus grande histoire de l’art du début du XXe siècle. On y retrouve les artistes du groupe Die Brücke (Emil Nolde, Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Otto Müller, Max Pechstein, Karl Schmidt-Rottluff entre autres), ceux du Blaue Reiter (Vassily Kandinsky, Paul Klee, Franz Marc), d’autres expressionnistes comme Max Beckmann, Marc Chagall et Christian Rohlfs, ainsi que leurs précurseurs comme Edvard Munch et James Ensor, mais aussi les artistes de la Sécession berlinoise (comme Oskar Kokoschka, Max Liebermann et Lovis Corinth), ceux de la Neue Sachlichkeit (George Grosz, Otto Dix, Georg Schrimpf, Conrad Felixmüller), les artistes Dada comme Kurt Schwitters et Raoul Hausmann, les artistes du Bauhaus (entre autres Johannes Itten et László Moholy-Nagy), les cubistes ( Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand Léger et Oleksandr Archipenko ont également été touchés, ainsi qu’un cubiste orphique comme Robert Delaunay), et encore les futuristes(Umberto Boccioni, Carlo Carrà), les symbolistes (comme Gustav Klimt et Odilon Redon) les post-impressionnistes comme Vincent van Gogh, Paul Cézanne et Henri Matisse, puis les artistes du Paris des années 1920 comme Amedeo Modigliani et Moïse Kisling, jusqu’aux artistes les plus récents et les plus actuels, de Piet Mondrian à El Lissitzky en passant par Giorgio De Chirico, Theo van Doesburg, Max Ernst, Natalia Goncharova et bien d’autres.

Une des feuilles de l'inventaire des œuvres saisies (première partie de la liste des œuvres confisquées dans les collections de la ville de Gelsenkirchen)
Une des feuilles de l’inventaire des œuvres saisies (première partie de la liste des œuvres confisquées aux collections de la ville de Gelsenkirchen).

Nombre de leurs œuvres figurent dans la grande exposition de 1937. Cependant, cette exposition n’est pas la première: l’exposition de Munich a en effet été précédée de plusieurs expositions plus modestes, dont la première s’est tenue à l’hôtel de ville de Dresde en 1933. À cette occasion, environ deux cents œuvres ont été proposées au public, dont deux tiers de dessins et d’aquarelles, ainsi qu’au moins quarante-deux peintures et dix sculptures. Malgré sa taille relativement modeste, cette exposition est importante, non seulement parce qu’elle est la première de celles consacrées à l’“Entartete Kunst”, mais aussi parce qu’elle constitue le noyau fondateur de la grande manifestation qui s’ouvrira le 19 juillet 1937. Puis, au cours des quatre années qui séparent les expositions de Dresde et de Munich, se produisent des événements qui vont exercer une influence encore plus lourde et plus massive sur la scène artistique allemande. Vers la fin de l’année 1936, le ministre de l’Éducation et de la Propagande, Joseph Goebbels, prend deux mesures décisives: il nomme le dénommé Ziegler, décidément plus extrémiste que son prédécesseur Eugen Hönig, président de la Reichskammer der Bildenden Kunst, et surtout il interdit la critique d’art afin de renforcer le contrôle direct du Reich sur toutes les manifestations artistiques en Allemagne (après tout, Hitler avait déjà désigné la presse comme l’un des principaux responsables de la diffusion de “l’art dégénéré” en 1929). Cette décision met fin au débat artistique dans le pays: désormais, seul l’art conforme aux exigences du Reich trouve sa place dans les galeries. Pour sanctionner cette nouvelle orientation et donner officiellement le ton, Goebbels (qui, comme Hitler et Göring, avait visité les petites expositions de l’“Entartete Kunst” les années précédentes) décide d’organiser un double événement à Munich: une grande exposition rassemblant l’art considéré comme sain et exemplaire(Große Deutsche Kunstausstellung, “Grande exposition d’art allemand”), ouverte à tous les artistes qui le souhaitent (le comité de jugement a reçu jusqu’à quinze mille candidatures) et une exposition qui, en revanche, rassemble ce qui est considéré comme déviant. Cette dernière est organisée très rapidement: le décret par lequel Goebbels investit Ziegler du rôle de commissaire est daté du 30 juin. En deux semaines, le président de la Reichskammer et sa commission passent au peigne fin les musées allemands et confisquent 5 328 œuvres, parmi lesquelles seront sélectionnées celles qui seront montrées au public.

Les directives que suit la commission de Ziegler sont très simples. Toutes les œuvres tendant à l’abstraction ou présentant des figures jugées irréalistes sont saisies. Les œuvres considérées comme portant atteinte aux bonnes mœurs ou à l’honneur de la nation sont ensuite rayées. Les œuvres d’artistes jugés peu compétents techniquement sont ensuite retirées des musées. Là encore, les revues dans lesquelles écrivent les critiques les plus en vue sont passées en revue, de sorte qu’il est facile d’obtenir des listes de noms d’artistes à censurer. On étudie l’odieux livre de Willrich qui répertorie d’autres artistes considérés comme dégénérés, et on fait de même avec la production littéraire des critiques de régime. En général, tous les artistes dont la sensibilité est considérée comme éloignée de celle du Reich sont touchés par les saisies. Même les artistes ayant adhéré au NSDAP, le parti nazi, ne sont pas épargnés: Emil Nolde, longtemps membre du parti, se voit confisquer plus d’un millier d’œuvres et interdire de peindre, malgré ses protestations. Nolde, et bien d’autres artistes, ont en effet reçu des lettres du président de la Reichskammer les informant de leur exclusion de l’institut. Voici ce que dit celle que Schmidt-Rottluff a reçue: "À l’occasion de l’élimination de l’art dégénéré des musées [...], je vous informe que 608 œuvres vous ont été confisquées. Un certain nombre d’entre elles ont été présentées lors des expositions Entartete Kunst à Munich, Dortmund et Berlin. Pour cette raison, vous devez comprendre que vos œuvres ne sont pas conformes aux objectifs de promotion de la culture allemande auprès du peuple et du Reich. Vous avez dû prendre connaissance du discours prononcé par le Reich lors de l’ouverture de la Große Deutsche Kunstausstellung, et malgré cela, vous êtes encore loin de la pensée culturelle de l’État national-socialiste. Sur la base de ce qui précède, vous n’êtes plus éligible pour être membre de cette Chambre. [Je vous exclus donc de la Reichskammer der bildenden Kunst et vous interdis, avec effet immédiat, toute activité, professionnelle ou non, dans le domaine des arts visuels. Signé: Adolf Ziegler".

Les conservateurs, pris dans les confiscations, n’ont guère le temps de préparer du matériel promotionnel. Le temps leur permet seulement de penser à un dépliant annonçant l’événement de cette manière: Toiles torturées - Dégradation mentale - Fantaisies malades - Malades mentaux incompétents - Produits et producteurs d’un “art” récompensé par les cliques juives et apprécié par les lettrés, acheté par l’État et les villes qui dilapident des millions des ressources nationales pendant que les artistes du peuple allemand meurent de faim. Voici: tel était cet État, tel était son art. Venez voir ! Jugez par vous-même ! Visitez l’exposition “Entartete Kunst”. Entrée gratuite. Interdit aux jeunes. Le catalogue officiel de l’exposition n’est publié que quatre mois plus tard, à l’occasion de l’étape berlinoise de l’exposition, et devient célèbre pour sa couverture, qui consiste en une photographie d’une œuvre d’Otto Freundlich (Słupsk, 1878 - Majdanek, 1943), Großer Kopf (Der Neue Mensch), ou “Grande tête (L’homme nouveau)”, une sculpture de style primitiviste, clairement inspirée des grandes statues de l’île de Pâques: le titre de l’exposition est simplement apposé sur l’image. Freundlich et sa sculpture connaissent cependant une fin tragique: la sculpture disparaît en 1941, probablement détruite, tandis que l’artiste est déporté au camp de concentration de Majdanek, près de Lublin, en Pologne, et assassiné le jour même de son arrivée.

Le dépliant publié pour promouvoir l'exposition et le catalogue de l'exposition de Berlin
Le dépliant publié pour la promotion de l’exposition et le catalogue de l’exposition de Berlin

L’exposition a ensuite été inaugurée le 19 juillet: Ziegler lui-même a prononcé le discours d’ouverture qui a fait froid dans le dos. Voici un extrait de son discours: “Nous avons encore un devoir tragique à remplir: nous devons montrer au peuple allemand que, jusqu’à récemment, certaines forces, qui ne trouvaient pas d’expression naturelle ou clairement vitale dans l’art, ont exercé une influence substantielle sur la production artistique. Ces forces ont délibérément renoncé à un art sain pour promouvoir un art malade et dégénéré, tout en le célébrant comme la plus grande révélation. Mais les paroles prononcées hier par le Führer nous permettent de réaliser avec enthousiasme que pour ces formes d’art, la fin est enfin arrivée. [Aujourd’hui, nous nous trouvons au milieu d’une exposition qui ne représente qu’une fraction de ce que les musées, avec l’argent du peuple allemand, ont acheté en tant qu’art et exposé en tant qu’art. Tout autour de nous, on peut voir les produits de ces fous canailles, les sous-produits altérés de l’impudence, de l’ineptie, de la dégénérescence. Et ce que l’exposition actuelle nous offre provoque le même dégoût, la perplexité la plus absolue. Beaucoup de conservateurs de nos musées n’ont même pas une once de sens des responsabilités envers le peuple et la nation, ce qui est la condition sine qua non pour organiser une exposition d’art”. Lors de l’inauguration de la Große Deutsche Kunstausstellung, qui avait été inaugurée la veille, le Führer lui-même était présent et a prononcé le discours d’ouverture: cependant, de nombreuses personnes présentes écriront plus tard qu’Adolf Hitler était très nerveux ce jour-là. Il semble que, dans une certaine mesure, lui, Goebbels et les autres participants aient ressenti la différence de qualité entre les œuvres pour la plupart médiocres et insultantes qui peuplaient l’exposition d’art aryen, et les œuvres de l’avant-garde la plus moderne qui avaient été rassemblées pour l’exposition d’art dégénéré. Et Hitler avait de bonnes raisons de s’inquiéter, car le public allait se montrer beaucoup plus avide de visiter l’exposition Entartete Kunst: à la clôture, fixée au 30 novembre, l’exposition allait enregistrer un nombre impressionnant de 2 009 899 visiteurs, soit plus de trois fois plus que la “grande exposition d’art allemand”. Aujourd’hui encore, elle reste l’une des expositions d’art les plus visitées de l’histoire: pour certains, c’est même l’exposition d’art contemporain la plus visitée de tous les temps.

Le public fait la queue pour entrer dans l'exposition Entartete Kunst à Munich
Personnes faisant la queue pour entrer dans l’exposition Entartete Kunst à Munich


Joseph Goebbels visite l'exposition Entartete Kunst
Joseph Goebbels visite l’exposition Entartete Kunst


Adolf Hitler (deuxième à partir de la gauche) supervise l'exposition de Munich avec Adolf Ziegler (premier à partir de la gauche).
Adolf Hitler (deuxième à partir de la gauche) supervise l’exposition de Munich avec Adolf Ziegler (premier à partir de la gauche).

Plusieurs raisons expliquent ce succès. La gratuité a certes favorisé une forte fréquentation, mais elle n’est qu’un des ingrédients d’une telle réponse que les organisateurs envisagent d’autres étapes, afin d’amener les œuvres des “artistes dégénérés” à Berlin, Leipzig, Düsseldorf, Vienne, Salzbourg et dans d’autres villes du Reich, dans le cadre d’une tournée qui s’étendra sur quatre ans. Les visiteurs perçoivent les œuvres de l’“art officiel” comme banales, ennuyeuses et monotones, tandis que les “dégénérés” les stimulent davantage. Là encore, le public s’imagine manifestement que l’exposition de Munich sera la dernière occasion de voir de près et en direct les œuvres d’artistes modernes: beaucoup d’entre elles seront détruites, d’autres seront perdues. Ou alors, les visiteurs voudront voir jusqu’où le régime est allé pour insulter les “artistes dégénérés”, comme le suggérait le prospectus.

Dans les salles d’exposition, les peintures sont toujours accompagnées de commentaires et de slogans infamants. Les œuvres sont nombreuses: cependant, comme il manque à l’édition de Munich un catalogue officiel qui, comme nous l’avons dit plus haut, ne paraîtra qu’à l’occasion de l’étape berlinoise, on ne peut que faire des estimations quant à leur nombre, et les spécialistes indiquent entre 650 et 750 œuvres dans les salles de l’Institut d’archéologie du Hofgarten. Le catalogue de Berlin nous apprend que les œuvres sont divisées en groupes thématiques, chacun étant présenté par un titre spécifique. Cependant, la subdivision des groupes entre les salles de l’exposition de Munich ne suit pas servilement les regroupements connus du catalogue, mais leur mention permet néanmoins de se faire une idée des caractéristiques que les nazis attribuaient à “l’art dégénéré”. Premier groupe, technique de la dégénérescence: “Zersetzung des Form und Farbempfindens” (“Désintégration de la forme et de la perception des couleurs”). Deuxième groupe, œuvres à thème religieux: “Unverschämter Hohn auf jede religiöse Vorstellung” (“Insolente offense à toute idée religieuse”). Troisième et quatrième groupes: œuvres à thème politique: “Der politische Hintergrund der Kunstentartung” (“Le contexte politique de la dégénérescence de l’art”) et “Politische Tendenz” (“Tendances politiques”). Cinquième groupe, les œuvres jugées offensantes pour la morale: “Einblick in die moralische Seite der Kunstentartung: Bordell, Dirnen, Zuhälter” (“Regard sur les aspects moraux de la dégénérescence artistique: maisons closes, prostituées, proxénètes”). Sixième groupe, les œuvres considérées comme portant atteinte à la dignité de la race aryenne: “Abtötung der letzten Reste jedes Rassebewußtseins” (“Destruction des derniers vestiges de toute conscience raciale”). Septième groupe, œuvres éloignées des canons esthétiques considérés comme sains et conformes aux principes du Reich: “Idioten, Kretins, Paralytiker” (“Idiots, Cretins, Paralytiques”). Huitième groupe, les œuvres produites par des artistes juifs, simplement intitulées “Juden” (“Juifs”). Neuvième et dernier groupe, les œuvres d’artistes considérés comme fous: “Vollendeter Wahnsinn” (“Folie absolue”).

Nous connaissons aujourd’hui bon nombre des œuvres présentées dans l’exposition, qui s’ouvre sur un grand crucifix, tendant vers l’abstraction, de Ludwig Gies, accompagné du commentaire “Dieses Schauerwerk hing als Heldenehrenmal in Dom zu Lübeck” (“Cette œuvre hideuse est accrochée en hommage aux morts dans la cathédrale de Lübeck”). Cette sculpture (détruite par la suite) introduit la salle des œuvres à thème religieux, où sont exposées des peintures telles que Le Paradis perdu d’ Emil Nolde (aujourd’hui à la Nolde Stiftung Seebüll) ou Le Christ et la femme adultère de Max Beckmann (aujourd’hui au City Art Museum de Saint Louis). Mais de nombreuses œuvres de qualité trouvent leur place dans les salles d’exposition. Des tableaux tels que Trois filles d’Otto Müller (également à Saint Louis), " Purim “ de Marc Chagall (aujourd’hui au Philadelphia Museum of Art) et ” Dames au café " d’Ernst Ludwig Kirchner (aujourd’hui au Brücke-Museum de Berlin) sont exposés dans les salles d’exposition, la vue de Monte-Carlo d’Oskar Kokoschka (aujourd’hui au Musée d’Art Moderne de Liège), l’Ecce Homo de Lovis Corinth (aujourd’hui au Kunstmuseum de Bâle) et les Deux chats, bleu et jaune de Franz Marc (dans le même musée). Le mur contenant les œuvres du mouvement Dada est particulièrement célèbre: sur une photographie, sous le slogan ironique “Nehmen Sie Dada ernst ! / Es lohnt sich” (“Prenez Dada au sérieux ! / Cela en vaut la peine”), un Ringbild de Kurt Schwitters (dont nous ignorons le destin) et la Légende du marais de Paul Klee, aujourd’hui à la Städtischen Galerie im Lenbachhaus de Munich, se détachent clairement. Une autre photographie connue montre un mur sur lequel se détache le slogan “Sie sagen es selbst” (“Vous le dites vous-même”, adressé au public) et où sont accrochées des œuvres telles que les Masques d’ Emil Nolde (aujourd’hui dans une collection privée), ou les Deux Rouges de Vassily Kandinsky et l’Autoportrait de Conrad Felixmüller, deux tableaux dont nous ne connaissons pas la fin.

Exposition du crucifix de Ludwig Gies
Crucifix de Ludwig Gies dans l’exposition


Emil Nolde, Le Paradis perdu
Emil Nolde, Le Paradis perdu (1921 ; huile sur toile, 106,5 x 157 cm ; Seebüll, Nolde Stiftung Seebüll)


Max Beckmann, Le Christ et la femme adultère
Max Beckmann, Le Christ et la femme adultère (1917 ; huile sur toile, 149,2 x 126,7 cm ; Saint Louis, Saint Louis Museum of Art)


Otto Müller, Trois filles
Otto Müller, Trois filles (vers 1920 ; huile sur toile, 121,9 x 134,8 cm ; Saint Louis, Saint Louis Museum of Art)


Marc Chagall, Pourim
Marc Chagall, Pourim (1916-197 ; huile sur toile, 50,5 x 71,9 cm ; Philadelphie, Philadelphia Museum of Art)


Oskar Kokoschka, Monte-Carlo
Oskar Kokoschka, Monte-Carlo (1925 ; huile sur toile, 73 x 100 cm ; Liège, Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain)


Franz Marc, Deux chats, bleu et jaune
Franz Marc, Deux chats, bleu et jaune (1912 ; huile sur toile, 74 × 98 cm ; Bâle, Kunstmuseum)


Le mur avec les œuvres Dada
Le mur avec les œuvres Dada


Le mur avec le slogan Sie sagen es selbst
Le mur avec le slogan “Sie sagen es selbst”. Les trois premières œuvres en haut à gauche sont les trois œuvres de Kandinsky, Nolde et Felixmüller mentionnées dans l’article.

En 1941, plus de seize mille œuvres avaient été confisquées par les nazis. Nombre d’entre elles ont été détruites, tandis que d’autres, comme certaines des œuvres citées ci-dessus, ont heureusement survécu. En lisant la liste des œuvres présentées à l’exposition de Munich, on remarque l’absence presque totale d’œuvres d’artistes étrangers (tels que van Gogh, Braque, Picasso et d’autres), qui avaient également été confisquées lors des rafles dans les galeries et les musées. En effet, nombre d’entre elles ont été vendues à l’étranger, souvent à l’initiative des hiérarques eux-mêmes: Hermann Göring, qui avait réussi à se constituer une collection importante grâce aux confiscations et aux pillages dans les pays occupés, avait pris en charge en 1938 un bon nombre de tableaux d’artistes post-impressionnistes et les avait personnellement vendus ou échangés contre d’autres œuvres. Les mesures prises par les nazis ne parviendront cependant pas à stopper complètement l’avant-garde. De nombreux artistes trouveront d’autres moyens de s’exprimer: la plupart s’expatrieront et poursuivront leur activité en France, en Hollande, aux États-Unis, continuant leur travail là où les saisies et les destructions l’avaient interrompu. Et aujourd’hui, on peut affirmer avec certitude que, malgré cette sombre parenthèse, l’art s’est avéré décidément plus fort que la barbarie violente.

Bibliographie de référence

  • Lisa Pine, Life and Times in Nazi Germany, Bloomsbury Publishing, 2016
  • Wolfgang Ruppert, Künstler im Nationalsozialismus: Die ’deutsche’ Kunst, die Kunstpolitik und die Berliner Kunsthochschule, Böhlau Köln, 2015
  • Anson Rabinbach, Sander L. Gilman, Lilian M. Freidberg, The Third Reich Sourcebook, University of California Press, 2013
  • Eric Michaud, Le culte de l’art dans l’Allemagne nazie, Stanford University Press, 2004
  • Peter Klaus Schuster, Nationalsozialismus und ’Entartete Kunst’, Prestel, 1998
  • Jonathan Petropoulos, Art as Politics in the Third Reich, The University of North Carolina Press, 1996
  • Neil Levi, “Judge for Yourselves !”. The “Degenerate Art” Exhibition as Political Spectacle in October, vol. 85, The MIT Press (1998), pp. 41-64.
  • Georg Bussmann, Kunst im 3. Reich - Dokumente der Unterwerfung, Frankfurter Kunstverein, 1975


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